L’Accord Canada–États-Unis–Mexique entre en vigueur

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Radio-Canada | 1 July 2020

L’Accord Canada–États-Unis–Mexique entre en vigueur

par Jérôme Labbé

L’ALENA est officiellement caduc. Place à l’ACEUM, pour le meilleur et pour le pire.

L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), qui lie près de 500 millions de personnes, a pris effet à minuit, dans la nuit de mardi à mercredi. Il remplace son prédécesseur, l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui était en vigueur depuis le 1er janvier 1994.

C’est donc le début d’une nouvelle ère commerciale entre le Canada, les États-Unis et le Mexique; l’aboutissement d’une aventure qui aura duré trois ans. Le président américain, Donald Trump, avait imposé la renégociation de l’ALENA

à ses partenaires en août 2017, au motif qu’il s’agissait du "pire accord commercial de l’histoire" des États-Unis.

Avec cette nouvelle entente, le libre-échange entre véritablement dans le 21e siècle, selon Yan Cimon, professeur titulaire de stratégie à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval.

L’ACEUM, selon lui, est un accord "au goût du jour", "beaucoup plus moderne" que l’ALENA, qui répond aux préoccupations de nombreux Canadiens sur la propriété intellectuelle, le commerce électronique ou l’environnement, par exemple.

Cela dit, le consommateur moyen ne devrait pas constater de changement de prix significatif dans les mois à venir, escompte-t-il.
Des gagnants et des perdants

L’ACEUM a été signé le 30 novembre 2018 à Buenos Aires, en Argentine, juste avant l’ouverture du Sommet du G20, en présence de Donald Trump, du premier ministre canadien Justin Trudeau et de l’ex-président mexicain Enrique Peña Nieto.

Cette signature – obtenue à l’arraché – a notamment permis au Canada d’obtenir certains gains, comme le maintien du mécanisme de règlement par des arbitres indépendants en cas de conflit commercial; l’abandon du chapitre 11 de l’ALENA, qui permettait aux entreprises de poursuivre des gouvernements; et la sauvegarde de l’exemption culturelle.

Mais l’accord a également créé une brèche dans le système de gestion de l’offre, en ouvrant notamment aux producteurs américains 3,6 % du marché canadien du lait, qui était auparavant exclusivement accessible aux producteurs canadiens. Ce changement pourrait entraîner une perte de 240 M$ CA pour l’industrie, selon certains.

"Des pertes de marchés, du lait qu’on ne pourra pas produire, substitué par des produits américains... Pour nous, c’est une perte de revenus à terme", déplore le producteur laitier Frédéric Marcoux.

“On a fait des concessions et ce sont les producteurs laitiers qui en paient le prix.”
Frédéric Marcoux, producteur laitier

Les agriculteurs ont l’impression d’avoir été sacrifiés au bénéfice de l’ensemble de l’économie canadienne.

Par souci d’équité, le Bloc québécois exige du gouvernement Trudeau qu’il verse rapidement l’intégralité des compensations promises au secteur laitier, et qu’il s’entende avec les producteurs de volailles et d’œufs, qui ont eux aussi cédé une partie de leur marché à leurs homologues américains.

Le Parti conservateur du Canada, pour sa part, estime que le gouvernement devra indemniser les producteurs laitiers dans les 90 jours suivant l’entrée en vigueur de l’accord.

Le retour des tarifs punitifs?

Par ailleurs, l’ACEUM

n’a pas éliminé la perspective d’une guerre de tarifs entre le Canada et les États-Unis de Donald Trump, prompt à mettre en œuvre des mesures de protectionnisme économique.

L’accord n’était pas encore entré en vigueur en fin de semaine dernière que, déjà, l’ambassadeur américain au Commerce, Robert Lighthizer, promettait de l’appliquer avec une poigne de fer, évoquant la possibilité d’avoir recours à l’article 232 de l’accord pour imposer l’application de nouveaux tarifs punitifs aux secteurs canadiens de l’acier et de l’aluminium.

Il s’agirait le cas échéant d’un retour en arrière, Washington ayant imposé des tarifs de 25 % sur les importations d’acier et de 10 % sur les importations d’aluminium en provenance du Canada de juin 2018 à mai 2019.

Ottawa, qui avait refusé de faire adopter l’ACEUM

aux Communes tant et aussi longtemps que ces tarifs ne seraient pas levés, promet aujourd’hui de maintenir la pression sur Washington.

"Encore une fois, on voit à quel point nos économies sont intégrées, et on va continuer de souligner cela à l’administration américaine", a déclaré le premier ministre Justin Trudeau, lundi.

L’ACEUM a été ratifié par Mexico en décembre 2019; promulgué par Donald Trump le mois suivant; et adopté par le Parlement canadien le 13 mars dernier, au moment où la pandémie de COVID-19 commençait tout juste à s’abattre sur le pays.

Le Bloc québécois, seul parti représenté à la Chambre des Communes à avoir voté contre le dépôt du projet de loi, s’est finalement entendu avec le Parti libéral de Justin Trudeau pour qu’il renégocie avec les États-Unis et le Mexique les règles d’origine applicables à l’aluminium, afin de lui donner des protections supplémentaires.

source : Radio-Canada

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