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UE-Mercosur : Bruno Le Maire promet que l’accord de libre-échange ne sera pas signé « en l’état »

La Tribune | 31 janvier 2024

UE-Mercosur : Bruno Le Maire promet que l’accord de libre-échange ne sera pas signé « en l’état »

La colère du monde agricole dans plusieurs pays de l’UE est venue percuter les négociations en cours sur l’accord commercial avec les pays latino-américains du Mercosur. Pour rappel, il est en discussions depuis plus de 20 ans. La France s’y oppose et le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a promis ce mercredi un « bras de fer » pour qu’il ne soit pas signé « tel qu’il est aujourd’hui ».

Depuis près d’un quart de siècle - depuis l’an 2000 exactement -, l’UE et les quatre pays fondateurs du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) négocient sur un texte d’accord de libre-échange. Objectif, favoriser certaines exportations européennes et certaines importations sud-américaines.

Reste qu’au sein même des Vingt-Sept, les positions divergent. La France notamment s’y oppose. D’autant plus dans le contexte actuel, marqué par une forte tension avec le monde agricole sur le continent européen. Un moratoire sur les accords de ce type figure d’ailleurs au premier rang des demandes des syndicats agricoles français qui, toutes tendances confondues, y voient une concurrence déloyale, même si certains pans de l’agriculture peuvent en profiter.

Paris promet un « bras de fer »

Au sein de l’Hexagone, les exploitants peuvent s’appuyer sur l’exécutif. Depuis le début de la semaine, le gouvernement ne cesse de clamer haut et fort qu’elle refuse de conclure un tel accord avec des puissances agricoles, comme le Brésil ou l’Argentine. Ce mercredi, au lendemain du discours de politique générale du Premier ministre Gabriel Attal, c’est le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui a remis une couche. Le locataire de Bercy a en effet promis un « bras de fer » pour que cet accord « tel qu’il est aujourd’hui ne soit pas signé ».

Ses propos rejoignent ceux du ministre de l’Agriculture. « Tant qu’on n’a pas de réponse claire, et tant qu’on n’a pas quelque chose qui évite de mettre et de livrer nos producteurs français, européens à des clauses, à une concurrence qui soit une concurrence déloyale, il ne peut pas y avoir d’accord du Mercosur », a appuyé Marc Fesneau, sur Sud Radio.

Mardi, le président Emmanuel Macron avait lui aussi réaffirmé son opposition à cet accord commercial. Il estime que les règles ne sont pas « homogènes » avec les règles européennes.

Le locataire de l’Elysée doit s’entretenir ce jeudi avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en marge d’un sommet européen. Quant au ministre de l’Agriculture, il est d’ores et déjà attendu ce mercredi à Bruxelles pour « poursuivre le travail d’influence et de négociation auprès des institutions européennes (Parlement européen, Conseil et Commission) pour porter les demandes de la France », a souligné son cabinet.
Quiproquo avec Bruxelles

L’Élysée avait assuré en début de semaine que les négociations en vue de l’accord avaient carrément été interrompues en raison de son opposition.

« Notre compréhension, c’est que (la Commission) a bien instruit ses négociateurs de mettre fin aux sessions de négociation qui étaient en cours au Brésil », a indiqué la présidence française.

Reste qu’à Bruxelles, la lecture des événements est toute autre. Si les conditions ne sont « pas réunies » pour conclure les négociations, a reconnu Éric Mamer, porte-parole de la Commission européenne, les discussions sont bel et bien maintenues

« L’Union européenne continue à poursuivre son objectif d’atteindre un accord qui respecte les objectifs de l’UE en matière de durabilité et qui respecte nos sensibilités notamment dans le domaine agricole », a-t-il affirmé.

Des pourparlers entre négociateurs de l’UE et du Mercosur ont eu lieu la semaine dernière au Brésil, et des « discussions au niveau technique vont continuer », a-t-il précisé. Au moment de ces négociations, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, avait néanmoins admis que la crise qui secoue le monde agricole à travers l’Europe pourrait constituer un « obstacle » à la conclusion d’un accord.

Encore de longues étapes

Quant à savoir à quelle échéance aura lieu le prochain cycle de négociations, cela « dépend de l’analyse qu’on va faire, et il est prématuré d’annoncer la prochaine date, si nouvelle date il y a », a averti la Commission mardi. Et « la probabilité qu’un accord soit signé avant les élections au Parlement européen » début juin « est extrêmement faible », juge André Sapir, expert auprès de l’Institut Bruegel.

De fait, une fois conclu par la Commission européenne, l’accord doit ensuite passer par d’autres étapes : il doit être approuvé par le Parlement européen et par les 27, à la majorité qualifiée. La France peut théoriquement être contournée lors du vote des 27, mais son « poids politique » rend la chose très improbable, renchérit Elvire Fabry, experte auprès de l’Institut Jacques Delors. Un avis que ne partage pas le ministre français de l’Économie.

« Croyez moi, quand la France veut quelque chose en Europe, elle a suffisamment de poids pour l’imposer », a vanté Bruno Le Maire ce mercredi, affirmant que « c’est grâce au président de la République et uniquement grâce à lui, que cet accord n’est pas signé aujourd’hui ».

Reste que si la France s’oppose à cet accord commercial, tel n’est toutefois pas le cas de tous les pays de l’UE. Son enjeu est en effet considéré comme essentiel par plusieurs autres, dont l’Allemagne. Les manifestations des agriculteurs allemands n’ont d’ailleurs pas changé cette position, selon un diplomate européen.

En outre, dans le contexte de l’affrontement entre la Chine et les Etats-Unis, nombreux sont les pays à la recherche d’une diversification de leurs échanges, souligne Elvire Fabry. Cet accord a aussi un enjeu géopolitique important, utile par exemple pour sécuriser l’approvisionnement de certains minerais critiques, le lithium au Brésil, ajoute l’experte.

(Avec AFP)


 source: La Tribune