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Les femmes contre le CAFTA : la déclaration des « Femmes du NON »

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Les femmes contre le CAFTA : la déclaration des « Femmes du NON »

Mujeres del NO
Octobre 2007

Référendum sur le CAFTA


Déclaration des « Mujeres del NO » (Femmes du NON)

« Mujeres contra el TLC » (Femmes contre l’ALE) est le nom que nous nous sommes données pendant la courageuse période de lutte qui restera dans l’histoire comme la campagne contre le CAFTA. Nous sommes les créatrices de la Bannière de nos rêves, sur laquelle des milliers de personnes ont laissé l’empreinte de leur rejet du traité et à l’imposition d’une politique néolibérale hasardeuse qui livrait les biens et les services appartenant au peuple aux entreprises privées pour que ces dernières tirent profit des besoins de base de la population. Une politique qui affecte les femmes, elles qui ont la responsabilité de la reproduction et qui prennent soin de la vie sur Terre et ce, au sens le plus large. Une politique qui met en péril notre état de droit social qui, bien qu’il soit loin d’être parfait, nous a néanmoins permis de survivre dans de meilleures conditions que celles vécues par nos consœurs d’Amérique centrale.

« Mujeres del NO » (Femmes du NON) était aussi le nom de notre émission radiophonique sur Radio Actual, qui nous a permis de faire partie des forces luttant contre la dictature médiatique qui s’empare de la planète depuis quelques décennies, avec pour but de réduire au silence les milliers de voix diverses qui s’opposent à l’imposition de la politique néolibérale, qui transforme en affaires privées ce qui était auparavant considéré du domaine public. Dans cette émission, nous avons permis à des dizaines de femmes venant de tous les horizons de s’exprimer. En effet, nous avons la conviction que chaque voix a des vérités à partager et des raisons d’être entendue et c’est la raison pour laquelle nous avons donné une notoriété à cette résistance des femmes contre le CAFTA et son modèle de développement.

Conscientes du rôle historiquement marginalisé de la participation des femmes dans les mouvement d’émancipation au cours des siècles, nous avons organisé l’évènement le « Pouvoir du NON », le 29 septembre ; nous avons monté des tentes pour fournir aux participantes l’opportunité de s’interposer aux irrégularités et aux abus de pouvoir concernant le processus de référendum, plaintes actuellement soumises à une investigation juridique en vue de leur présentation au niveau national et international.

Des tentes ont également été installées à d’autres fins : la tente d’information pour la formation des superviseurs du référendum, la tente juridique pour dénoncer les irrégularités ou les violations du droit de vote, la tente de l’observatoire féministe des politiques transformationnelles pour participer à l’audition de femmes provenant du Mexique et d’autres pays d’Amérique centrale ayant ratifié des accords de libre-échange avec les États-Unis, et bien sûr la tente Bannière, pour continuer d’affirmer notre rejet de l’accord. À la fin de la journée, un grand concert a eu lieu pour célébrer la créativité politique d’un NON qui va bien au-delà du rejet de le CAFTA parce qu’il vient de la volonté de prendre soin, de nourrir et protéger la vie sur notre planète.

Notre travail de communication dans la région a aidé à faire naître une conscience internationale grâce à de nombreuses organisations et institutions, notamment le quotidien La Jornada de México, qui a intitulé un récent éditorial La vulneración de la Democracia en Costa Rica (La violation de la démocratie au Costa Rica), en référence aux irrégularités commises dans le processus. Dans notre effort, nous avons également lié cette lutte locale aux organisations et aux mouvements internationaux pour la paix, l’égalité et la justice, réalisant une déclaration de la Nobel Women’s Initiative qui exprimait la déception de ces femmes par rapport à un processus électoral qui aurait pu être un exemple pour le monde mais qui, au lieu de cela, ne s’est révélé être qu’un exemple supplémentaire de l’abus de pouvoir de nombreux et puissants officiels publics.

Nos actions contre la politique découlant de le CAFTA datent déjà d’un certain temps. En 2000, nous faisions partie de « Mujeres contra el Combo » [1] (Femmes contre le Combo) et en 2002, beaucoup d’entre nous participèrent à l’organisation de la IXe rencontre féministe latino-américaine et caribéenne, dont le thème était la « résistance à la globalisation néolibérale », qui a réuni plus de 800 féministes de la région qui se sont déclarées contre ces politiques en raison de leur impact, non seulement sur la vie des femmes, mais également sur la planète elle-même.

Aujourd’hui, le processus d’abus et de violation de nombreux droits humains ayant atteint son paroxysme , nous souhaitons démontrer que nous restons vigilantes et que nous attendons les résultats du recomptage manuel exigé par plusieurs secteurs sociaux et ce, à cause des anomalies constatées par de nombreux superviseurs, instructeurs et électeurs au référendum ; et qui comprennent l’intention arbitraire d’invalider des bulletins, des signes de tentatives d’achat de voix, et la contestation du référendum lui-même, sous prétexte d’inconstitutionnalité.

Nous nous opposons fortement aux « leyes de implementación » (lois d’application) qui, à cause de l’insistance du gouvernement, n’ont pas été incluses dans le référendum. Nous considérons qu’avant d’entamer des discussions sur ces lois ou sur d’autres, il nous tout d’abord donner notre accord sur le modèle social que nous souhaitons pour le Costa Rica. En tant que féministes, nous nous battrons pour que ce modèle ne soit pas basé sur le travail non reconnu ou mal payé des femmes pauvres, sans oublier que cette forme d’exploitation est à voir dans le cadre plus large de la discrimination et de la subordination de toutes les femmes.

Nous sommes encore préoccupées par l’attitude victorieuse du gouvernement qui, n’ayant été élu que parune petite marge il y a 2 ans et n’ayant remporté le référendum que d’environ 3%, croit avoir toute légitimité pour continuer sur la voie du CAFTA, alors que celui est rejeté par la moitié, au moins, des personnes ayant voté. Une moitié qui n’a pas été effrayée par les menaces bien documentées de l’administration Bush et la politique du Mémorandum du vice-président Casas et du sénateur Sanchez. Une moitié qui, avec conviction, passion et créativité s’est opposée au CAFTA parce que les conséquences qu’il comporte pour les domaines des services de santé, de l’éducation, des télécommunications, de l’électricité, de l’eau, etc. ont été étudiées et analysées conjointement à ses conséquences sur l’exploitation des ressources humaines, marines et agraires du pays.

Parce que les femmes ont représenté plus de la moitié des électeurs qui ont voté NON, et parce que, en tant que féministes, nous avons toujours été opposées à l’extension de l’exploitation et de la discrimination contre les femmes aux hommes qui sont moins puissants ou à nos ressources naturelles, nous continuerons d’insister pour les lois requises pour l’application de le CAFTA ne soient pas uniquement discutées au sénat. Il faut qu’elles soient négociées par tous ceux qui ont travaillé dur pour faire du Costa Rica une démocratie.

Nous refusons un référendum faussé par des actions partisanes, illégales et abusives bien documentées. Tout comme nous avons résisté au droit usurpé par les hommes de contrôler nos corps et notre volonté par des relations inégales de pouvoir entre les sexes tout au cours de l’histoire, aujourd’hui nous résisterons et refuserons que ceux qui détiennent le pouvoir économique et politique aient, pour la même raison, le droit de violer la volonté de la majorité qui refuse de signer cet accord.

En outre, parce qu’en tant que femmes, nous savons ce qu’est l’inégalité et parce que nous nous sommes battues contre elle depuis des millénaires, nous n’acceptons pas un référendum entaché de décisions partiales et même illégales prises par le TSE [2] par un abus de pouvoir arrogant du président et autres hauts fonctionnaires, tous bien documentés. Depuis des millénaires, nous avons résisté au pouvoir exercé par les hommes sur nos corps et notre libre-arbitre basé sur des relations de pouvoir inégales entre les femmes et les hommes, ainsi aujourd’hui non plus nous n’accepterons pas que ceux qui détiennent le pouvoir économique et politique dans ce pays, aient pour cette unique raison, le pouvoir de violer la volonté de la majorité des Costaricains qui ne veulent pas dudit accord.

Il y existe de nombreuses preuves que les règles émises par le TSE n’ont garanti ni l’égalité, ni la liberté de choix au cours du processus qui a mené au référendum. Les transmissions radiophoniques et télévisuelles n’ont pas eu l’obligation de donner un temps équitable aux les deux parties et l’accès à des informations impartiales au sujet de l’accord n’a pas été garanti aux citoyens. La liberté de choix n’a pas été respectée lorsque le président lui-même a eu le droit de faire librement campagne pour le OUI. Comment pouvons-nous croire que les personnes aient librement choisi de ratifier l’accord lorsque leur choix était entaché par les menaces faites par les plus grandes multinationales du pays de licencier toute personne qui voterait NON, ou par des menaces de suicide collectif si le NON l’emportait, menaces prononcées par le président lui-même, sans même parler des menaces par l’ambassadeur américain et même la Maison Blanche ?

En tant que féministes, nous avons toujours dit NON au viol et par conséquent, nous ne pouvons que dire NON à ce viol collectif de notre liberté collective à choisir les traités auxquels nous donnons notre aval.

En tant que femmes, nous connaissons la frustration que laisse le crime impuni du viol de nos corps, ou pire encore, lorsque le crime n’est pas même reconnu et que nous sommes accusées d’avoir voulu dire OUI lorsque nous disions NON. C’est la raison pour laquelle nous ne resterons pas muettes sur le fait qu’il n’y a pas eu de vraies sanctions prononcées par le TSE lorsque la campagne du OUI a violé l’interdiction de faire campagne au cours des deux jours précédant le référendum, après que les sondages aient donné le NON gagnant de 12 points. Nous continuerons à insister sur le fait que la procédure elle-même était viciée, tout comme la décision de voter oui par de nombreux Costaricains. En tant que féministes, nous avons toujours dit NON au viol et par conséquent, nous ne pouvons que dire NON à ce viol collectif de notre liberté collective à choisir les traités auxquels nous donnons notre aval.

Dorénavant Mujeres contra el TLC sera Mujeres del NO (Femmes du NON).

  • Un NON qui ne s’adresse pas uniquement aux lois d’application, mais un NON qui s’adresse également à l’abus de pouvoir, que ce soit dans nos foyers ou dans notre pays.
  • NON à la violence publique et privée, qu’elle soit exercée par le président de la république ou par le chef de famille.
  • NON à tout ce qui est aveuglément appelé « développement » ;
  • NON à la survalorisation de la production par rapport à la reproduction ;
  • NON à l’avidité capitaliste, comme si elle allait de soi ;
  • NON à la discrimination envers les femmes ;
  • NON à la disparition de notre résistance millénaire.

La Bannière de nos rêves continuera à voyager dans tout le Costa Rica et dans le monde entier et ce, afin que toutes puissent exprimer ce que l’on ne leur a pas donné la chance d’exprimer dans les médias. Elle continuera à garantir un espace pour rêver un monde dans lequel chacune des couleurs de l’arc-en-ciel humain pourra revendiquer sa dignité, sans l’esclavage d’une production sans trêve et d’une consommation de marchandises inutiles et inertes, une planète pleine de poésie, de beauté et de bonheur.

— San José, 18 octobre 2007


Source : Radio Internationale Feministe

Footnotes:

[1N.d.T. : Combo-ICE, loi adoptée en première lecture et ayant trait aux services publics de l’électricité et des télécommunications.

[2N.d.T. : Tribunal Supremo de Elecciones (tribunal suprême des élections).


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