Accord UE-Nouvelle-Zélande : "C’est le meilleur moyen de tuer les agriculteurs français"

Marianne | 1 juillet 2022

Accord UE-Nouvelle-Zélande : "C’est le meilleur moyen de tuer les agriculteurs français"

par Vincent Geny

Après quatre ans de négociation, l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande ont conclu ce 30 juin un accord de libre-échange qui pourrait gonfler de 30 % leurs échanges bilatéraux, en particulier dans le secteur agricole. Pour l’eurodéputé LFI Emmanuel Maurel, ce traité constituerait une aberration sociale et climatique.

Et un de plus. Depuis juin 2018, l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande étaient en négociation au sujet d’un accord de libre-échange, qui a finalement été conclu ce 30 juin. Le député européen de la Gauche républicaine et socialiste Emmanuel Maurel s’inquiète de l’impact du traité à venir sur les filières agricoles européennes ainsi que sur le climat.

Marianne : La signature d’un accord de libre-échange entre la Nouvelle-Zélande et l’Union européenne (UE) a eu lieu ce 30 juin. Que prévoit-il ?

Emmanuel Maurel : La Nouvelle-Zélande est une grande puissance agricole. Ce secteur représente 80 % des exportations totales du pays. Nous parlons de 28 milliards d’euros chaque année de produits laitiers, de viandes, de fruits et de vins. L’Europe est son troisième partenaire commercial, derrière la Chine et l’Australie. L’idée de cet accord est de permettre à la Nouvelle-Zélande d’exporter encore plus de ses produits en Europe. En échange, il y aurait une facilitation des exportations de services de l’UE. La Nouvelle-Zélande reconnaîtrait aussi nos appellations d’origine contrôlée. C’est une bagatelle en regard des problèmes que cela pose.

C’est-à-dire ?

L’accord est une aberration écologique. La Commission européenne a promis une étude d’impact qui n’est pas encore rendu publique. Mais, il est clair qu’un accroissement des exportations sur 18 000 kilomètres n’apportera qu’une détérioration climatique. Ce pays utilise aussi des herbicides nocifs pour l’homme qui sont interdits en Europe. Ils se retrouveront dans nos assiettes. Les élevages bovins sont nourris avec des tourteaux de palmistes, soit des résidus issus de l’extraction d’huile de palme. Clairement, c’est une viande directement issue de la déforestation.

Un non-sens alors que la France veut faire de l’écologie une priorité et que l’UE reprend aussi cet argumentaire…

Exactement. Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, Emmanuel Macron avait promis l’édiction de la clause miroir. Cela obligerait à importer des produits utilisant les mêmes normes sanitaires. Nous ne l’avons toujours pas vue… La Commission fait preuve d’un activisme débridé pour signer cet accord. Pourtant, depuis le Covid-19 et la guerre en Ukraine, on nous avance des projets de régulation commerciale, de souveraineté alimentaire, de relocalisation. Des grands principes mis en avant qui se fracassent sur les négociations de la Commission. Autoriser un tel accord est tout bonnement climaticide.

C’est également un désastre pour nos agriculteurs qui vont faire face à une nouvelle concurrence.

On voudrait tuer l’agriculture française que l’on ne s’y prendrait pas autrement. L’Union européenne importe 230 000 tonnes de viandes néo-zélandaises, principalement des ovins. La commission veut augmenter ce flux. Pourtant, nos dirigeants passent leur temps à dire que l’agriculture européenne se porte mal, que les agriculteurs connaissent des difficultés financières considérables. Encore une fois, l’UE affiche ouvertement toutes ses contradictions. Et c’est systématiquement le cas avec les accords de libre-échange. Nous continuons pourtant à en signer. Il est évident que des pays européens non agricoles sont très satisfaits. En ce qui concerne la France, ce que fait la Commission est une aberration totale.

N’avons-nous vraiment rien à gagner ?

L’UE exporte peu de services à la personne mais plutôt des formules financières. Les produits industriels ne vont pas spécialement bénéficier de l’accord car la Nouvelle-Zélande dispose de partenaires asiatiques juste à côté. D’ailleurs, elle a signé un accord de libre-échange sur la zone Asie-Pacifique énorme qui recouvre les produits manufacturés.

source : Marianne

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