La Cedeao rejette formellement les Ape

Le Quotidien (Dakar) | Mardi 9 octobre 2007

NEGOCIATIONS - Réunion ministérielle d’Abidjan : La Cedeao rejette formellement les Ape

Les pays de la région ouest africaine ont affirmé, en toute unanimité, leur volonté de ne pas signer les Accords de partenariat économique que leur proposent l’Union européenne, dans leur forme actuelle. Tout en ne fermant pas la porte à la négociation.

Les Accords de partenariat économique, (Ape) que l’Union européenne vise à établir avec les pays membres des Etats d’Afrique Caraïbes et du Pacifique (Acp), ont reçu un terrible coup le week-end dernier, à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire. La réunion du Comité ministériel de suivi de ces accords, convoquée par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour faire le point sur l’Etat de préparation de l’Afrique de l’Ouest dans le processus de négociation de l’accord avec l’Union européenne, est arrivée à une décision sans ambiguïté. Le communiqué publié samedi dernier l’indique en des termes clairs : «Les ministres de la Cedeao en charge des Accords de Partenariat Economique (Ape) ont unanimement convenu qu’il ne serait pas objectivement possible de conclure un accord avant le 31 décembre 2007.» Les ministres de la Cedeao justifient leur décision de ne pas signer ces accords par, «l’importance des activités qui restent à entreprendre, notamment la définition conjointe des programmes d’accompagnement de l’Ape et leur financement par la Commission européenne, la formulation des calendriers d’accès aux marchés pour les deux parties et l’élaboration du texte de l’accord. Le retard enregistré dans la réalisation de ces activités ne permet pas objectivement, selon les deux parties, la conclusion d’un accord global équilibré et qui prenne en compte les préoccupations de l’Afrique de l’Ouest et de l’Europe à la date du 31 décembre 2007». Les circonlocutions verbales ne cachent pas le camouflet que la région de l’Afrique de l’Ouest vient, une fois de plus, de donner aux négociateurs européens, en tête desquels se situent les Commissaires chargé du Commerce, Peter Mandelson, et celui du Développement, Louis Michel. Ces deux n’ont jamais lésiné sur les moyens pour tenter de convaincre les négociateurs de la région pour qu’ils signent absolument un Ape avant l’échéance du 31 décembre 2007.

Arguments de l’Europe L’enjeu en est, faut-il le rappeler, la création d’une zone de libre-échange entre l’Union européenne et les zones des pays signataires, zone qui va remplacer les accords commerciaux non préférentiels tels qu’ils existent actuellement entre les différents pays, et qui ont été négociés dans le cadre de l’Accord de Cotonou. L’Europe n’a cessé de répéter que l’Accord de Cotonou, dans sa forme actuelle, arrive à échéance à la fin de cette année, car la dérogation que l’Organisation mondiale du commerce (Omc) avait accordée à l’Europe et à ses partenaires des pays Acp, prend fin théoriquement à cette période. A ce moment, la seule possibilité pour les pays Acp, dont les Africains, de commercer avec l’Europe, qui est leur premier client et le principal débouché de leurs produits commerciaux, serait le Système généralisé des préférences (Sgp), qui, non seulement n’accorde pas d’avantage particulier aux pays en développement, mais en plus pénalise lourdement leurs produits en les taxant fortement. Dans une lettre adressée le 27 septembre dernier aux «Militants de la lutte contre la pauvreté», les Commissaires Mandelson et Michel ont aussi écarté l’idée de toute alternative aux Ape. Ils ont clairement énoncé : «Nous entendons souvent dire que les Ape ne seront pas équitables, qu’ils ouvriront les marchés Acp au commerce communautaire au détriment des entreprises locales et de la croissance locale. Rien n’est plus faux. Les Ape ne seront pas synonymes de «libre-échange» entre l’Ue et les pays d’Afrique et des Caraïbes à partir du 1er janvier prochain, ni même à brève échéance. Ce que l’Ue offre, c’est une suppression totale des droits de douane et des contingents, avec une seule exception provisoire pour le sucre et le riz. Nous veillerons aussi à ce qu’il n’y ait aucune subvention à l’exportation sur tous les biens exemptés de droits par les pays Acp, afin que ces derniers ne se retrouvent pas exposés à la concurrence de produits communautaires subventionnés. Néanmoins, les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique pourront protéger et exclure certains produits sensibles et tirer parti des longues périodes de transition pour développer des industries émergentes. Durant cette phase, l’Ue leur apportera un soutien financier et une assistance technique tout à fait substantiels pour les aider à mettre en œuvre les nouveaux accords. Nous avons également accepté de reformuler nos règles d’origine, afin d’accroître les possibilités d’accès au marché pour les exportateurs Acp.» On savait que les dirigeants européens n’avaient pas convaincu les «militants de la lutte contre la pauvreté» de leur bonne foi. On a compris également, après les discours d’Abidjan, qu’ils sont loin d’avoir emporté l’adhésion des décideurs de la Cedeao. Sinon, le président de la Commission de la Cedeao, Mohamed Ibn Chambas, ne leur aurait pas affirmé que le but des Ape est de «donner un nouveau cadre juridique sécurisé pour nos échanges commerciaux, mais surtout de conclure un bon accord, juste équitable, un accord mutuellement avantageux qui réponde aux ambitions de développement économique et social de nos pays et de nos populations».

Si en plus, les institutions internationales comme la Banque mondiale demandent plus de souplesse à l’Europe, cette dernière pourrait difficilement rester droite dans ses bottes. D’autant plus que la Cedeao se déclare désireuse de «poursuivre les négociations jusqu’au 31 décembre 2007 et au-delà, afin d’aboutir à un accord juste, équitable et qui prenne en compte les objectifs de développement de l’Afrique de l’Ouest».

Mohamed GUEYE

source : Le Quotidien

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