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ECVC rejette le narratif sur le libre-échange du conseil AGRIFISH et exige une réglementation du marché et la fin des ALE pour s’attaquer à la racine des problèmes des paysan·ne·s

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Source : La Via Campesina

Coordination Européenne Via Campesina | 2 mai 2024

ECVC rejette le narratif sur le libre-échange du conseil AGRIFISH et exige une réglementation du marché et la fin des ALE pour s’attaquer à la racine des problèmes des paysan·ne·s

Malgré des mois de mobilisation à travers l’Europe, le commissaire à l’Agriculture Janusz Wojciechowski et les ministres de l’Agriculture au Conseil Agriculture et Pêche semblent avoir rapidement oublié les revendications et les défis des paysan·ne·s. Lors de la dernière réunion d’AGRIFISH (29-30 avril), les représentants ont continué à faire pression en faveur d’une politique de libre-échange axée sur l’exportation, ce qui, pour ECVC, est incompatible avec la principale revendication des manifestations paysannes : garantir des prix justes qui couvrent les coûts de production grâce à la régulation du marché. ECVC déplore cette hypocrisie, dans laquelle les décideurs politiques européens prétendent d’une part écouter les agriculteurs et agricultrices, tout en continuant en réalité à promouvoir un narratif sur le commerce qui profite aux grands acteurs industriels au détriment des petit·e·s et moyen·ne·s paysan·ne·s qui tentent de produire pour le marché européen.

Malgré de belles paroles selon lesquelles les préoccupations des paysan·ne·s sont prises en compte, les membres du conseil AGRIFISH ne parviennent pas à reconnaître que ce sont les grandes entreprises agroalimentaires qui profitent des Accords de Libre-Echange (ALE) et de l’inclusion de l’agriculture dans l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Les impacts réels du libre-échange pour la majorité des paysan·ne·s sont mal représentés dans cet espace, alors que les décideurs politiques se plient à la volonté des lobbies de l’agro-industrie. Pour les paysan·ne·s sur le terrain, les ALE et les règles de l’OMC ne servent qu’à faire baisser les prix autant que possible, sans se soucier des coûts pour le bien-être et la santé des paysan·ne·s et des citoyen·ne·s, ni de l’impact sur le climat et la biodiversité.

Par exemple, le commissaire Wojciechowski a largement fait référence à l’étude du Centre Communautaire de recherche (CCR) sur l’impact économique cumulé du commerce pour souligner l’importance du commerce et étayer les affirmations selon lesquelles « certains secteurs agricoles peuvent bénéficier du programme sur le commerce de l’UE ».

Il n’a cependant pas reconnu l’approche purement économique de l’étude, qui ne prend pas en compte les aspects sociaux et environnementaux. Il ne se concentre pas sur les groupes les plus touchés par ces accords de libre-échange - les paysan·ne·s et les travailleurs agricoles - et l’impact spécifique sur les paysan·ne·s n’a pas été étudié en profondeur et ne figure pas dans les résultats. Il n’est pas non plus fait mention du fait que, selon le rapport, les prix à la production dans différents secteurs inclus dans les ALE sont affectés négativement et que les données de l’UE montrent que les politiques agricoles actuelles basées sur l’OMC et les ALE ont conduit à la perte d’emplois dans le secteur agricole.

Les quelques mesures concrètes qui ont été introduites ou proposées pour répondre aux causes profondes des préoccupations des agriculteurs (telles que l’observatoire des prix et des coûts et la discussion sur une éventuelle révision de la directive UTP sur les pratiques commerciales déloyales, UTP par son sigle anglais) ne peuvent pas être mises en œuvre avec succès dans ce paradigme de libre-échange. La situation des paysan·ne·s ne s’améliorera pas si la politique de l’UE continue de les forcer à produire le moins cher possible pour être compétitifs sur les marchés mondiaux.

De plus, face aux crises actuelles du climat et de la biodiversité, il est absurde et incohérent de la part des institutions européennes de continuer à insister sur le fait que l’expédition de denrées alimentaires qui pourraient être produites localement d’un bout à l’autre de la planète reste une option viable. Cette approche oblige les paysan·ne·s à se faire concurrence et valorise la capacité de produire autant que possible, le moins cher possible, plutôt que de viser à réduire l’impact environnemental du secteur agricole et à passer à des modèles agroécologiques durables et respectueux de nos ressources naturelles limitées.

Le règlement sur les matières premières critiques (CRMA par son sigle anglais), récemment adopté au niveau européen, et certaines déclarations de décideurs liées aux négociations de l’ALE UE-Mercosur ont montré que la réalité est que l’UE, au lieu de repenser son modèle de consommation, est avide de matières premières et est prête à tout pour y avoir accès : les paysan·ne·s, les ouvriers agricoles ainsi que les populations locales qui défendent leurs territoires des catastrophes environnementales liées à l’extractivisme en Europe et ailleurs ne sont que des citoyen·ne·s de seconde zone dont les droits ne comptent pas.

ECVC appelle l’ensemble de la société civile européenne à se joindre au mouvement plus large d’opposition au paradigme actuel du libre-échange. Il est temps de réformer radicalement le commerce agricole en cohérence avec le respect du droit international tel que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP), les objectifs climatiques et la Convention sur la diversité biologique tout comme le droit international des droits humains de manière générale. L’OMC et tous les ALE qui concernent l’agriculture, signés ou en cours de négociation par l’UE sont clairement en contradiction avec ces instruments internationaux. Le débat sur les clauses miroir dans le commerce alimentaire et agricole n’est qu’une tentative de greenwasher le paradigme commercial non durable actuel, tout en n’accomplissant rien de concret.

ECVC condamne le rôle de l’UE dans les négociations de l’OMC sur l’alimentation et l’agriculture et l’incapacité des ministres du Conseil AGRIFISH à comprendre les raisons des manifestations. Le conseil AGRIFISH a la responsabilité de mettre en œuvre des mesures pour s’attaquer aux causes profondes de ces problèmes, à travers la régulation des marchés agricoles, de manière à favoriser la transition agroécologique des secteurs alimentaires de l’UE, en garantissant le renouvellement générationnel et en promouvant une économie de paix.

Notes à l’éditeur

La vision détaillée de la Coordination Européenne Via Campesina concernant la prochaine PAC est disponible en EN, FR, ES.
Les priorités d’ECVC pour les élections européennes et la législature en cours sont également disponibles en EN, FR, ES.
Le Manifeste d’ECVC regroupant 13 points d’action concrets pour la transition agricole afin de faire face aux crises climatiques systémiques dans l’UE, également disponible en EN, FR, ES.


 source: Coordination Européenne Via Campesina