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L’accord UE-Mercosur ne devrait pas être conclu avant les élections européennes

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Euractiv | 13 février 2024

L’accord UE-Mercosur ne devrait pas être conclu avant les élections européennes

Par : Paul Messad

Tout porte à croire que l’accord entre l’UE et le Mercosur ne sera pas conclu avant les élections européennes de juin prochain, confient à Euractiv France des parlementaires français et allemands au fait du dossier.

Il y a quelques jours, le dernier round de négociation pour conclure l’accord entre l’UE et le Mercosur s’est de nouveau soldé par un échec. La France, gouvernement et parlementaires de concert, arguant que les considérations environnementales et sociales contenues dans le texte de l’accord ne sont pas suffisantes pour conclure.

À quelques mois des élections européennes de juin prochain, l’échec de ces dernières négociations pourrait signer le glas de l’accord, au moins pour cette mandature européenne.

« L’idéal aurait été de finaliser tout cela [négociations de l’accord UE-Mercosur] avant les européennes. Ce n’est dorénavant plus possible », a déclaré Nils Schmid, député allemand et porte-parole « politique étrangère » pour le groupe parlementaire socialiste (SPD) à Euractiv France.

La France n’est « pas pressée d’aller à la conclusion », complète Pascal Lecamp, député Mouvement démocrate (Modem, majorité présidentielle) et instigateur d’une résolution contre l’accord en l’état, à Euractiv France.

25 ans de négociations

L’Histoire se répète depuis 25 ans que l’accord est sur la table.

Lancées en 1999, les négociations entre l’UE et les États membres du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay) visent à conclure le plus grand accord de libre-échange au monde, concentrant au sein d’une union aux taxes douanières réduites plus de 780 millions de personnes et 120 milliards d’euros d’échanges de biens et de services par an.

Un accord a été arrêté en 2019, avant que la France refuse de le soutenir « en l’état », arguant que les garanties environnementales et sociales apportées par le président brésilien d’extrême-droite d’alors, Jaïr Bolsonaro, étaient insuffisantes.

Les discussions restent ainsi bloquées jusqu’à ce que le retour du socialiste « Lula » au palais présidentiel brésilien fin 2022 ne relance l’espoir d’une signature rapide.

La France, en parallèle, demande la réouverture de l’accord de 2019 pour s’assurer qu’il contient des clauses de réciprocité sociales et environnementales, dites « miroirs », entre les deux organisations continentales.

La Commission européenne, disposant d’une compétence exclusive sur les volets commerciaux des accords de libre-échange — les États membres n’ayant, dès lors, qu’un poids politique — propose plutôt de lui accoler un acte additionnel contenant des clauses sociales et environnementales. L’acte est néanmoins non contraignant, dès lors insuffisant pour les États européens opposés à l’accord, quand les pays du Mercosur accusent l’UE d’immixtions dans leurs affaires internes.

La dernière salve de négociations a de nouveau échoué fin-janvier début-février. La défiance française, notamment revigorée par la grogne du monde agricole.

Selon la Commission européenne, elles auraient toutefois déjà repris.

Le travail continue

« Le travail continue », a déclaré en ce sens jeudi dernier (8 février) le vice-président exécutif de la Commission européenne en charge du Commerce, Valdis Dombrovskis.

« M. Dombrovskis était, est et restera prêt à se rendre au Mercosur si les négociations techniques ont suffisamment progressé pour qu’un accord politique soit à portée de main », poursuit pour Euractiv France le porte-parolat de la Commission.

Pour le moment « ce n’est pas le cas. […] La Commission estime que les conditions nécessaires à la conclusion des négociations avec le Mercosur ne sont pas encore réunies », conclut le porte-parolat, reprenant les mots du commissaire chargé du Green deal, Maroš Šefčovič, tenues mercredi dernier (7 février).

C’est aussi donc la vision partagée par la France, l’Autriche, les Pays-Bas et la Belgique, tandis que l’Espagne, favorable à l’accord en l’état, souhaite dorénavant qu’il dispose de clauses miroirs.

Du temps perdu

« Nous avons donc perdu pas mal de temps et nous sommes, en Allemagne, plutôt déçus », assume Nils Schmid auprès d’Euractiv France.

Le co-président de l’Assemblée parlementaire franco-allemande rappelle d’ailleurs qu’une politique commerciale internationales revivifiée était l’un des points clés du programme du chancelier allemand Olaf Scholz.

N’avait-il pas déclaré le 5 février dernier à Berlin, au côté du Premier ministre Gabriel Attal, que « l’Allemagne est un pays qui est très attaché au libre-échange » ?

Dans ces conditions toutefois, « il n’y aura donc pas d’accord entre la France et l’Allemagne avant les élections européennes sur l’accord UE-Mercosur », déclare M. Schmid.

C’est en effet « peu probable », confirme Pascal Lecamp à Euractiv France. « Aujourd’hui, l’accord n’est pas la priorité des Européens ». Plutôt, ces derniers attendraient, pense-t-il, des avancées sur l’immigration, l’intelligence artificielle et les règles budgétaires.

Aussi sûrement, sur les normes agricoles.


 source: Euractiv