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Accord de partenariat économique avec l’Union européenne : Ce que gagne la Côte d’Ivoire

L’inter | le 24/3/2014

Interview
Accord de partenariat économique avec l’Union européenne : Ce que gagne la Côte d’Ivoire

4 200 milliards FCFA sur la table de l’Ue

par Irene Bath

Yamoussoukro, la capitale politique de la Côte d’Ivoire, abritera le 26 mars prochain, le Conseil des ministres de la Cedeao et le 28 mars, le sommet des chefs d’Etat.

A l’ordre du jour, plusieurs questions dont celle relative à l’Accord de partenariat économique (Ape) entre l’Union européenne (Ue) et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (Acp). Avant ces réunions déterminantes pour la signature de l’Ape Régional, Aka Anghui Stéphane, Conseiller technique du ministre de l’Intégration africaine et des Ivoiriens de l’extérieur, en charge des Accords de partenariat économique, explique les avantages.

Où en est-on aujourd’hui avec la signature de l’accord régional relativement à l’Ape ?

Les négociations ont commencé depuis près de 10 ans. Elles ont connu une accélération depuis un an. Et, fort heureusement, depuis février dernier, il y a sur la table un accord régional entre l’Afrique de l’Ouest et l’Ue. Il n’y a plus de divergence. Ce qu’il faut faire maintenant, et c’est ce à quoi on s’attelle, chaque partie doit présenter l’accord à ces autorités politiques. L’Ue va présenter l’accord à ses ministres, et l’Afrique de l’Ouest doit présenter l’accord à ses ministres. Les ministres en charge des négociations l’ont déjà analysé et l’ont déjà approuvé. Les ministres de la Cedeao ont félicité les négociateurs pour le compromis obtenu au cours d’une réunion qui a eu lieu à Dakar, le 17 février dernier. Il appartient maintenant, au Conseil des ministres de la Cedeao, c’est-à-dire les ministres en charge de l’Intégration ou les ministres en charge des affaires étrangères, de le valider à Yamoussoukro le 26 mars prochain. L’enjeu des réunions de Yamoussoukro, c’est d’abord la validation par les ministres. Ensuite, l’approbation des chefs d’Etat qui se réunissent toujours à Yamoussoukro, le 28 mars . En clair, juste après le Conseil des ministres, il y a un sommet des chefs d’Etat de la Cedeao. Le président de la Mauritanie est invité, compte tenu de l’ordre du jour.

Avec cet accord régional sur la table, que deviennent les accords intérimaires ?

Les accords intérimaires ont été des erreurs de parcours. C’est parce que l’accord régional n’a pas pu être conclu à temps que l’Ue a proposé des solutions. Il y avait plusieurs solutions, parmi lesquelles, la possibilité de signer des accords intérimaires. Et chaque pays a choisi la solution qui l’intéressait. La Côte d’Ivoire et le Ghana ont choisi l’accord intérimaire. Le Nigéria a choisi un autre régime commercial, ainsi de suite.

Quels sont les éléments qui ont milité à la levée des blocages en ce qui concerne la signature de l’accord régional ?

Les négociations étaient bloquées depuis à peu près deux ans. Il y avait à peu près six principales divergences. Le texte de l’accord comporte 115 articles. On est tombé d’accord sur 111 articles. Il en restait 4 pour lesquels on ne s’entendait pas. En plus de cela, il y avait la question de l’offre d’accès et le volet développement de l’accord qui constituaient des points de divergence. C’était, en gros, les six principales divergences. Sur ces six divergences, depuis deux ans, on tournait en rond. Il y avait un dialogue de sourds, on n’arrivait pas à se mettre d’accord. Aujourd’hui, si l’on a pu arriver à un accord, c’est bien parce que les deux parties ont fait preuve de flexibilité. Donc techniquement, les différentes parties ont accepté de bouger de leurs positions. Il y a donc les compromis et l’implication politique qui ont permis d’arriver à un accord Régional aujourd’hui.

Les opérateurs économiques avaient manifesté vis-à-vis de l’Ape une certaine réticence. Quelle est la situation actuellement, au moment où l’on s’achemine vers un accord régional ?

En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, les opérateurs économiques adhèrent entièrement à l’Ape. C’est un accord pour leur permettre de vendre sur le marché européen et d’acheter des matières premières moins cher. Les opérateurs qui sont concernés adhèrent. C’est la société civile qui, comme elle n’est pas impliquée et n’a pas toujours été associée aux négociations, ne connaît pas le contenu de l’accord. Ne sachant pas ce qu’il y a à l’intérieur, la société civile avait souvent des idées reçues. Mais, après l’atelier de sensibilisation organisé le 20 mars dernier à Abidjan, la société civile nous a félicité et a dit qu’elle a bien compris et qu’elle adhère parce que cet accord permet de préserver l’intégration. La société civile a souhaité être impliquée désormais dans la mise en œuvre de l’accord.

Parlant de la mise en œuvre, cela ne menace-t-il pas certaines entreprises ivoiriennes de disparition ?

C’est le jeu normal de la concurrence. Qu’on le veille ou non, on est dans un environnement mondial. Si nos entreprises fabriquent des produits trop chers, elles ne vont pas perdurer, même si on veut les protéger pendant un moment. Mais, tout a été fait pour que les entreprises qui produisent des biens, ces biens ne soient pas libéralisés. Donc, les produits qui vont venir ne sont pas des produits fabriqués par des entreprises de la région. Les médicaments, les biens sociaux, les machines, les tracteurs qu’on utilise pour notre agriculture et qu’on ne fabrique pas, pour ces biens, on va favoriser leur entrée, le temps que demain une industrie se mette en place. Et si demain on veut mettre en place une industrie de tracteurs, il y a des dispositions dans l’accord qui disent que pour une industrie naissante, on peut remettre des droits de douane. Donc, il y a des dispositions pour protéger les opérateurs économiques. Et, il ne faut pas oublier que l’ouverture de notre marché se fera sur 20 ans.

Parlez-nous un peu du contenu de l’accord régional.

On doit comprendre qu’à partir d’aujourd’hui, quel que soit le produit que l’on fabrique en Côte d’Ivoire, lorsqu’il va être vendu à l’Ue, il n’y aura pas de droits de douane. Ce n’était pas le cas par le passé. Une ouverture à 100% vers l’Europe. C’est le volet commercial de l’Ape. Cet accord est à la fois un accord porteur de développement. L’Ue a accepté de mettre sur la table 4 200 milliards FCFA pour accompagner l’Afrique de l’Ouest à tirer profit de cet accord. Donc, s’il y a des entreprises qui se sentent menacées, on va utiliser une partie de cet argent pour les mettre à niveau. De façon globale, cet accord permet un accès au marché européen à 100%, un programme de développement qui accompagne et la promesse que lorsqu’il y aura des pertes de recettes fiscales plus tard, l’Ue va les compenser. En contrepartie, il a fallu nous aussi ouvrir notre marché progressivement. Au moment où on parle de la signature de l’accord régional, c’est 0% d’ouverture de marché. L’Ue, quant à elle, ouvre son marché à 100% immédiatement dès qu’on signe l’accord régional. En ce qui nous concerne, nous allons ouvrir progressivement notre marché pendant 20 ans. Au bout de 20 ans, on doit arriver à 75% d’ouverture. Peut-être qu’au bout de cinq ans, on aura ouvert à 30%, au bout de 10 ans, on aura ouvert à 50%, au bout de 15 ans, on aura ouvert à 65% et au bout de 20 ans, on aura ouvert à 75%. Il y a 6 000 produits qui sont concernés.

A quelle date aura lieu la signature de l’accord régional ?

Nous espérons que la signature ait lieu avant le mois d’octobre. Le chronogramme est le suivant : si tout se passe bien, on aura la validation par le Conseil des ministres, le 26 mars 2014 et l’approbation par les chefs d’Etat, le 28 mars 2014. En ce moment précis, les chefs d’Etat vont désigner quelqu’un pour parapher l’accord. Une fois que le texte sera paraphé, si tout se passe bien, dans moins d’un mois, il sera traduit dans les 25 langues de l’Ue et les trois langues (français, anglais et portugais). Une fois que c’est fait, le Cap Vert pourra signer, la Côte d’Ivoire aura la version française, le Nigeria aura la version anglaise…Notre objectif est que l’accord régional soit signé avant le 1er octobre 2014, afin qu’il puisse rentrer en vigueur dès cette date.

Que répondez-vous à tous ceux qui ont encore des appréhensions vis-à-vis de cet accord ?

Il n’y a aucun accord qui est parfait. Cet accord est le fruit d’un compromis entre l’Ue qui négocie pour 28 pays et de l’autre de côté, 16 pays. Ça n’a pas été facile pour se mettre d’accord à 16. Peut-être qu’on va entendre encore certains pays émettre des doutes. Ce que je peux dire, c’est que tous les pays gagnent à l’intégration régionale. Il est important qu’on soit solidaire et que ça soit à 16 que l’on signe cet accord. Je pense qu’il ne faut pas faire marche arrière. L’autre chose, c’est que l’accord va être mis en place sur 20 ans. Ne serait-ce que pendant les 5 premières années, on n’ouvre pas notre marché. On a 5 ans pour continuer à réfléchir et il y a des mécanismes dans le texte qui nous permettent de prendre des mesures de sauvegarde et qui nous permettent de réagir si un produit doit endommager notre industrie. Donc, on s’assoit à la table de l’Ue. Il n’y a pas à avoir peur. 20 ans, ça nous laisse le temps de réfléchir à comment on va compenser nos pertes fiscales, comment on va protéger nos industries.

Réalisée par Irène BATH


 source: L’Inter