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Le pain suisse menacé de disparition

24 Heures | 05.02.2010

Le pain suisse menacé de disparition

Vaud cultive le quart des cultures de céréales panifiables de Suisse où chaque habitant mange en moyenne 50 kg de pain par an. (Photo Pascal Frautschi)

ÉTUDE | Selon l’EPFZ, en cas d’accord de libre-échange avec l’UE, les cultures de blé pourraient disparaître du pays en quatre ans. Pour éviter cela, il faudrait 300 millions par an.

Sylvain Muller

Si la Suisse signe les accords de libre-échange agricole avec l’Union européenne, les cultures de céréales panifiables pourraient disparaître du pays en quatre ans. En 2016, il ne serait donc théoriquement plus possible de manger du pain à base de farine suisse. Cette affirmation n’émane pas d’un agriculteur inquiet, mais de la chaire agraire de l’Ecole polytechnique de Zurich (EPFZ), qui a publié fin octobre une étude sur les «conséquences d’un éventuel accord de libre-échange pour la filière suisse des céréales».

«Ce document mandaté par l’interprofession SwissGranum nous permet d’enfin disposer d’une base scientifique crédible, qui malheureusement confirme nos craintes», constate le Vaudois Olivier Sonderegger, directeur de la Fédération suisse des producteurs de céréales. Outre l’aspect émotionnel, cela signifierait aussi une perte en capacité d’autoapprovisionnement, puisque toutes les farines alimentaires devraient être importées.

Aide de 1000 francs par hectare
Pour éviter cela, l’étude estime la plus-value à trouver à environ 1000 francs par hectare, soit environ 300 millions de francs par année. «Une somme importante, mais pas démesurée en regard des 4 milliards de francs déjà versés chaque année à l’agriculture suisse», relève Olivier Sonderegger. Trois paramètres pourraient permettre d’y parvenir: une baisse des coûts de production, une hausse du prix de vente et enfin une hausse du soutien direct de la Confédération aux agriculteurs.

Ce montant représente aussi le prix à payer pour ne pas voir le paysage profondément se modifier. Car, selon l’étude, les champs de céréales panifiables seraient principalement remplacés par des prairies destinées à la production laitière. Or ce type de culture s’étendait sur 80 000 hectares en 2008, ce qui représente près de 125 000 terrains de foot ou près d’un tiers du total des surfaces cultivées en Suisse.

Scénario catastrophe
«Mais cette substitution n’est qu’une hypothèse, basée sur des chiffres, relativise Olivier Sonderegger. Car une explosion de la production laitière entraînerait, outre un énorme défi pour l’écoulement de la production supplémentaire, beaucoup d’autres problèmes. Ne serait-ce sur le plan écologique, avec la production de quantité de matières organiques que la nature ne pourrait plus absorber.»

Sous-directeur de l’Office fédéral de l’agriculture, Dominique Kohli prend cette étude très au sérieux, mais conteste l’interprétation faite par SwissGranum. «Les résultats de l’étude sont beaucoup plus nuancés que leur analyse. Pour moi, ils mettent en évidence les mesures sur lesquelles nous devons travailler. Car la disparition de la filière céréalière est un scénario catastrophe que nous excluons.»

Dominique Kohli estime aussi disposer des outils nécessaires pour corriger les effets néfastes. «L’article sur l’agriculture de la Constitution fédérale prévoit le maintien de la sécurité de l’autoapprovisionnement du pays. La Confédération appuiera donc les efforts d’amélioration de la rentabilité et de la compétitivité d’un secteur qui a de nombreux atouts et une haute qualité à faire-valoir. Il est tout simplement impossible pour nous d’abandonner ce secteur.»

Semences en baisse
Du travail des agriculteurs dépend en effet toute une filière. Selon l’étude zurichoise, les centres collecteurs et les moulins devraient revoir leur positionnement et développer des produits de niche, à valeur ajoutée ou labellisés. Tandis que les boulangers seraient moins touchés, puisque le coût de la matière première ne compose qu’une faible part du coût final de leur production.

En conclusion, l’étude confirme que la signature des accords avec l’Union européenne ne ferait qu’accroître la pression sur un secteur qui est d’ores et déjà en mutation. «Jusqu’à maintenant les variations des ventes de semences de céréales se compensaient entre elles. Or, pour la première fois cette année, nous avons constaté une diminution de l’ensemble des ventes de semences de céréales», confirme Olivier Sonderegger.

Etude complète disponible sur www.swissgranum.ch


 source: 24 Heures