Le Mexique remporte la bataille du fromage face à l’UE
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Euractiv | 24 avril 2018
Le Mexique remporte la bataille du fromage face à l’UE
par Jorge Valero
L’UE et le Mexique ont conclu un accord politique le 21 avril qui ouvrira de nouveaux marchés aux agriculteurs européens. Mais les producteurs de Manchego en Espagne se sentent abandonnés par l’UE.
L’accord est « tout à fait positif pour notre secteur agroalimentaire, il crée de nouvelles opportunités d’exportations pour nos produits alimentaires et boissons de grande qualité, ce qui conduira à plus d’emplois et d’activité économiques dans les zones rurales », a déclaré le commissaire européen en charge de l’agriculture, Phil Hogan.
L’Europe et le Mexique doivent encore régler certains détails techniques avant que l’accord soit ratifié et entre en vigueur. Comme pour tout accord commercial, tout le monde n’en sortira pas gagnant.
« On a servi d’objet de marchandage », s’insurge Martin Esteso, responsable de l’indication géographique du Manchego à l’ASAJA, le plus grand syndicat agricole d’Espagne.
Alors que le secteur laitier a été la partie de l’accord la plus difficile à conclure, le fromage Manchego reste une pierre d’achoppement entre les deux parties.
L’UE a réussi à obtenir des droits exclusifs pour 340 produits protégés par une indication géographique, dont le Comté (France) ou le Queijo Sao Jorge (Portugal). Seuls ces produits européens auront le droit d’être vendus sous ce nom.
L’UE n’a toutefois pas obtenu gain de cause pour les agriculteurs de La Mancha, en Espagne, et leur fromage, le Manchego, qui bénéficie pourtant d’une indication géographique protégée dans l’UE.
Or, le manchego mexicain représente presque 15 % de toutes les ventes de fromage au Mexique. Un label trop précieux pour être abandonné.
La différence réside dans la fabrication. Alors que le manchego mexicain est produit à partir de lait de vache, le Manchego espagnol utilise du lait d’une race de brebis venant de la province de La Mancha. Par ailleurs, le fromage mexicain est fabriqué en une semaine environ alors que plus de deux mois sont nécessaire pour produire du Manchego espanol.
Les agriculteurs de La Mancha soutiennent que cela donne une qualité spéciale qui se reflète aussi dans les prix. Aux États-Unis, où les deux produits jouent des coudes pour attirer les consommateurs, le Manchego coute environ 14 dollars la livre (11,5 €), soit le double du produit mexicain.
Dans le cadre de l’accord, le Mexique devra indiquer clairement que leur manchego n’a pas de lien avec l’indication européenne protégée, et les producteurs ne pourront utiliser que du lait de vache.
Phil Hogan a assuré que ces nouvelles obligations allaient satisfaire les agriculteurs espagnols. « Je pense que les producteurs mexicains de manchego seront contents, et les Espagnols aussi. »
Martin Esteso et ses collègues de La Mancha ne sont pas de cet avis. « Ça n’a aucun sens, bien sûr que non nous ne sommes pas satisfaits », assure-t-il.
« Cela représente pour nous un sacré revers et c’est un coup terrible porté à nos exportation, car maintenant, ils pourront vendre à l’étranger en utilisant le nom », explique Martin Esteso, dont la famille produit du Manchego.
Il estime que les informations supplémentaires ne sont pas suffisantes, puisque les consommateurs réagiront en n’achetant plus rien pour ne pas être trompés.
L’ASAJA insiste donc pour avoir les droits exclusifs du fromage Manchego. « La Commission ne cesse de répéter qu’il faut protéger les races locales et donc protéger les produits originaux. Pour nous, cet accord va à l’encontre de ce principe », a-t-il ajouté.
Martin Esteso constate que les Européens respectent les indications géographiques mexicaines, comme la Tequila, et que les Mexicains devraient donc faire la même chose pour le Manchego. « Surtout que notre fromage est davantage reconnu que le leur. »
Gagnants
D’autres types de fromage, dont le Gorgonzola et le Roquefort, auront un accès préférentiel au marché mexicain. L’accord couvre au total 5 000 tonnes de fromage frais et 20 000 tonnes d’autres fromages. Actuellement, les deux types de fromages sont soumis à des droits de douane de 45 %.
Au total, 30 000 tonnes de lait en poudre seront également exempts des droits de douane, qui s’élèvent actuellement à 50 %, et le volume passera à 50 000 tonnes au cours des cinq prochaines années.
L’accord élimine aussi les taxes à l’importation des produits à base de chocolat et des pâtes, respectivement soumis à 30 % et 20 % de taxes actuellement, et presque tous les produits à base de porc.