Qu’est-ce que le protocole sur l’Irlande du Nord, dont l’UE et la Grande-Bretagne viennent de signer une révision ?

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Le Monde | 27 février 2023

Qu’est-ce que le protocole sur l’Irlande du Nord, dont l’UE et la Grande-Bretagne viennent de signer une révision ?

avec AFP et Reuters

Deux ans après le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), Londres et Bruxelles se sont entendus pour mettre fin à leurs différends sur les contrôles de marchandises post-Brexit en Irlande du Nord. Après plus d’une année de négociations marquées par des soubresauts et des tensions, le premier ministre britannique, Rishi Sunak, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sont arrivés, lundi 27 février, à « l’accord de Windsor » sur ce dossier qui suscitait de vives tensions.

Une première version intégrée au Brexit

Communément appelé « protocole sur l’Irlande du Nord », le protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord a été signé en même temps que l’accord sur le Brexit, le 24 janvier 2020. Pour l’Union européenne, ces deux traités ont été signés par le président du Conseil européen, Charles Michel, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Pour le Royaume-Uni, il a été signé par Boris Johnson, alors premier ministre. Le protocole est entré en vigueur le 1er janvier 2021.

Le protocole est censé prendre en compte la situation particulière de l’île d’Irlande : il a été convenu entre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (Royaume-Uni) et l’Union européenne une solution stable et durable destinée à protéger l’économie de l’ensemble de l’île ainsi que l’accord du Vendredi saint (ou accord de Belfast) dans toutes ses composantes, et à préserver l’intégrité du marché unique de l’UE.

L’Irlande du Nord, qui continue de faire partie du territoire douanier du Royaume-Uni, est soumise à un ensemble de règles de l’UE relatives au marché unique des marchandises et à l’union douanière. Le protocole pose pourtant un problème pratique : il introduit un système de vérifications et de contrôles aux points d’entrée sur les marchandises arrivant en Irlande du Nord depuis le reste du Royaume-Uni ou tout autre pays tiers. Ces marchandises sont soumises aux droits de douane de l’UE, à moins qu’il n’existe aucun risque qu’elles entrent dans l’UE.

Ce système garantit néanmoins l’absence de vérifications et de contrôles entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, évitant ainsi la mise en place d’une frontière physique et assurant la libre circulation des marchandises en vertu des règles de l’union douanière de l’UE.

Difficultés d’application et tensions politiques

Le protocole n’a toutefois jamais été mis complètement en œuvre car des « périodes de grâce » sur les contrôles ont été instaurées et prolongées pour des produits, comme la viande non surgelée et les médicaments. Certaines entreprises ont dénoncé des formalités trop lourdes, notamment dans le domaine des produits pharmaceutiques, comme le notait la Chambre des lords.

A peine entré en vigueur, le protocole, tenu depuis pour responsable de difficultés d’approvisionnement en Irlande du Nord, a par ailleurs donné lieu à des tensions entre l’Union européenne et Londres. Après le lancement d’une révision unilatérale du statut post-Brexit de l’Irlande du Nord, l’exécutif européen avait lancé une série de procédures contre Londres.

Le protocole est surtout devenu un problème interne pour l’autorité de Rishi Sunak confronté à l’opposition des durs du Brexit et à celle des unionistes du Democratic Unionist Party (DUP), farouchement opposés à toute remise en cause de l’appartenance de l’Irlande du Nord au Royaume-Uni.

L’Irlande du Nord n’a pas de gouvernement depuis février 2022. Malgré des ultimatums successifs et des apparents progrès dans les négociations entre Londres et Bruxelles à ce sujet, Londres n’a pas réussi à convaincre le DUP de participer à un exécutif. Après l’annonce de l’accord entre Londres et Bruxelles, le chef du DUP a annoncé qu’il « prendra le temps pour étudier les détails et évaluer l’accord ». Prudent, le gouvernement britannique avait annoncé, début février, avoir reporté à janvier 2024 la date limite pour la tenue d’élections en Irlande du Nord.

Le nouveau « cadre de Windsor »

En réponse à ces tensions politiques, l’accord de Windsor du 27 février vise à réduire considérablement les contrôles douaniers nécessaires sur les marchandises en provenance de Grande-Bretagne et arrivant en Irlande du Nord. Il doit aussi, s’il est approuvé par les parlementaires britanniques, réduire l’application de réglementations de l’UE dans la province britannique.

Concrètement, les produits arrivant de Grande-Bretagne en Irlande du Nord pour y rester ne seront plus soumis aux mêmes contrôles que ceux voués à être ensuite exportés vers la République d’Irlande, c’est-à-dire vers l’Union européenne. Cela vaudra pour les échanges commerciaux, comme pour l’envoi de colis par des particuliers. Les autorités britanniques, et non plus l’Agence européenne du médicament, délivreront les autorisations de mise sur le marché des médicaments.

Le maintien de certaines lois européennes et de la compétence de la Cour de justice européenne en Irlande du Nord était l’un des points de blocage principaux du protocole pour les unionistes. Le « cadre de Windsor » prévoit la création d’un « frein » à disposition du Parlement nord-irlandais. Si trente députés de plusieurs partis s’opposent à l’application dans la province d’une nouvelle loi européenne sur les biens et marchandises, ils pourront convoquer un vote pour la bloquer, sur le modèle d’une disposition existant déjà dans l’accord de paix de 1998.

Ce « mécanisme d’urgence » n’enlèvera toutefois par à la Cour de justice européenne « le dernier mot » en ce qui concerne les règles régissant le marché unique toujours en vigueur dans la province, a insisté la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Finalement « moins de 3 % » des lois européennes continueront de s’appliquer en Irlande du Nord, fait valoir Londres.

De son côté, Londres renonce à un projet de loi grâce auquel le gouvernement britannique voulait s’arroger unilatéralement la faculté de passer outre certaines dispositions du protocole nord-irlandais. Une concession qui pourrait raviver la fronde des partisans d’un Brexit dur au sein du Parti conservateur.

source : Le Monde

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