Madagascar - Union européenne : Négociation de l’Accord de partenariat pour une pêche durable au thon
Photo: Trey Ratcliff / CC BY-NC-SA 2.0

CNPE Madagascar

Communiqué - 27 Septembre 2021

Madagascar - Union européenne : Négociation de l’Accord de partenariat pour une pêche durable au thon

La population Malagasy demande plus d’équité et de transparence pour assurer une véritable pêche durable

Madagascar, comme d’autres pays de l’Océan Indien, conclut des accords de pêche avec des pays, groupes de pays ou entités commerciales étrangères qui souhaitent exploiter les ressources de pêche dans les eaux nationales.
De tels accords servent à garantir une exploitation rationnelle, optimale et durable des ressources de pêche malagasy.

Pourtant, ces accords sont à peine rendus publics. Souvent, les accords avec l’Union européenne (UE) ne sont connus qu’après leur conclusion. Quant aux accords avec les pays d’Asie tels que le Japon, Taiwan, la Corée du Sud et la Chine, ils restent opaque et généralement confidentiels. Le scandale des deux protocoles d’accord de pêche signés avec des sociétés chinoises en 2018 (pour 330 navires) et en 2019 (pour une trentaine de navires) a pourtant montré que le public porte un fort intérêt pour le sujet de la pêche dans les eaux malagasy.

Parmi ces accords de pêche, l’Accord de Partenariat pour une Pêche Durable du thon entre l’UE et Madagascar signé en 2014 est arrivé à échéance le 31 décembre 2018. Depuis, trois tours de négociations ont eu lieu, sans aboutir à un accord sur des points essentiels :
 le montant de la compensation financière versée à Madagascar (qui inclut une aide spécifique à la politique nationale d’appui au secteur de la pêche malagasy),
 le nombre des bateaux de l’UE autorisés à pêcher dans la Zone Économique Exclusive (ZEE) malagasy,
 et probablement les questions de débarquement des captures dans les ports malagasy et de la présence d’observateurs à bord des bateaux européens.

Nous avons été informés que le prochain tour des négociations aura lieu dans les jours qui viennent.

Par ce communiqué, nous interpellons l’Union européenne et le gouvernement de Madagascar afin qu’ils trouvent un accord qui mette la priorité sur l’équité et la transparence, à la hauteur des enjeux d’une pêche vraiment durable qui assure la sécurité alimentaire de la population et la survie de la pêche nationale.

1. Un accord équitable « gagnant-gagnant » avec des retombés tangibles sur l’économie nationale et locale

Tout au long des dernières négociations, le Ministère a rappelé qu’il est primordial pour Madagascar de recevoir une compensation financière équitable pour les thons capturés dans les eaux nationales.

En 2019, les pays membres de la Commission des Pêches du Sud-Ouest de l’Océan Indien ont souligné, parmi leurs directives, la nécessité de compensations financières pour l’accès aux ressources thonières dans leurs eaux d’un « minimum de 12 % de la valeur marchande moyenne courante des ressources en thonidés et assimilés ».

Le calcul de cette valeur marchande est complexe. Mais quelle que soit la base de calcul retenue, il est légitime de la part des autorités malagasy d’exiger de la part de l’UE une compensation financière équitable tenant compte de la valeur des thons capturés, des coûts d’exploitation, des coûts de gestion et des charges de suivi, contrôle et surveillance.

Les accords avec l’UE sont souvent critiqués au niveau international pour le faible montant de la compensation financière octroyée, le prix de l’accès aux ressources représentant moins de 5% des profits obtenus par les bateaux de pêche européens. Cela doit changer.

“En tant qu’entité qui promeut le développement durable au niveau mondial, l’UE doit montrer l’exemple à travers cet accord et apporter aux pays côtiers, à commencer par Madagascar, une compensation financière équitable qui prenne en considération, au minimum, le prix du marché.” (Ndranto RAZAKAMANARINA, Président de l’Alliance Voahary Gasy - AVG).

Dans le cadre du dernier accord, la part dédiée à l’appui du secteur pêche à Madagascar était seulement de 700 000 euros par an, et les retombées réelles de cet appui ont été dérisoires en comparaison des besoins du secteur et des urgences en matière de sécurité alimentaire et d’appauvrissement des stocks.

Il est impératif d’augmenter la contribution financière de soutien au Ministère de la Pêche et de l’Économie Bleue pour l’accomplissement de ses missions, notamment pour répondre aux besoins impérieux de la petite pêche malgache, si essentielle pour la sécurité alimentaire de la population et pour la résilience des communautés côtières : appui à leurs activités de pêche, meilleur accès au marché, amélioration des équipements. Les travaux en cours, appuyés par la FAO, peuvent servir de base à cette fin, pour élaborer un plan d’action national inclusif et participatif pour la petite pêche à Madagascar.

Cette augmentation de la contribution financière doit aller de pair avec une meilleure redevabilité du gouvernement sur l’utilisation de ces fonds selon les priorités du secteur au profit de la population malagasy, en rendant publics le plan pluriannuel et les rapports annuels techniques et financiers des réalisations.

2. Un accord qui contribue à une gestion durable des ressources

Nous soutenons les efforts pour que l’accord de pêche contribue à la promotion de l’économie bleue en assurant la gestion durable des ressources marines.

Pour cela, l’UE doit mettre en œuvre les 10 priorités pour l’avenir des accords de partenariat de pêche durable établies en mai 2020 à Bruxelles par les organisations Birdlife International, CAOPA, CFFA-CAPE, CNPE, FPAOI, PRCM et WWF.

De son côté, le gouvernement doit affecter des lignes budgétaires spécifiques pour :
 appuyer les activités de préservation des ressources à travers des recherches scientifiques
et l’évaluation des stocks ;
 assurer la mise en place effective de la Planification Spatiale Marine à Madagascar ;
 renforcer la surveillance des pêches et intensifier la lutte contre la pêche Illicite, Non
déclarée et Non réglementée (INN) ainsi que les pratiques corruptives qui y sont attachées.

"L’accord devrait établir des clauses pour renforcer le suivi des opérations des navires européens dans la zone économique exclusive de Madagascar, que ce soit par l’amélioration de la couverture des observateurs ou pour un meilleur suivi des données de capture” (Solofo Ralaimihoatra, Secrétaire exécutif du réseau MIHARI).

3. Un accord modèle et transparent pour les autres acteurs
Pour assurer un cadre transparent, légitime, démocratique et représentatif à ces négociations, l’UE et le gouvernement doivent accepter la présence d’observateurs représentants de toutes les parties prenantes du secteur pêche, en particulier la société civile et la pêche traditionnelle et artisanale, afin qu’ils soient en mesure de participer au processus de prise de décision, défendre leurs droits et faire entendre les enjeux prioritaires pour la survie du secteur de la petite pêche et des ressources marines malagasy.

“Généraliser la transparence à toutes les étapes des négociations permettra également de dissocier les discussions sur l’accès aux ressources de pêche de celles sur l’aide au développement en général, afin d’assurer des négociations centrées sur une pêche durable et équitable, sans qu’elles soient parasitées par d’autres pressions” (Ketakandriana Rafitoson, Directrice exécutive de Transparency International - Initiative Madagascar).
Cette transparence des accords doit contribuer à réduire la corruption, à travers une meilleure responsabilisation des décideurs, l’application rapide de décisions impartiales, et une communication appropriée avec les organisations de petits pêcheurs malagasy.

Ces principes de transparence, de présence d’observateurs et de prise en compte de l’intérêt du secteur pêche et de la pêche traditionnelle/artisanale malagasy doivent d’ailleurs s’appliquer à tous les autres accords en vigueur et/ou en négociation. Nous exhortons ainsi le Gouvernement de Madagascar et les pays concernés (Japon, Corée du Sud, Chine, Taiwan, etc) à rendre publique au moins les informations sur leurs accords de pêche avec Madagascar.

Plus que jamais, Madagascar a besoin d’une gestion durable des ressources marines pour établir la pêche comme un pilier de l’économie bleue mais aussi pourvoir aux besoins des populations locales, confrontées aujourd’hui à de graves dangers, incluant la famine.

Nous, OSC signataires, demandons à l’UE et au gouvernement de Madagascar d’écouter la voix du peuple malagasy et surtout de ses pêcheurs, qui attendent un accord juste, équitable et capable de protéger durablement les ressources marines.

source : CNPE Madagascar

Printed from: https://www.bilaterals.org/./?madagascar-union-europeenne