La CEDEAO demande trois ans pour la signature des APE avec l’UE

Inter Press Service (Johannesburg) | 15 Février 2007

La CEDEAO demande trois ans pour la signature des APE avec l’UE

By Brahima Ouedraogo
Ouagadougou

Les experts de la Commission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) exigent un délai d’au moins trois ans avant la signature des Accords de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne (UE), pour protéger leurs produits sensibles.

Les experts des 15 Etats membres de la CEDEAO et celui de la Mauritanie demandent également un traitement spécifique pour les produits agricoles sensibles des pays de la sous-région. Selon la commission, les pays de la CEDEAO vont définir, dans les mois à venir, une liste de produits sensibles qu’ils voudront protéger dans ces accords de partenariat économique en négociation avec l’UE.

Pour la Commission de la CEDEAO, une revue à mi-parcours du processus de négociations des APE avec l’UE a mis en exergue la nécessité, pour les pays de la sous-région, de définir leurs produits sensibles et un calendrier de leur libéralisation. Pour cette raison, les pays de la CEDEAO et la Mauritanie ont besoin d’un délai minimum de trois ans avant de signer l’accord, estiment les experts des 16 pays qui se sont réunis ce mois à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso.

"Les débats ont montré que la région a besoin d’instruments de politique commerciale qui soient conformes aux priorités et options définies dans les politiques sectorielles...La priorité est donc de s’assurer que la politique de commerce extérieur reflète bien les enjeux et le compromis internes", expliquent les experts dans leurs conclusions.

Selon les experts, l’agriculture demeure le premier secteur stratégique dans lequel la sous-région a un avantage comparatif, et réalise 60 pour cent de ses exportations. Par ailleurs, 66 pour cent de la population exercent dans des activités agro-sylvo-pastorales.

"Nous devons faire de l’APE non pas un accord commercial simple, mais un accord qui nous permet de nous développer. Pour cela, nous devons opérer une mise à niveau de nos entreprises et industries, et c’est contenu dans la feuille de route", explique Gilles Hounkpatin, directeur en charge des questions douanières et commerciales à la Commission de la CEDEAO.

La feuille de route des APE, signée en février 2004, stipule que l’accent doit être mis sur l’approfondissement de l’intégration régionale, et ensuite sur l’amélioration de la compétitivité de la région; ce qui veut dire une mise à niveau des entreprises, ajoute Hounkpatin.

"Nous ne sommes pas contre les négociations avec l’Union européenne, mais nous avons constaté que nous ne gagnons rien dans le commerce mondial", s’insurge Mamadou Cissoko, président d’honneur du Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’ouest.

Selon Cissoko, les Européens ont déjà un marché régional, des politiques sectorielles, agricoles mises en oeuvre alors qu’en Afrique de l’ouest, la politique agricole est au stade de préparatifs des programmes d’investissement.

La CEDEAO prévient que l’arrivée de produits européens à très forte compétitivité sur un marché où on utilise encore des outils rudimentaires donnant des rendements faibles, découragera les paysans qui n’auront plus aucun intérêt à produire.

"Nous ne sommes pas au même niveau de développement dans le secteur de l’agriculture, et la spécificité de la sous-région, c’est qu’elle est agricole et regorge d’une population rurale évaluée à 70 pour cent des actifs de la sous-région", souligne Daniel Eklou, directeur de l’agriculture et du développement à la commission de la CEDEAO.

Les études réalisées en 2006 par la CEDEAO ont montré que la sous-région ne pourra pas supporter une compétition avec l’UE. Par exemple l’oignon, la pomme de terre, le haricot vert ne seront plus produits car l’UE va en déverser dans les pays de la sous-région. Les produits classiques comme les huiles, le riz, sont menacés, de même que les produits comme le blé vont concurrencer les céréales produites sur place.

"Il faut permettre à nos agriculteurs de rester sur leur terroir pour continuer à se nourrir, sinon, où iront-ils?", demande Eklou. Il rappelle que la Politique agricole commune (PAC) de l’UE est fondée sur le principe de la préférence communautaire, ce qui se traduit par un privilège accordé aux produits de l’espace régional grâce à des mécanismes appropriés.

Par ailleurs, la commission de la CEDEAO souhaite la définition d’un tarif extérieur commun (TEC) différend de celui appliqué par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) jugé "dévastateur". Ce tarif pourrait atteindre 50 pour cent, selon le ROPPA, contre 20 pour cent pratiqué actuellement à l’UEMOA qui comprend seulement huit pays de la sous-région. Le TEC est une taxe perçue sur tout produit entrant dans la zone UEMOA.

Pour Vincent Fautrel, du Centre technique pour la coopération agricole et rurale — une organisation paritaire UE/ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) —, il y a un enjeu fiscal important. Il y aura une baisse des recettes douanières avec l’APE, prévient-il.

Les produits de l’UE représentant 40 pour cent des importations totales de l’Afrique subsaharienne. S’il faut éliminer les droits de douane sur les produits européens, on réduirait considérablement les recettes douanières de ces pays, estime Fautrel. Selon le scénario le moins favorable, la Gambie et le Cap Vert perdraient près de 20 pour cent de leurs recettes fiscales totales, tandis que le Ghana et le Sénégal subiraient une chute de 10 à 11 pour cent de leurs revenus.

"L’idée est de pouvoir identifier les produits qui contribuent au budget des Etats et voir comment exclure ces produits, ou les mettre dans un calendrier progressif de libéralisation sur une période de 10, 15 ou 18 ans...", estime Fautrel.

Depuis janvier 2005, les chefs d’Etat de la CEDEAO ont adopté une politique agricole commune de la région, dénommée ’ECOWAP’. Cette politique vise à assurer la sécurité alimentaire de la population rurale et urbaine de la sous-région, ainsi que la réduction de la dépendance vis-à-vis des importations en accordant la priorité aux productions alimentaires locales ainsi qu’à leur transformation.

Les négociations APE ont été suscitées par l’expiration des accords conclus précédemment entre l’UE et les pays ACP. Depuis 1975, les relations économiques entre L’UE et les ACP étaient régies par une série de conventions signées à Lomé, au Togo, à l’époque, couvrant chacune une période de cinq ans.

Ces accords garantissaient des préférences commerciales et l’aide de l’UE aux pays ACP. Les exportateurs des pays ACP obtenaient ainsi un large accès aux marchés de l’UE. L’essentiel de ce traitement de faveur a été conservé dans un nouvel accord signé en 2000 à Cotonou, au Bénin. Mais, ces accords ne répondent plus aux normes de l’Organisation mondiale du commerce, selon l’UE.

source : AllAfrica.com

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