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Accords de libre-échange : commerce ou géopolitique ?

Le Télégramme | 3 juin 2024

Accords de libre-échange : commerce ou géopolitique ?

par Laetitia Lallement

Les accords de libre-échange sont, à l’origine, passés pour limiter les droits de douane entre deux pays. Mais les changements économiques, géostratégiques et environnementaux des dernières années en font de nouveaux accords géopolitiques.

« Je ne comprends pas pourquoi le Sénat a refusé l’accord avec le Canada [le 21 mars, NDLR]. C’est un pays partenaire ! », s’interrogeait, stupéfaite, Lysiane Métayer, en avril. Interrogée en tant que rapporteur sur le bilan des accords de libre-échange, la députée Renaissance du Morbihan vante les mérites du Ceta, l’accord commercial entre l’UE et le Canada en vigueur depuis 2017, dit de nouvelle génération. Ces nouveaux accords, en plus de favoriser les échanges commerciaux, tentent de diminuer les obstacles non tarifaires, comme les normes sanitaires, sociales ou encore environnementales. Le premier accord de ce type est celui passé avec la Corée du Sud, en 2011, entré en vigueur en 2015.

Réduction de la dépendance

Mais s’il est regrettable, selon Lysiane Métayer, de ne pas collaborer plus étroitement avec le Canada, pays respectant les normes et le droit du travail, ça l’est d’autant plus qu’il est un partenaire stratégique. « Les accords revêtent aujourd’hui un caractère géopolitique plus important, explique Elvire Fabry, chercheuse senior en géopolitique à l’Institut Jacques Delors. Entre 2016 et aujourd’hui, le contexte international est complètement différent. On observe une fragmentation du commerce mondial entre les États-Unis et la Chine, Trump annonce une guerre commerciale en cas de réélection. Le covid a montré les problèmes de dépendance en particulier avec la Chine (composants stratégiques technologiques, minerais rares, etc.), où se concentrent 33 % de la manufacture mondiale. La démarche est donc de diminuer ces risques de dépendance. »

Repenser l’économie européenne

Il faut donc diversifier les sources d’approvisionnement. Le Canada est, selon le ministère des Affaires étrangères, le premier producteur de potasse, le deuxième d’uranium, le quatrième de titane et d’aluminium de première fusion, des métaux critiques dont la France a besoin pour améliorer sa souveraineté énergétique. La chercheuse indique que le marché chinois est de moins en moins accessible. Elle souligne la baisse de la consommation dans le pays et le fait que Pékin contrôle ses exportations. Il est donc aussi nécessaire de trouver d’autres destinations des exportations européennes. « Cela suppose de renforcer la position économique de l’Europe. Ces accords deviennent plus conditionnés à un objectif politique. »

C’est dans cet état d’esprit qu’entre en vigueur le JEFTA, accord signé entre le Japon et l’UE, en 2019. S’il facilite l’importation en Europe de voitures japonaises en échange de droits de douane supprimés sur les vins, les fromages, la viande ou les cosmétiques européens, il marque, d’un point de vue stratégique, le rapprochement de deux puissances mondiales face à la Chine et aux États-Unis. L’accord signé avec le Chili devrait faciliter l’importation en Europe de lithium et de cuivre. Celui passé avec la Nouvelle-Zélande contient des engagements sociaux et environnementaux, le premier du genre.


 source: Le Télégramme