Comment Paris veut muscler la défense commerciale européenne

Les Echos | 24 janvier 2022

Comment Paris veut muscler la défense commerciale européenne

Par Richard Hiault

Auditionné lundi par la Commission du commerce international du Parlement européen (Inta), Franck Riester, mettra surtout l’accent sur la protection. La France présidant pour six mois le Conseil de l’Union européenne (UE), son ministre chargé du Commerce extérieur détaillera les visions françaises pour renforcer la politique de défense commerciale européenne plutôt que la négociation de nouveaux accords commerciaux.

Une réunion informelle des ministres du Commerce se profilant les 13 et 14 février à Marseille, ces mêmes ministres se retrouveront à nouveau le 3 juin de manière formelle. D’ici là, la présidence française compte bien accélérer sur plusieurs dossiers.

Premier objectif : adopter le règlement sur l’accès aux marchés publics. « L’Union veut une ouverture réciproque des marchés publics de ses partenaires commerciaux. L’instrument envisagé permettra de limiter l’accès aux appels d’offres européens pour les entreprises étrangères dont le pays n’offre pas des conditions d’accès similaires à ses marchés, à commencer par celles venant de Chine et des Etats-Unis », explique Marie Pierre Vedrenne, vice-présidente de la Commission Inta.

L’idée n’est pas neuve. Elle date de 2016 . Mais jusqu’à récemment, le dossier n’avait guère avancé au regard des réticences allemandes. Le Portugal, présidant l’Union au premier semestre 2021, l’a relancé et Paris compte bien boucler le dossier durant la sienne.

Lutter contre les subventions abusives

Ce chantier s’accompagne en parallèle d’un autre projet pour contrer les subventions abusives octroyées à des entreprises non européennes pour faciliter leur entrée sur le marché européen, voire à leur faciliter le rachat de pépites européennes.

Les Européens se souviennent des mésaventures de leurs producteurs de panneaux photovoltaïques, victimes collatérales des subventions chinoises au début des années 2010. De même que le rachat de Kuka , spécialiste allemand de la robotique par le Chinois Midea en 2016 qui avait choqué en Allemagne, reste dans toutes les têtes.

L’Europe veut mettre fin aux tentatives de pillage de ses entreprises. Dans ce domaine, en mai dernier, la Commission européenne a présenté ses propositions. Reste désormais à accorder les points de vue entre le Parlement, le Conseil et la Commission pour aboutir à une directive que Paris espère voir aboutir sous sa présidence.

Législation européenne anti-coercition

La France pousse aussi les feux sur une législation européenne anti-coercition. Bruxelles a enfin présenté ses propositions en décembre dernier. L’objectif est de mieux défendre les intérêts européens face aux pratiques déloyales de certains Etats. Il s’agit par exemple de contrecarrer les pratiques commerciales coercitives chinoises comme celles adoptées l’an passé par la Chine à l’encontre de l’Australie .

De même, « l’instrument aurait permis de gérer la guerre commerciale et diplomatique qui s’est ouverte récemment entre la Chine et la Lituanie », témoigne Marie-Pierre Vedrenne. Il a aussi pour but de mieux prémunir l’Europe contre les lois extraterritoriales américaines. Le temps presse. La Suède, qui assurera la présidence de l’UE au premier semestre 2023, ne cache pas son opposition, jugeant l’instrument dangereux.

Le développement durable en priorité

Dans la droite ligne du verdissement de la politique commerciale européenne, plusieurs travaux vont se poursuivre dans les six prochains mois. La France, qui s’est dotée avec la loi Potier d’une législation sur le devoir de vigilance des entreprises dans leurs chaînes de valeur, espère bien pousser le dossier au niveau européen. Une proposition de la Commission européenne est attendue dans les prochaines semaines.

Paris entend aussi poursuivre l’effort d’intégration du développement durable dans les priorités de la politique commerciale de l’Union. Un instrument de lutte contre la déforestation importée et des mesures assurant que les produits importés - les produits agroalimentaires notamment - soient soumis aux standards de production européens sont sur la table des discussions.

Lutter contre le travail forcé

Est aussi prévue la révision du règlement européen sur le système de préférences généralisées accordées aux pays en développement pour leurs exportations vers l’Union. Non seulement les questions environnementales doivent être prises en compte mais également la question des droits humains pour lutter contre le travail forcé ou le travail des enfants.

“ La France est le pays qui s’est le plus opposé à la signature de nouveaux [accords commerciaux] et en particulier qui a dénoncé l’accord du Mercosur compte tenu du non-respect des Accords de Paris.”
Emmanuel Macron

Pour Paris, l’ouverture de nouvelles négociations pour la conclusion d’accords commerciaux n’est donc pas prioritaire. Il importe plutôt d’adapter les accords existants à ces nouvelles normes environnementales de l’Union. Lors de son audition par le Parlement européen, mercredi dernier, Emmanuel Macron l’a dit explicitement : « La France est le pays qui s’est le plus opposé à la signature de nouveaux [accords commerciaux] et en particulier qui a dénoncé l’accord du Mercosur compte tenu du non-respect des Accords de Paris » sur le climat.

L’accord commercial avec les pays du Mercosur attendra. De même que l’accord sur les investissements avec la Chine, signé en décembre 2020, tant que le Chine ne donnera pas des assurances sur les droits humains.

source : Les Echos

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