UE : le Copa-Cogeca s’oppose aux accords de libre-échange en l’état

Web-agri | 25 avril 2023

UE : le Copa-Cogeca s’oppose aux accords de libre-échange en l’état

par Laure Sauvage

L’organisation agricole européenne Copa-Cogeca dénonce la « pression extrême » que mettent sur les éleveurs les accords de libre-échange négociés par l’UE avec la Nouvelle-Zélande, le Mercosur, le Chili et le Mexique. Ces accords prévoient l’arrivée sur le marché européen de contingents de viande bovine à taux de douane réduits et répondant à des normes de production moins exigeantes que dans l’UE.

« L’agenda commercial de l’UE pèse lourdement sur les secteurs européens de la viande bovine et ovine », écrit le Copa-Cogeca dans un communiqué du 20 avril, dénonçant « une situation désastreuse où nous assistons à une perte de compétitivité, à une baisse de la production et à une perte de durabilité ».

Cette situation, selon le groupement d’organisations agricoles européennes, s’explique par les initiatives mises en œuvre par l’UE dans le cadre du Pacte vert, aussi parce que l’UE « essaie activement d’éloigner les gens de la consommation de viande malgré les recommandations nutritionnelles », parce qu’elle « n’a pas d’approche globale en matière d’environnement » et parce qu’en face, elle augmente l’accès au marché de viandes venues de pays tiers quelles que soient les méthodes de production.

Le Copa-Cogeca fait ici référence aux accords de libre-échange conclus par l’UE depuis 2020 avec le Mexique, les quatre pays du Mercosur, la Nouvelle-Zélande et le Chili. Ces accords, une fois entrés en application, ouvriront notamment des contingents tarifaires de viande bovine issue de ces pays, à droits de douane réduits voire nuls.

Pas de réciprocité des normes

À « un moment où on leur demande constamment d’en faire plus et d’investir davantage pour améliorer leur production », ces contingents tarifaires cumulés provoquent l’« amertume » des agriculteurs, surtout en raison de l’absence de réciprocité des normes », détaille le Copa-Cogeca, qui « s’oppose à ce que davantage de produits accèdent au marché, nuisant aux revenus de nos agriculteurs et à notre production ».

Pour l’organisation, il faudrait que « tout accès au contingent soit conforme à la norme européenne sur l’interdiction des antibiotiques comme facteurs de croissance » et aux règlements européens relatifs au transport terrestre, et que les animaux traités avec des produits non homologués dans l’UE ou soumis à des contrôles moins rigoureux soient exclus.

Autre suggestion : « les exports commerciaux et les négociateurs de l’UE devraient prendre en compte les révisions relatives au bien-être animal » (à la ferme, dans les transports, à l’abattage, étiquetage) attendues à l’automne 2023.

Sur le sujet : Mode d’élevage, transport, abattage et étiquetage dans le viseur des politiques
Ces révisions devraient « augmenter les charges et les investissements des éleveurs de l’UE », amplifier l’avantage concurrentiel des viandes bovines importées et « induire en erreur les consommateurs qui ne sont pas forcément conscients de la réalité de la production dans d’autres pays ».

Des suggestions sur l’accès au marché et la gestion des contingents

Pour « atténuer la pression sur les éleveurs et éviter les perturbations de marché », le Copa-Cogeca suggère aussi aux négociateurs de travailler sur l’accès au marché et la gestion des contingents tarifaires. Par exemple, n’ouvrir le contingent qu’à la viande de génisses ou bouvillons élevés au pâturage et soumise aux mêmes règles de traçabilité qu’en UE, établir des contingents plutôt mensuels qu’annuel de façon à les adapter aux pics et creux de production en Europe, etc.

« Il ne faudra pas non plus ignorer l’impact des accords commerciaux bilatéraux conclus par le Royaume-Uni avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande » après le Brexit, souligne le communiqué : ils « limiteront l’accès de la viande de l’UE au marché britannique » mais pourraient aussi provoquer « un déplacement des produits britanniques vers le marché de l’UE et une instabilité globale du marché ».

Le Copa-Cogeca déplore enfin la menace que font planer ces accords de libre-échange sur « les économies des territoires ruraux et leur tissu social » : en rendant le secteur de l’élevage moins compétitif, moins performant, moins rémunérateur, ils pourraient réduire son attractivité auprès des jeunes générations.

Or « au-delà de la production, c’est aussi par la dynamique d’installation que nous garantirons le maintien d’aménités environnementales positives, la capture du carbone dans les pâturages et les prairies utilisées par les ruminants, bref, les biens publics générés par les jeunes agriculteurs pour la société européenne », conclut le communiqué.

Accords de libre-échange : où en sommes-nous ?

Tous les accords de libre-échange évoqués par le Copa-Cogeca font l’objet d’accords de principe entre l’UE et les pays concernés. Les négociations se sont achevées en 2019 avec le Mercosur, en 2020 avec le Mexique, en juin 2022 avec la Nouvelle-Zélande et en décembre 2022 avec le Chili.

Mais aucun de ces accords n’a encore été ratifié et n’est donc entré en vigueur. Le think tank Agriculture stratégie explique le processus : « À l’issue des négociations menées par la Commission européenne, le projet d’accord est transmis au Conseil (représentant les gouvernements de tous les États membres, NDLR) qui doit autoriser sa signature ».

Le Conseil se prononce alors « à la majorité qualifiée, sauf lorsqu’il inclut des dispositions qui ne relèvent pas de la compétence exclusive de l’UE mais de la compétence des États membres. Qualifiés de "mixtes", de tels accords exigent l’unanimité au Conseil mais également leur ratification par l’ensemble des États-membres », via les Parlements nationaux, ce qui allonge fortement la procédure de ratification.

Pour entrer en vigueur, les accords commerciaux avec le Mexique, le Chili et la Nouvelle-Zélande ne devraient avoir besoin que de la majorité qualifiée au Conseil puis de l’approbation du Parlement européen.

En tant qu’accord mixte, celui avec le Mercosur devrait aussi passer devant les Parlements de chaque État-membre. Mais la Commission européenne propose d’en extraire la partie commerciale pour simplifier et accélérer sa ratification, « écartant la possibilité de véto d’un seul Etat membre du Conseil au profit de la majorité qualifiée », expliquait l’Idele il y a quelque temps. Et si la France et l’Allemagne s’opposent pour l’instant à l’accord, d’autres pays de l’UE voudraient le voir signé rapidement.

source : Web-agri

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