En avant avec la lutte pour arrêter les APE

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Africa Trade Network | 1/10/2007

EN AVANT AVEC LA LUTTE POUR ARRETER LES APE

Déclaration de la neuvième réunion annuelle du Réseau d’Afrique sur le Commerce

Nous, les organisations de la société civile réunies dans le cadre de la neuvième réunion d’examen et de stratégie du Réseau d’ Afrique sur Commerce du 11 au 14 décembre 2006 à Accra, ayant examiné les négociations en cours des dits Accords de Partenariat Economique (APE) et les nouvelles évolutions dans les négociations à l’OMC, déclarons comme suit :

Nous réaffirmons le droit fondamental de nos pays de mettre en œuvre des politiques autonomes qui assurent la promotion du développement de nos économies et répondent aux besoins des droits sociaux et humains ainsi que des moyens de subsistance de nos populations. Nous réaffirmons également l’intégration régionale et continentale des pays africains en fonction de nos propres impératifs comme une condition clé nécessaire au développement de nos pays au profit de nos populations.

Au cours des deux dernières décennies, le droit des pays africains de poursuivre leur propre programme individuel et collectif a été bafoué et miné par les pays du Nord qui dominent le système économique mondial dans leur tentative incessante d’assurer une plus grande ouverture économique des pays africains et d’autres pays en développement au profit des sociétés multinationales.

Les Accords de Partenariat Economique

Les soi disant Accords de Partenariat Economique que les pays de l’Afrique (des Caraïbes et du Pacifique) négocient avec l’Union Européenne sont non seulement semblables aux accords de libre échange multilatéraux et bilatéraux que quelques pays en Afrique et ailleurs sont en train de négocier mais aussi constituent tout simplement le dernier des instruments d’agression contre nos pays. Ces accords seront plus restrictifs en matière de choix de politique et d’opportunités disponibles à nos gouvernements et leurs impacts plus sévères que ceux des politiques d’ajustement structurel du FMI/Banque mondiale et des accords de l’OMC.

Trois années se sont écoulées depuis que le Réseau d’Afrique su le Commerce a lancé son opposition aux APE. Depuis lors plusieurs centaines d’organisations de la société civile, de mouvements sociaux, d’organisations de masse à travers l’Afrique, les Caraïbes, le Pacifique et l’Europe mènent une campagne pour arrêter les négociations des APE sous leur forme actuelle entre l’Union Européenne et les groupements des pays ACP.
Bien que’les gouvernements, les institutions intergouvernementales, les députés, les acteurs de la société civile et diverses sections de la société à travers l’ACP, l’Europe et le reste du monde reconnaissent de plus en plus les dangers que posent les APE aux économies et populations des pays ACP, cette prise de conscience n’a pas encore entraîné des changements fondamentaux dans la conception des APE et dans les processus de négociations.

Les préoccupations exprimées par quelques pays membres et institutions de l’Union Européenne au sujet des propositions de l’UE relatives aux accords n’ont pas encore abouti à un changement d’orientation au niveau de la Commission Européenne. Au contraire, la CE a tout simplement adopté de nouvelles rhétoriques en vue d’imposer ses paramètres, programmes et rythme de négociations aux groupes africains et (d’autres groupes de l’ACP). De plus, bien que les négociateurs de la CE aient cherché à se donner un profil de rationalité aux yeux du public, ils continuent de faire preuve d’arrogance lors des négociations.

De leur coté, les régions africaines semblent toujours incapables d’exprimer la logique fondamentale de leurs préoccupations avouées de développement dans le cadre des APE et ses différents thèmes. Elles ont plutôt tendance à s’enliser dans des différends avec la CE à propos des questions insignifiantes (bien que légitimes) telles que les coûts d’ajustement, les coûts de transition et les contraintes d’approvisionnement.

Par ailleurs, de nombreux pays dans les régions africaines n’ont pas encore effectué leurs propres évaluations et études indépendantes des implications sectorielles et globales des APE. Ils continuent de dépendre de l’appui de la CE alors que ce dernier continue de rejeter les études dont les résultats ne sont pas dans son intérêt. Dans certains cas, les secrétariats des groupements régionaux dont le rôle est de représenter les points de vue des régions lors des négociations sont accablés par la CE.

De surcroît, bien qu’il soit évident qu’elles ne sont pas en mesure d’entamer les négociations, la plupart des régions africaines aux négociations se précipitent pour aborder des étapes plus complexes des négociations.

La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO s’est déclarée prête à procéder aux négociations substantielles (comme un moyen de lever l’impasse) en dépit de l’impasse au sujet des questions fondamentales de principe comme la dimension du développement des APE. Parallèlement, malgré son opposition aux questions de Singapour dans le cadre des APE, la CEDEAO sous la pression de la CE a convenu d’adopter ses propres cadres régionaux de politique d’investissement et de concurrence à telle enseigne qu’elle ne pourra pas soutenir sa résistance contre l’inclusion de ces questions dans les APE.

L’ESA ( le groupe de l’Afrique australe et orientale) a déjà formulé son propre projet d’accord sur les APE sans pour autant réaliser des progrès remarquables au niveau des principes fondamentaux comme le développement et sans avoir une idée claire de comment traiter les sujets comme les services dans les APE et des questions pratiques comme la prise en compte des produits sensibles qui ne doivent pas faire l’objet de libéralisation des tarifs. Les dispositions relatives à la libéralisation des tarifs dans le projet d’accord privent la région de tout droit d’utiliser les tarifs pour développer le secteur des biens d’équipement et des matières premières, mettant ainsi l’industrialisation à long terme en danger.

Des contradictions et tendances similaires ont été exposées dans les négociations des APE dans d’autres régions en Afrique et ailleurs.

Cette approche superficielle et bornée se reflète aussi dans l’évaluation à mi-parcours des négociations des APE telle que prévue dans l’Accord de Cotonou. Le principe suivant laquelle l’évaluation doit être détaillée, transparente, et doit inclure tous les acteurs n’a pas été jusque là respecté. De plus aucune région ne semble prendre au sérieux l’obligation de rechercher des alternatives, en fait, certaines régions ont déclaré qu’il n’y a pas d’alternative à l’approche actuelle.

Par conséquent, au fur et à mesure qu’elles avancent, les négociations des APE renforcent notre préoccupation qu’elles ne visent essentiellement qu’à établir des accords de libre-échange entre l’Europe et les régions de l’Afrique (des Caraïbes et du Pacifique) dans le cadre desquels la libéralisation réciproque du commerce s’ajoutera à la déréglementation des investissements en faveur des investisseurs européens.

Nous réitérons donc notre opposition aux Accords de Partenariat Economique, et réaffirmons l’objectif de la campagne destinée à Arrêter les APE.

Nous renouvelons notre position que, en tant qu’accords de libre-échange entre deux parties inégales, les APE ne sont pas favorables au développement. C’est surtout le cas dans le contexte économies africaines faibles et fragmentées qui sont ravagées et faussées par des années de domination par l’Europe et d’autres continents. Nous affirmons également que toute alternative aux APE ne peut être définie qu’en fonction du droit et de l’appui aux pays africains et d’autres pays ACP pour déterminer leurs propres politiques et leur propre programme de développement.

Nous réaffirmons donc la revendication de la Campagne « Arrêter les APE » en vue permettre la révision et de l’évaluation de la politique commerciale externe néolibérale de l’UE, en particulier en ce qui concerne les pays en développement, et exigeons que la coopération commerciale UE-ACP repose sur une approche qui :
 est fondée sur un principe de non-réciprocité, tel que prévu dans le Système Généralisé des Préférences et le Traitement spécial et différencié de l’OMC ;
 protège les marchés locaux et régionaux des producteurs des pays ACP ;
 exclut la pression de la libéralisation du commerce et de l’investissement ; et
 est fondée sur le respect et garantit l’espace des pays ACP de formuler et de poursuivre leurs propres stratégies de développement.

Pour atteindre ces objectifs, nous exigeons que :
 les questions de Singapour relatives à l’investissement, à la Politique de Concurrence et aux Marchés publics soient exclues sans conditions de tout accord à signer avec l’Union Européenne ;
 la libéralisation des services, la propriété intellectuelle ne fassent pas l’objet des APE, vu que les disciplines connexes à l’OMC suffisent pour toute interaction avec l’Union Européenne ; les déséquilibres de ces disciplines à l’OMC ne seront pas éliminés mais elles vont s’aggraver dans les APE.
 Il ne faut pas y avoir une suppression réciproque de tarifs, dans quelque forme que ce soit, soit asymétrique soit autrement, avec l’Union européenne ; et que toute relation d’accès au marchés doit être fondée sur le Système généralisé de préférences.

L’OMC

Nous réitérons que programme de travail de Doha continue de marginaliser les préoccupations de développement des pays africains et d’autres pays en développement, en faveur des pays développés. Ceci est confirmé par les circonstances qui entourent la suspension des négociations en juillet, à la suite de l’impasse au niveau d’un groupe exclusif de pays, dont les négociations sont privilégiées au détriment de la participation démocratique d’autres pays membres.

Nous rejetons toute reprise des pourparlers de Doha qui est basée sur l’exclusion des préoccupations et intérêts des pays africains.

Nous rejetons toute reprise des pourparlers de Doha qui est basée sur l’exclusion des préoccupations et des intérêts des pays africains.

Nous rejetons également la tentative continuelle des pays développés d’ouvrir davantage nos marchés à leurs produits agricoles et industriels, et à leurs fournisseurs de services. Par contre, nous insistons sur le droit de nos pays de se servir des instruments tarifaires pour protéger les producteurs et l’industrie agricoles, soutenir notre industrialisation et maintenir notre flexibilité à déterminer s’il faut ou comment ouvrir notre secteur des services aux prestataires étrangers.

Responsabilité des gouvernements africains

Nous lançons donc un appel aux gouvernements africains à être à la hauteur de leur responsabilité envers les populations et états africains dans le contexte des négociations commerciales.

Concernant les négociations des APE, nous invitons instamment nos gouvernements à résister à toute tentative de les contraindre à respecter des délais de négociations peu réalistes. Ils doivent utiliser l’espace récupérée pour assurer une participation effective des acteurs dans le cadre de notre propre intégration régionale autonome comme le fondement d’une relation bénéfique avec l’Union Européenne. Nous invitons, en outre, nos gouvernements à aller au-delà des groupements restreintes imposées par les négociations régionales des APE dans leurs relations avec l’UE en vue de réaffirmer une vision collective africaine que recherchent les populations et qui répondent à nos exigences économiques. Ils doivent aussi travailler en étroite collaboration avec les régions des Caraïbes et du Pacifique.

A la société civile

En tant que organisations de la société civile, nous sommes engagés à consolider notre solidarité et action continentales et à renforcer davantage nos interactions avec nos alliés en Afrique, dans les Caraïbes, au Pacifique et en Europe pour faire avancer notre campagne « Arrêter les APE ».

source : Third World Network Africa

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