Accord de libre-échange de l’AELE avec l’Indonésie : Libre échange inégal

Cause Toujours | 26 janvier 2021

Accord de libre-échange de l’AELE avec l’Indonésie : Libre échange inégal

Le 7 mars, le peuple suisse se prononcera sur un accord de libre-échange entre l’AELE (dont la Suisse est membre) et l’Indonésie, attaqué par référendum populaire au nom du commerce équitable, du respect des ressources naturelles et de la solidarité avec les producteurs indonésiens de produits exportés en Suisse.. Porte-parole des référendaires, le vigneron genevois Willy Cretigny explique que le principe même du libre-échange est à combattre et que favoriser la venue de produits qui viennent de loin est "mauvais pour l’environnement, augmente le transport de marchandises et met les écosystèmes locaux sous pression" : "à ’heure où l’on parle d’économie circulaire, de recyclage des déchets, cette fuite en avant entraîne notre perte". Le référendum est lancé contre un accord qui a été soutenu aux Chambres fédérales par le PS (et, sauf erreur, les Verts). Des ONG comme Public Eye, le WWF, ou la Fédération romande des consommateurs ont refusé de soutenir le référendum, qu’ont soutenu en revanche la Jeunesse Socialiste, les Jeunes Verts et la Grève pour le Climat. Qui (comme nous, ici) appellent à refuser un accord de "libre-échange" en quoi se résument tous les termes de l’échange inégal entre une économie du centre et une économie de la périphérie.

"Un schéma de consommation et de production non viable"

D’Indonésie, la Suisse importe surtout des chaussures, des vêtements et des métaux précieux (la plus grande mine d’or au monde, celle de Grasberg, est sur territoire indonésien, en Nouvelle-Guinée), et y exporte surtout des machines, des produits pharmaceutiques et des produits chimiques, mais on va plus parler d’huile de palme que de chaussures ou de métaux précieux, dans un débat qui pourra peut-être, difficilement, avant le vote du 7 mars, se frayer un chemin entre les échanges à propos de la burqa (et, à Genève, d’un parking et d’un Conseiller d’Etat démissionnaire). Pourtant, l’importation en Suisse d’huile de palme indonésienne n’est pas l’enjeu principal de l’accord sur lequel (contre lequel...) on votera. Elle ne représentait que 0.004 % de la valeur des importations suisses en provenance d’Indonésie en 2019 , mais elle est comme une sorte de résumé des conséquences possibles, ici et là-bas, d’une "libre circulation" des marchandises entre deux pays, deux espaces économiques, entre lesquels il n’est évidemment pas question de libre circulation des personnes.

"Le coût des biens doit être en lien avec le coût local du travail pour enrayer la surconsommation et le tout jetable", résume Willy Cretigny. Un accord de libre-échange comme celui proposé avec l’Indonésie va de toute évidence à l’encontre d’un tel objectif. Et les grandes perdantes d’un tel accord seront les populations locales indonésiennes, qui doivent abandonner leurs cultures traditionnelles de subsistance, comme le riz, au profit de celle de la matière première de ’huile de palme, ou abandonner leur agriculture vivrière pour aller produire en usines ou en ateliers des chaussures ou des vêtements. La sécurité alimentaire de ces populations en souffre : elles doivent désormais acheter les aliments de base qu’elles produisaient et ne produisent plus. La production d’huile de palme indonésienne se fait en outre au prix de multiples violations des droits fondamentaux des travailleurs qui y sont affectés: exposition à des produits chimiques dangereux, salaires inférieurs au salaire minimum, absence de congés maternité, répression des syndicats indépendants et, selon l’OIT, 1 million et demi d’enfants et d’adolescents de 10 à 17 ans travaillent dans les champs de palme... c’est à ce prix que les plantations peuvent fournir Nestlé (entre autres) en huile de palme... Et les conditions de production des autres biens exportés vers la Suisse ne sont guère plus reluisantes.

"La cause principale de la dégradation continue de l’environnement mondial est un schéma de consommation et de production non viable, notamment dans les pays industrialisés, qui est extrêmement préoccupant dans la mesure où il aggrave la pauvreté et les déséquilibres" : ainsi s’exprimait en 1992 la déclaration finale du "Sommet de la Terre", à Rio de Janeiro. Trente ans plus tard, on n’est toujours pas sorti du "schéma de consommation et de production non viable", et le "développement durable", auquel se réfère, avec une crédibilité contestable, le projet de traité de libre-échange avec l’Indonésie, apparaît pour ce qu’il est : une tentative de sauvegarder l’essentiel de ce "schéma", d’en pérenniser les "lois" fondamentales -à commencer par celles du profit et de la mise au travail, dans des conditions inadmissibles, de populations de la périphérie pour que soit exporté au centre le produit de leur travail, à un prix rendu le plus bas possible ici par l’irrespect systématique des droits les plus élémentaires des travailleurs de là-bas. Protéger ces droits, c’est notre "protectionnisme" à nous. Un "protectionnisme internationaliste", en somme...

source : Cause Toujours

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