Samir entre espoirs et doutes : le Maroc face à l’arbitrage de CIRDI
Hespress | 11 mai 2024
Samir entre espoirs et doutes : le Maroc face à l’Arbitrage de CIRDI
par Mohamed Jaouad EL KANABI
Dans un tourbillon dramatique digne des meilleures séries télévisées, le toupet de Mohammed Hussein Ali-Al-Amoudi, ou Sheikh Al-Amoudi pour les intimes, magnat à la tête de Corral Morocco Holding, réapparaît sur la scène marocaine avec des prétentions financières qui feraient pâlir les scénaristes de Hollywood.
Cinq ans après avoir engagé un bras de fer juridique avec l’Etat marocain, voilà que notre homme d’affaires saoudien d’origine éthiopienne hausse le ton et le tarif, réclamant rien de moins que 27,4 milliards de dirhams (environ 2,762 milliards de dollars), soit le double de sa demande initiale auprès du Centre international de règlement des différends relatifs à l’investissement (CIRDI).
Le scénario ? Un tribunal international, des avocats affairés et au centre, un conflit entre un entrepreneur milliardaire et un État souverain. Al-Amoudi n’est pas un novice en matière de controverse, ayant précédemment attribué la fermeture de la raffinerie “Samir“ (Société anonyme marocaine de l’industrie du raffinage ayant pour nom originaire Société anonyme marocaine italienne de raffinage), en août 2015 aux obstacles imposés par le gouvernement marocain, qu’il accuse de traitement injuste et d’entraves à son investissement. Des accusations que l’on imagine sorties tout droit d’un film d’espionnage, avec saisies de comptes bancaires et interdictions de déchargement pour les navires, ajoutant une touche de suspense à l’affaire.
Ce qui ajoute à l’intrigue, c’est la liquidation judiciaire de la Samir, orchestrée sous la surveillance d’un syndic et l’extension de cette liquidation aux biens personnels d’Al-Amoudi par un tribunal de commerce de Casablanca. L’homme, qui aurait déjà fait sortir des dividendes colossaux vers des cieux plus cléments, semble jouer une partie d’échecs à très hauts enjeux.
Pendant ce temps, le peuple marocain, figurant involontaire dans ce drame financier, pourrait bien se demander si ce feuilleton judiciaire se terminera par un nouvel épisode coûteux pour le contribuable, ou si les autorités trouveront le moyen de tourner la page de cette saga coûteuse. Reste à voir, en fouinant, si Al-Amoudi détient en sa possession des révélations explosives sur d’éventuelles complicités. Ce qui pourrait transformer ce scénario déjà captivant en un véritable blockbuster judiciaire.
Cela dit, dans le tumulte financier qui secoue le Maroc, initiée un 14 mars 2018, la procédure d’arbitrage interpelle par sa complexité et sa durée. Au cœur du litige : la question de savoir si le Maroc devra indemniser le groupe Corral pour les préjudices subis à la suite de la faillite de la Samir. D’aucuns suggèrent que le Maroc pourrait avoir l’avantage dans ce bras de fer juridique. En effet, les manquements de l’actionnaire principal dans la gestion de la Samir et son incapacité à prévenir la liquidation jouent en faveur du gouvernement.
Défense de l’État Marocain
Le principal actionnaire, n’ayant pas respecté ses engagements pour sauver la société, écarte effectivement la responsabilité de l’Etat dans cette faillite. Face aux accusations portées par le plaignant, qui reproche à l’État marocain de ne pas avoir protégé ses investissements, les spécialistes sont catégoriques, pour eux, il n’existe aucune mesure prise par le Maroc qui aurait pu léser les actionnaires. Au contraire, ils soulignent que la faillite est le résultat d’une « gestion désastreuse » ayant conduit à des dettes colossales, rendant inévitable la liquidation prononcée par le Tribunal de Commerce de Casablanca.
Perspectives de la liquidation judiciaire
Aussi, nombreuses sont les réserves sur la possibilité de redresser la situation de la liquidation judiciaire par des investissements privés, en raison de la gestion antérieure qui a sérieusement compromis la réputation de l’entreprise. Face aux difficultés de mobiliser de nouveaux investisseurs, il est suggéré que si une nouvelle raffinerie est nécessaire au Maroc, une intervention publique serait préférable. Cela minimiserait les risques associés à la privatisation de secteurs essentiels.
Enjeu national et réflexions sur la privatisation
Cette affaire dépasse largement les frontières d’un simple litige commercial. Elle pose des questions sur le rôle de l’État dans la régulation économique et la protection des investissements stratégiques. Les conclusions du CIRDI, attendues avec impatience, pourraient avoir des répercussions sur la perception du climat des affaires au Maroc et la confiance des investisseurs internationaux dans la stabilité juridique et économique du pays.
La saga de la Samir est loin d’être un simple épisode juridique ; elle est révélatrice des défis que rencontre le Maroc dans son équilibre entre attractivité économique et souveraineté nationale. La morale de cette histoire ? Dans le théâtre de l’économie mondialisée, les rebondissements sont fréquents, les héros pas toujours vertueux et les trames parfois si embrouillées que même les plus fins stratèges peinent à démêler le vrai du faux.