Le partenariat économique global régional (RCEP) est un accord commercial "méga-régional" qui a été signé en novembre 2020. Il était négocié depuis 2012 entre les 10 gouvernements de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) et leurs six partenaires de la zone de libre-échange : Australie, Chine, Inde, Japon, Nouvelle-Zélande et Corée du Sud. Mais en novembre 2019, l’Inde a décidé de ne pas adhérer au traité. Les huit années de négociations du RCEP ont été entourées de secret. Les mouvements sociaux ne pouvaient compter que sur des fuites pour analyser l’accord proposé.
Le RCEP est largement piloté par l’ASEAN. En effet, le projet est né, et s’est développé, à partir de la fusion des cinq accords commerciaux ASEAN+1 que l’ASEAN a signés avec le Japon, la Corée du Sud, la Chine, l’Inde, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. L’objectif principal des négociations était de "booster la croissance économique et le développement économique équitable, de faire progresser la coopération économique et d’élargir et d’approfondir l’intégration dans la région grâce au RCEP ", selon le site web de l’ASEAN. Le RCEP couvre presque tous les aspects de l’économie, tels que les biens, les services, les investissements, la coopération économique et technique, les droits de propriété intellectuelle (DPI), les règles d’origine, la concurrence et le règlement des conflits.
Tout au long des négociations, des inquiétudes concernant le RCEP ont été exprimées dans un certain nombre de contextes, et concernent toute une série de questions. Une fuite en 2015 d’un texte sur les droits de propriété intellectuelle, proposé par les négociateurs japonais, a confirmé les craintes que le deal puisse aller au-delà de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’Organisation mondiale du commerce.
Différents mouvements et organisations, notamment des groupes environnementaux, des syndicats, des travailleurs domestiques, des agriculteurs, des marchands ambulants, des groupes de femmes et des personnes vivant avec le VIH ont fait part de leurs préoccupations tout au long des négociations et du processus de ratification actuel. Des milliers de personnes ont manifesté contre les dispositions néfastes de l’accord commercial, exigeant la transparence des gouvernements, à Hyderabad, en Inde, en juillet 2017, et ont organisé une convention populaire sur le RCEP.
En 2019, la pression publique a contraint l’Inde à se retirer des négociations. Plusieurs dispositions néfastes ont également été abandonnées, comme le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS), qui permet aux entreprises de poursuivre les États devant des tribunaux d’arbitrage, en cas de perte de bénéfices escomptés, et l’adhésion obligatoire à l’UPOV91. L’UPOV est un système spécialisé de brevetage des semences, qui rend illégal – dans les faits, c’est une infraction pénale - pour les agriculteurs de conserver et de réutiliser des semences protégées.
Le texte final montre qu’il n’y a pas d’augmentation des monopoles de brevets pour les médicaments au-delà de la norme de l’OMC fixée à 20 ans, préconisée par les entreprises pharmaceutiques, et promue par le Japon et la Corée du Sud au début des négociations, ce qui aurait pu retarder la disponibilité des formes génériques de médicaments, en particulier dans les pays à faible revenu, et aurait été très nuisible dans le contexte de la pandémie du COVID-19. Le chapitre sur le commerce électronique n’inclut pas certaines des règles les plus draconiennes défendues par les grandes entreprises technologiques, et présentes dans d’autres accords commerciaux tels que le Partenariat transpacifique, et n’est pas contraignant.
Toutefois, selon une évaluation de la CNUCED, le RCEP aggravera la balance commerciale de la quasi-totalité de ses pays membres, en particulier des pays "en développement" et "moins développés". Cela peut potentiellement accroître la pression en faveur de la privatisation des services publics essentiels, d’autant plus que ces services sont, en vertu de l’accord, régis par des "règles commerciales" internationales en faveur des multinationales et qui limitent la capacité des États à réglementer dans l’intérêt public. Les mêmes règles qui suppriment les obstacles aux investissements étrangers peuvent également s’appliquer au secteur agricole et accroître la tendance à l’accaparement des terres.
Une déclaration commune de sept fédérations syndicales de la région Asie-Pacifique indique que le RCEP entraînerait une détérioration des conditions de travail dans le cadre d’un abaissement des prix et d’une concurrence accrue, et que les travailleurs migrants en subiraient les pires conséquences. Ils ont ajouté que "au lieu de faire avancer un projet de libre-échange, les pays devraient collaborer pour relancer leurs économies et développer les biens publics."
La Chine, Singapour et la Thaïlande furent les premiers à ratifier l’accord début 2021. Pour entrer en vigueur, le RCEP doit être ratifié par six pays de l’ASEAN et trois pays non-membres de l’ASEAN.
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Dernière mise à jour : avril 2021 / Photo : bilaterals.org