L’UE préfère un partenariat avec la Chine plutôt qu’un affrontement

Courrier International | 26 juillet 2007

L’UE préfère un partenariat avec la Chine plutôt qu’un affrontement

Avec 6 % de croissance économique annuelle, le marché africain est convoité par la Chine, qui multiplie désormais contrats, aides et partenariats. L’Union européenne réagit en souhaitant un accord avec Pékin plutôt qu’une féroce guerre commerciale, rapporte le quotidien suisse L’Agefi.

Marie-Martine Buckens
L’Agefi

"L’Afrique, nouvelle fiancée très courtisée" de l’UE et de Pékin. Ce n’est pas une manchette de journal mais le titre d’une des sessions de travail auxquelles ont participé le 28 juin à Bruxelles plus de 180 experts — politiques, industriels, scientifiques, diplomates — venus d’Afrique, d’Europe et d’Asie à l’invitation de la Commission européenne. L’objectif : explorer les possibilités d’une coopération sino-européenne à l’égard de l’Afrique. Car, si le terme coopération "triangulaire" était de mise, il s’agissait en définitive d’éviter un affrontement potentiel entre le premier partenaire commercial et investisseur en Afrique, l’UE, et celle qui, en l’espace de quelques années s’est hissée à la troisième place mondiale, la Chine. "Nous sommes concurrents", a reconnu Louis Michel, commissaire européen au Développement, à l’ouverture de la conférence, "mais nous sommes aussi partenaires, et l’Afrique doit bénéficier d’une relation renforcée entre nous et non en pâtir."

"La pénétration chinoise en Afrique a pris un tel essor qu’elle nous incite à nous poser des questions et à réfléchir à la meilleure façon de réagir", indique un expert à la Commission européenne. Ainsi, sur les 6 % de croissance économique qu’enregistre en moyenne l’Afrique ces dernières années, "l’effet Chine" compterait pour 2 points de ce pourcentage, directement, grâce à ses investissements et ses quelque 900 entreprises implantées en Afrique, ou indirectement du fait de l’envolée des prix de matières premières et produits agricoles ou halieutiques dont la Chine est devenue le premier acheteur mondial. Pékin est ainsi devenu le troisième partenaire commercial de l’Afrique, avec des échanges qui ont grimpé à plus de 55 milliards de dollars en 2006, contre 40 milliards l’année précédente et qui devraient encore doubler d’ici cinq ans, alors que la part de l’Europe, premier partenaire, diminue comme une peau de chagrin.

Les représentants chinois présents à Bruxelles ont souligné "la grande amitié entre leur pays et les frères et sœurs africains", critiquant au passage le passé colonial de l’Europe. De son côté, la Commission européenne a évité délibérément toute critique notamment sur la politique "sans condition" pratiquée par Pékin dans son aide ou sur sa position dans la crise du Darfour. Visiblement, les Européens ont préféré la coopération à l’affrontement. Nécessité oblige. "Nous avons laissé des places vides", poursuit l’expert européen, que les Chinois ont prises. Il est important, poursuit-il, d’analyser le fonctionnement de l’aide chinoise, plus flexible que la nôtre, apparemment mieux adaptée et accompagnée d’un dialogue d’égal à égal. En revanche, les Chinois, malgré leur engagement spectaculaire, sont parfois pris de court par certaines réalités de ce continent et nous demandent des explications, ajoute l’expert. Et c’est cette "expérience africaine" que l’Europe entend négocier avec Pékin pour l’amener à accepter le partenariat triangulaire. Un partenariat qui inclurait même une coopération UE-Chine dans la gestion des crises africaines, et ce malgré les "liaisons dangereuses" entretenues par la Chine avec le Zimbabwe et le Soudan.

Côté africain, les réactions sont mitigées et plusieurs participants ont souligné l’opportunité réelle que représente l’engagement chinois mais aussi le risque tout aussi réel — et déjà prouvé — de dumping et de pillage des ressources naturelles. David Ugolor, à la tête du Réseau africain pour l’environnement et la justice économique, a critiqué les deux parties, "qui cherchent aujourd’hui les moyens de se partager le marché africain". L’Europe "doit garder la tête froide", déclarait de son côté Martin Schultz, président des eurodéputés socialistes au cours d’une conférence organisée une semaine auparavant au Parlement européen sur l’engagement au côté de la Chine. "Les enjeux auxquels nous sommes confrontés sont clairs. Les gens en Europe veulent acheter des produits chinois bon marché, mais dénigrent les mauvaises conditions de travail" a jouté l’eurodéputé Max van den Berg. "Nous encourageons le développement, mais quand la Chine gagne en expansion, nous nous inquiétons de ses besoins énergétiques grandissants. L’UE exhorte le monde à être plus généreux à l’égard du monde en développement, mais quand la Chine signe des contrats en Afrique, nous fustigeons ses accords avec des régimes non démocratiques."

source : Courrier International

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