Brexit : Barnier avoue son inquiétude sur la relation future avec Londres

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Photo: FT/AP/Getty

Les Echos | 5 mars 2020

Brexit : Barnier avoue son inquiétude sur la relation future avec Londres

Par Gabriel Grésillon

De la politesse et de l’inquiétude. Michel Barnier a eu beau remercier abondamment les différents protagonistes qui ont participé au premier cycle de négociation sur la future relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, il n’a pas caché, jeudi, son appréhension devant les difficultés majeures qui se dessinent .

Lors d’une conférence de presse qui venait clore cette première session d’échanges entre les deux équipes d’experts, le négociateur en chef des Européens a, certes, estimé que certains dossiers s’annonçaient relativement simples à négocier. Mais il a surtout insisté sur les « divergences très sérieuses » qui se manifestent sur quatre grands sujets. Des divergences qui traduisent la volonté de Londres de limiter au maximum ses engagements à l’égard de l’Union européenne. Et qui, si elles ne sont pas résolues, pourraient mener les deux parties à un échec des négociations, faisant craindre, pour de bon, le spectre d’un Brexit sans accord le 1er janvier prochain.

Pas d’engagement à long terme

Premier point d’inquiétude : les conditions de concurrence équitable. Les Européens voudraient que le Royaume-Uni, pour garder un accès privilégié au marché européen, s’engage à ne pas diverger des normes européennes en matière d’aides d’Etat, d’environnement, de droit du travail, etc. Or, Londres n’entend pas se lier les mains à long terme au sujet de ce « level playing field », comme on l’appelle dans le jargon bruxellois. « Ils nous disent qu’ils ont toujours l’ambition d’avoir des standards élevés, mais ne veulent pas traduire ces engagements dans un accord commun », déplore Michel Barnier qui constate, en outre, que Londres ne veut pas « de mécanisme approprié pour en assurer le respect ». Et le négociateur d’interroger : « pourquoi ne pas nous engager formellement ? C’est aussi une question de confiance ».

Pas de Cour de justice de l’UE

Autre domaine dans lequel Londres refuse toute ingérence européenne : la coopération judiciaire et policière en matière pénale. Si les deux parties sont prêtes à collaborer, les négociateurs britanniques ne veulent pas s’engager à continuer à appliquer la convention européenne des Droits de l’Homme, ni continuer de confier à la Cour de justice de l’UE l’interprétation du droit européen. Comment s’entendre, dès lors, sur des sujets comme les données personnelles ? « Ce point est grave », a lâché Michel Barnier.

Londres souhaite par ailleurs signer une « myriade d’accords particuliers » plutôt que s’inscrire dans un cadre global, comme l’a proposé l’Union européenne. Michel Barnier plaide en faveur d’un seul accord-cadre permettant une plus grande efficacité, des ratifications beaucoup plus simples et serait plus évolutif, en cas de nouveau défi partagé : « l’actualité sanitaire montre que nous aurions un intérêt à être toujours prêts », affirme le négociateur en faisant référence au coronavirus. Mais la stratégie de Londres est compréhensible : elle limiterait le risque, pour les négociateurs britanniques, d’être obligés de céder sur tel dossier (comme la pêche) en raison d’une pression européenne exercée sur tel autre (comme la finance).

Frictions sur le poisson

C’est précisément au sujet de la pêche que se profile le dernier point de friction. Londres souhaite, à l’avenir, que l’accès à ses eaux soit négocié sur une base annuelle. Cela se fait aujourd’hui avec la Norvège.

Mais Michel Barnier juge cette méthode « absolument impraticable » du fait qu’il y a dans les eaux britanniques « une centaine d’espèces » contre « 5 espèces » dans les eaux norvégiennes. La « visibilité » dont ont besoin les pêcheurs européens n’est pas compatible avec un tel dispositif, affirme le Français. Derrière les arguments techniques, c’est en réalité l’un des principaux bras de fer politiques entre les deux parties qui pointe.

source : Les Echos

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