Partenariat régional en Asie-Pacifique : Taïwan au coeur crispations

Les Echos | 14 novembre 2021

Partenariat régional en Asie-Pacifique : Taïwan au coeur crispations

Par Yann Rousseau

A l’issue de leur sommet virtuel, ce week-end, les leaders de 21 nations de l’Asie-Pacifique, réunis au sein de l’Apec (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique), ont réussi à mettre en scène un minimum d’unanimité pour promettre une nouvelle phase de libéralisation du commerce dans la région afin de faciliter la reprise économique après la pandémie de Covid-19. « Nous soutenons les efforts en cours pour conclure, ratifier et mettre en oeuvre les accords commerciaux dans la région », ont assuré, dans leur communiqué final, les dirigeants chinois, américain, japonais, sud-coréen, russe ou encore australien.

A court terme, les 21 nations, qui génèrent 60 % du PIB mondial, se sont même engagées à baisser les tarifs douaniers qui freinent encore la circulation des masques, des vaccins et autres équipements médicaux.

Des tractations délicates

En coulisses, leurs tractations ont été toutefois beaucoup moins harmonieuses. Les pays de la zone se retrouvant happés, malgré eux, dans le bras de fer stratégique sino-américain qui se focalise désormais sur l’adhésion éventuelle de Taïwan au grand pacte de libre-échange régional, baptisé CPTPP (« Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership »).

Tous membres de l’Apec, les 11 signataires (le Canada, l’Australie, Brunei, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam) de ce grand traité, que les Etats-Unis avaient quitté sur ordre de Donald Trump en 2017 , ont pris acte en septembre dernier des candidatures officielles de Pékin et de Taipei à leur pacte. Ils ont aussi été avertis, au même moment, que la Chine ne tolérerait pas une adhésion de Taïwan , qui est pourtant soutenue directement par le Japon, le grand allié des Etats-Unis dans la région.

Des standards exigeants

Refusant de choisir entre Pékin et Washington, les nations membres du CPTPP vont devoir étudier cet épineux dossier avec prudence. « Si l’on s’intéresse seulement aux prérequis techniques pour pouvoir intégrer cet accord, il est probable que Taïwan sera en mesure de les remplir bien avant la Chine », rappelle Fukunari Kimura, un professeur spécialiste des enjeux commerciaux internationaux à la Keio University. « Son système économique est beaucoup plus proche du modèle libéral occidental alors que la Chine devrait, si elle voulait vraiment adhérer, engager de très profondes réformes, notamment sur le poids de ses sociétés d’Etat », insiste l’expert.

Il note que cet accord orchestre certes une grande baisse des tarifs douaniers, mais impose aussi des standards très exigeants en matière de libéralisation économique ou de droit du travail. Autant de normes que Pékin semble peu disposé à adopter.

Si elles ne croient pas à la possibilité d’une adhésion de la Chine au CPTPP, les grandes entreprises de la région se réjouiraient d’une adhésion de Taïwan. « Mais, dans le même temps, elles redoutent de voir ces candidatures concurrentes déboucher sur des perturbations politiques néfastes dans la région », prévient Fukunari Kimura. Une politisation qui s’amplifierait si l’administration Biden entamait, à son tour, des démarches pour adhérer au grand pacte, comme le lui demandent désormais plusieurs grands lobbys économiques américains.

source : Les Echos

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