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Renouvellement de l’ACEUM : Ottawa peaufine sa stratégie

La Presse | 10 janvier 2024

Renouvellement de l’ACEUM : Ottawa peaufine sa stratégie

par Joël-Denis Bellavance

Ce qu’il faut savoir

  • Le Canada, les États-Unis et le Mexique doivent réexaminer l’ACEUM et confirmer son renouvellement à compter de 2026.
  • L’élection présidentielle aux États-Unis en novembre ajoute un élément d’incertitude à cet exercice.
  • Une élection présidentielle doit aussi avoir lieu au Mexique en juin.
  • La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a tenu l’automne dernier une rencontre avec un groupe restreint pour déterminer la marche à suivre en prévision de cette révision.

La première révision de l’ACEUM doit avoir lieu en 2026, soit à l’occasion du sixième anniversaire de son entrée en vigueur. Les trois partenaires commerciaux doivent procéder à l’examen et confirmer leur désir de le renouveler pour une autre période de six ans.

En septembre dernier, Mme Freeland a convoqué une réunion à ce sujet rassemblant un groupe restreint d’alliés du monde des affaires et du milieu syndical qui l’ont épaulée dans les longues et difficiles négociations qu’elle a menées avec les États-Unis et le Mexique afin de moderniser l’ALENA alors qu’elle était ministre des Affaires étrangères, a appris La Presse.

« Il faut prendre le temps de bien se préparer aux pourparlers qui doivent avoir lieu », a confirmé une source présente à la rencontre avec la ministre Freeland, qui est aussi vice-première ministre.

Flavio Volpe, président de l’Association des fabricants de pièces automobiles, Goldy Hyder, président et chef de la direction du Conseil canadien des affaires, Victor Dodig, président et directeur général de la Banque CIBC, et Blake Hutcheson, président et directeur général de la firme OMERS, faisaient partie de la brochette des personnes qui ont été conviées à la rencontre informelle sur l’ACEUM à Ottawa le 11 septembre.

Des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l’accès à l’information démontrent que le but de cette rencontre était de discuter de la meilleure marche à suivre « en prévision du premier examen de l’accord qui est prévu en 2026 ».

« Il pourrait être opportun de discuter du mécanisme d’examen de l’ACEUM. L’accord a une durée de 16 ans, et est susceptible d’être renouvelé tous les six ans après un examen et une confirmation conjointe de chaque partie. Le premier examen conjoint aura lieu à l’occasion du sixième anniversaire de l’accord (le 1er juillet 2026) », peut-on aussi lire dans les documents.

Le bureau de Mme Freeland n’a pas voulu formuler de commentaires, mardi, au sujet de cette rencontre ni au sujet de la stratégie que compte déployer le gouvernement Trudeau dans ce dossier.

L’obligation de revoir et de confirmer les modalités de l’ACEUM tous les six ans suscite certaines inquiétudes dans le monde des affaires au pays. D’autant plus que le premier examen pourrait survenir après l’élection présidentielle de novembre aux États-Unis.

Un match revanche entre le président démocrate Joe Biden et l’ancien président républicain Donald Trump se profile à l’horizon. À l’heure actuelle, les sondages laissent entrevoir une rude bataille entre les deux leaders, et une victoire de Donald Trump n’est pas impossible, malgré ses déboires juridiques.

Rappelons que le Canada et le Mexique ont été contraints de renégocier des pans entiers de l’ALENA à la demande de l’ancien président Trump. Ce dernier est venu à un cheveu de déchirer l’accord pour marquer le centième jour de son arrivée au pouvoir, en 2017, avant de se raviser à la onzième heure quand certains membres de son administration lui ont rappelé l’impact dévastateur que pourrait avoir une telle décision sur des États qui avaient voté massivement pour lui à l’élection présidentielle.

La « route à emprunter »

Joint par La Presse, Goldy Hyder a indiqué que la rencontre était « confidentielle », mais qu’elle visait à établir « la route à emprunter qui nous mènera vers une transition en douceur ».

« Il faut apprendre des leçons de l’histoire. Peu importe qui sera au pouvoir, nous savons qu’il faut avoir une approche “Équipe Canada”, qui a bien fonctionné la dernière fois, afin de protéger nos intérêts nationaux. C’était une bonne rencontre, et j’ai bien apprécié le ton des échanges », a indiqué M. Hyder.

« Nous sommes d’avis que notre statut dans le reste du monde dépend beaucoup de la relation que nous avons avec les États-Unis. Nous savons aussi que notre économie est fortement tributaire de l’accord commercial avec les États-Unis. Il est donc crucial en ce moment que les groupes intéressés, les partis politiques, les gens d’affaires, les syndicats travaillent tous ensemble pour défendre les intérêts économiques du pays. Nous avons du temps, mais une année peut s’écouler très rapidement. »

La présidente-directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ), Véronique Proulx, se réjouit de voir que l’on se prépare à Ottawa à la révision de l’ACEUM.

« Les élections américaines peuvent vraiment changer la donne. Nous avons ce dossier sur notre radar depuis quelque temps. Il faut commencer à y penser dès maintenant. Nous n’avons pas encore été approchés par la ministre Freeland, mais je trouve cela positif et encourageant de voir qu’ils ont commencé le processus parce que ça va venir vite », a exposé Mme Proulx.

« Quand on regarde ce qui se passe sur la scène géopolitique, il y a beaucoup de pays qui se renferment. La dynamique change, mais en même temps, les pays du G7 tentent de travailler ensemble. Alors, le moment est bien choisi pour le Canada de se positionner encore plus comme étant un allié, un partenaire de choix pour renforcer la compétitivité sur le marché nord-américain. Le défi du Canada, c’est de garder un accès au marché américain. »


 source: La Presse