Bruxelles est tenté par des accords bilatéraux

LE MONDE | 13.06.06

Bruxelles est tenté par des accords bilatéraux

BRUXELLES BUREAU EUROPÉEN

Philippe Ricard

Au moment où l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a le plus grand mal à boucler le cycle de Doha de libéralisation des échanges, l’Union européenne (UE) redécouvre le charme des accords bilatéraux. Dans les prochains mois, elle envisage d’ouvrir des négociations avec plusieurs partenaires, en particulier en Asie, une région où les Etats-Unis sont plus actifs qu’elle.

"Ce serait la fin du moratoire sur nos relations bilatérales, faute d’obtenir un accord multilatéral à la hauteur de nos espérances, observe un expert européen. Cette démarche constitue un tournant, car les Européens ont toujours défendu une approche multilatérale."

Si le cycle de Doha est une priorité pour l’UE, Bruxelles prépare néanmoins discrètement le terrain. "Nous pouvons et nous devons aller plus loin pour défendre (...) les intérêts des entreprises européennes dans des régions particulières du monde ou des domaines politiques particuliers", a dit le commissaire européen au commerce, Peter Mandelson, en Suisse, début mai.

Depuis quelques mois, la Commission étudie la faisabilité d’un accord de libre-échange avec la Corée du Sud et les pays de l’Association des nations du sud-est asiatique (Asean). "Il est clair qu’il existe de nombreuses possibilités pour stimuler le commerce de biens et de services et aider à attirer de nouveaux investissements de l’UE dans l’Asean, ou de cette dernière vers l’Europe", a indiqué M. Mandelson lors d’un récent voyage en Malaisie.

Un groupe de travail UE/Asean a été mis en place pour définir les contours d’un accord de libre-échange. Aucune décision définitive n’est encore prise, mais des négociations pourraient être lancées d’ici à la fin de l’année. Elles pourraient concerner l’ensemble de la zone, ou l’un ou l’autre de ses membres, puisque certains pays européens refusent de traiter avec la junte au pouvoir en Birmanie.

Sans parler d’un accord de libre-échange, les Européens entendent renouveler, pour l’élargir, leur partenariat avec la Chine. Une perspective qui a fait l’objet de discussions avec Pékin, lors d’une visite d’une délégation européenne en Chine du 5 au 9 juin.

Bruxelles tente également de relancer les négociations ouvertes depuis plusieurs années, mais mises entre parenthèses afin de se concentrer sur l’OMC. C’est le cas des pourparlers avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Ou de ceux engagés avec le Conseil de coopération du Golfe. M. Mandelson s’est ainsi rendu à Abou Dhabi (capitale des Emirats) samedi dans l’espoir de boucler un accord d’ici à la fin de l’année.

La relance des accords bilatéraux permettrait, pour les Européens, d’aborder des sujets - tels que les investissements et les obstacles non tarifaires au commerce- qu’il n’est pas possible de régler au sein de l’OMC. "Comme les opinions publiques européennes sont de plus en plus sensibles à la mondialisation, il est imaginable d’introduire des discussions sur des sujets plus politiques, comme les conditions de travail et les droits sociaux", dit un haut fonctionnaire français. Enfin, dans un cadre bilatéral, l’UE peut choisir de ne pas aborder les questions agricoles, qui la placent en position défensive à l’OMC.

Article paru dans l’édition du 14.06.06

source : Le Monde

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