bilaterals.org logo
bilaterals.org logo
   

L’Allemagne demande à la prochaine Commission de se concentrer sur les accords de libre-échange limités

All the versions of this article: [English] [français]

Euractiv | 27 juin 2024

L’Allemagne demande à la prochaine Commission de se concentrer sur les accords de libre-échange limités

Par : Jonathan Packroff

La prochaine Commission européenne devrait conclure davantage d’accords de libre-échange (ALE) avec des pays tiers, notamment ceux qui ne requièrent pas l’unanimité des États membres de l’UE, selon le chancelier allemand Olaf Scholz.

Alors que tous les yeux à Bruxelles sont rivés sur l’annonce des top jobs — les postes clés de l’UE — qui sera faite lors du sommet des 27 chefs d’État et de gouvernement jeudi et vendredi (27 et 28 juin), les dirigeants européens devraient adopter en parallèle un « agenda stratégique » quinquennal définissant les priorités pour la législature 2024-2029.

Lors d’une conférence organisée par Fédération des industries allemandes (BDI) lundi (24 juin), le chancelier allemand a appelé à une transition plus marquée de l’UE vers des accords commerciaux limités, ne se concentrant que sur les domaines de compétence de l’UE et non des États membres, qui ne nécessitent donc pas la ratification de chaque pays. Ce type d’accord est surnommé dans le jargon bruxellois « EU only ».

« Nous n’avons pas confié la responsabilité de la politique commerciale à l’Europe pour qu’aucun accord ne soit conclu », a affirmé Olaf Scholz (Parti social-démocrate allemand/SPD, S&D), « mais pour qu’un plus grand nombre d’accords soient conclus ».

« Ce n’est pas le cas actuellement », a-t-il ajouté, et « c’est inacceptable dans la situation géopolitique dans laquelle nous sommes ».

Exhortant « la prochaine Commission et les autres États membres à se ressaisir et à aller enfin de l’avant », Olaf Scholz a déclaré que les accords « EU only » pourraient « éviter des années de retard causées par les processus de ratification » des accords au niveau des gouvernements des Vingt-Sept.

Accords « EU only » et accords mixtes

En raison de la compétence exclusive de l’UE en matière de politique commerciale, la Commission est l’unique négociateur des accords commerciaux avec les pays tiers, qui doivent ensuite être ratifiés à la majorité qualifiée des Vingt-Sept.

Toutefois, si des politiques dépassant le cadre purement commercial sont concernées — dans des accords qui, par exemple, pourraient inclure des clauses de protection des investissements — ces accords sont considérés comme « mixtes », c’est-à-dire relevant de la compétence partagée de l’UE et des capitales, et doivent à ce titre être approuvés à l’unanimité par les États membres et ratifiés par les parlements nationaux, et parfois régionaux.

« Nous avons besoin d’un peu plus de pragmatisme et de rapidité dans ce domaine », a fait valoir M. Scholz. « Et si nous avons alors des accords de libre-échange qui ne contiennent pas tout ce que nous pourrions souhaiter, mais qui sont […] conclus rapidement, alors nous avons tous à y gagner », a-t-il ajouté.

Ce point a été repris par le ministre de l’Économie du pays, Robert Habeck (Alliance 90/Les Verts), qui, contrairement à d’autres écologistes, a été un fervent partisan de la conclusion d’un plus grand nombre d’accords commerciaux.

Il a déclaré qu’il préférait « un accord commercial satisfaisant à 80 % et conclu rapidement plutôt que […] des accords de libre-échange parfaits jamais conclus ».

Les sept vœux de Robert Habeck

Robert Habeck a présenté sept priorités pour l’agenda économique de la prochaine législature européenne.

Il souhaite notamment encourager la conclusion d’un plus grand nombre d’accords commerciaux et demande que le seuil de l’UE pour les PME soit relevé de 250 à 500 employés.

Cette dernière mesure permettrait d’étendre aux entreprises de taille moyenne des avantages tels que les régimes de subvention et les dérogations aux obligations de déclaration — un point crucial pour le Mittelstand, fer de lance de l’économie allemande, sur lequel le gouvernement a insisté à maintes reprises.

Outre la nécessité d’une défense commune plus active et d’une politique des ressources critiques, Robert Habeck a aussi appelé à une modification des règles de concurrence de l’UE afin d’évaluer les fusions « en fonction du marché mondial » plutôt que de celui de l’UE, ce contre quoi Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence, a mis en garde la semaine dernière.

Le ministre allemand a également souligné la nécessité de réformer les règles de l’Union en matière d’aides d’État, estimant que des règles moins strictes, actuellement réservées aux régions les plus pauvres de l’UE, devraient être étendues aux régions les plus riches.

« Mélanger la politique industrielle et de la concurrence avec la politique de cohésion peut avoir du sens au sein de l’Europe afin que les régions moins fortes puissent également générer de la croissance », a-t-il déclaré. Mais « sur le plan géopolitique, il existe d’autres situations de concurrence ».

« En fin de compte, il n’est pas si décisif de savoir si une région du Jutland [Danemark] est sur un pied d’égalité avec une région du Bade-Wurtemberg, mais si l’Europe est compétitive par rapport au Texas ou aux provinces chinoises », estime Robert Habeck.

Selon les règles actuelles, les régions dont le PIB est inférieur à 75 % de la moyenne de l’UE (catégorie « a »), ainsi que les régions affectées par la transition énergétique (catégorie « c »), bénéficient d’une plus grande flexibilité en ce qui concerne les aides d’État — ce dont l’Allemagne ne bénéficie pas, puisqu’aucune de ses régions n’est dans la catégorie « a ».

Robert Habeck a également demandé que certains aspects du cadre temporaire de crise et de transition, qui donne actuellement aux pays de l’UE une plus grande marge de manœuvre pour accorder des aides d’État aux secteurs écologiques, soient rendus permanents.

Un aspect du cadre en particulier établit que « l’UE fixe les normes et que les États membres les mettent en œuvre sans revenir à Bruxelles pour demander “Avons-nous respecté les normes ?” », a expliqué le ministre allemand.

Il a ajouté que cette décision pourrait permettre de réduire les procédures d’aide d’État de trois ans à une seule année.

Plusieurs petits pays de l’UE, en particulier le Danemark, ont demandé à plusieurs reprises que les règles exceptionnelles, adoptées initialement pour répondre à la crise énergétique et étendues par la suite aux investissements verts, soient « arrêtées ».


 source: Euractiv