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Suisse : La Seco étudie la création d’une ZLE avec les Etats-Unis

Le Temps | 24 août 2004

François Mutter

COMMERCE. Le Secrétariat d’Etat à l’économie réfléchit aux différentes possibilités d’intensifier les échanges américano-suisses, dont un accord commercial global. Franz von Däniken, le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, plaide dans la presse pour un scénario de ce type. Une solution qui permettrait notamment de répondre aux lenteurs de l’OMC

« L’idée d’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis est pour moi à nouveau pertinente. » La proposition faite dans le Mittelland Zeitung serait passée inaperçue, si son auteur n’était autre que Franz von Däniken, le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères démissionnaire. Elle coïncidence avec la résurgence d’un projet de zone économique entre les Etats-Unis et l’Union européenne (UE).

En Suisse, l’idée d’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis rappelle une proposition lancée en 1996 par les députés de l’UDC, dont Christoph Blocher. « Il s’agissait à l’époque de saboter le rapprochement de la Suisse à l’UE », se remémore René Schwok, enseignant à l’Institut européen de l’Université de Genève. Huit ans après, le contexte s’avère fort différent, la Suisse venant de boucler un second volet d’accords bilatéraux avec Bruxelles. D’autant qu’il ne s’agit pas d’une alternative à une adhésion à l’UE aux yeux du secrétaire d’Etat. Les progrès « trop modestes » réalisés sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) justifient le choix de cette voie, selon ce proeuropéen.

Si l’UE reste le principal partenaire économique de la Suisse, le poids des Etats-Unis est loin d’être négligeable. A la fin 2003, les Etats-Unis se positionnent, après l’Allemagne, comme le second client des entreprises helvétiques (13,848 milliards de francs exportés). Un poids dont le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) explique être conscient. Dans une intervention en juin lors de l’assemblée générale de la Chambre de commerce américano-suisse, Jean-Daniel Gerber notait l’augmentation de 2 à 15 milliards des exportations suisses à destination des Etats-Unis entre 1969 et 2003. Le nouveau patron du Seco soulignait l’intérêt du pays à renforcer ses liens avec les Etats-Unis.

La voie à suivre serait-elle celle d’un accord bilatéral, d’une négociation menée conjointement avec les états membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE) - Suisse, Norvège, Islande et Liechtenstein ? « Nous sommes entrain d’évaluer les différentes possibilités pour intensifier nos échanges, affirme Rita Baldegger, porte-parole du Seco. Il s’agit d’étudier le potentiel existant, mais aussi de déterminer les possibles conséquences sur notre économie et plus spécifiquement sur l’agriculture. » Un accord de libre-échange est une possibilité, note-t-elle. « Il faudra attendre l’issue des élections pour approfondir le sujet, estime Rita Baldegger. Quand l’administration américaine sera à nouveau opérationnelle. »

Dossier agricole délicat

« Ce serait un formidable pas en avant », s’emballe Walter Digglemann, le directeur de la Chambre de commerce américano-suisse. Menacé, le monde agricole ne partage pas son enthousiasme. « Nous privilégions le sentier officiel, celui des accords multilatéraux négociés au sein de l’OMC. Ils offrent un cadre général obligeant tous les membres », observe Roland Furrer, le porte-parole de l’Union suisse des paysans (USP). Il précise encore que l’USP ne souhaite pas réagir officiellement à une proposition considérée comme individuelle et personnelle.

Le dossier agricole se présente paradoxalement comme « le problème et la chance de la Suisse », selon René Schwok. « Certes la Suisse est plus protectionniste et distribue plus de subventions que la moyenne des pays de l’UE. Cependant les produits américains ne menacent pas l’agriculture helvétique. De plus, les paysans suisses ne concurrencent pas les Etats-Unis sur les marchés internationaux », observe l’enseignant. La Suisse chercherait-elle à doubler son principal partenaire commercial ? Nul n’arrive à donner une lecture claire des propos de Franz von Däniken.
René Schwok signale en parallèle le réveil d’un « serpent de mer » : le projet de zone de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis. « La nouvelle Commission européenne est plus atlantiste et plus libérale que la précédente. Par ailleurs, le cycle de Doha péclote. » Cela explique que cette idée soit à nouveau évoquée selon lui. « Est-ce que Franz von Däniken perçoit le rapprochement engagé entre les deux blocs économiques ? » questionne l’enseignant genevois.

Le contenu d’un éventuel accord de libre-échange reste de plus à déterminer. « L’abolition des tarifs douaniers ne suffirait pas, les taxes étant déjà très basses. Une reconnaissance mutuelle des diplômes pourrait être imaginée », propose Walter Digglemann. Une contenu très discuté sur le plan intérieur au vu de l’enjeu.


 source: Le Seco étudie la création d’une zone de libre-échange avec les Etats-Unis