En 2000, l’Union européenne (UE) et le groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, également connu sous le nom de groupe ACP, ont adopté l’accord de Cotonou, qui est un accord-cadre sur le commerce, l’aide et la coopération politique. Il a remplacé la convention de Lomé, qui prévoyait un ensemble général de relations privilégiées entre l’UE et les pays ACP, en matière d’accès au marché, d’assistance technique et d’autres questions. L’objectif était de faciliter l’intégration économique et politique des pays ACP dans un marché mondial libéralisé au cours des vingt prochaines années. De nombreux pays ACP sont des PMA (pays les moins avancés).
Dans le cadre de l’accord de Cotonou, les parties ont convenu de négocier un ensemble distinct d’accords de libre-échange entre l’UE et les pays ACP participants, adaptés à sept groupes de pays (Afrique de l’Ouest, Afrique de l’Est, Afrique orientale et australe, Afrique centrale, Afrique australe, Caraïbes, et Pacifique). Pour l’UE, les APE sont censés être des accords de libre-échange globaux, entrecoupés de discours sur le "développement" et "l’intégration régionale". Pour l’UE, "global" signifie non seulement la libéralisation du commerce des biens, mais aussi la libéralisation des services, des investissements et des marchés publics, ainsi que le renforcement des droits de propriété intellectuelle, des règles de concurrence, etc.
Les négociations sur ces APE ont commencé en septembre 2002 et devaient s’achever le 31 décembre 2007. Par conséquent, une dérogation de l’OMC visant à maintenir les relations commerciales préférentielles unilatérales de l’UE avec les pays ACP, jusqu’à cette date, a été demandée et accordée. (L’UE a fait valoir la "compatibilité avec l’OMC" des APE comme cadre des négociations et les pays ACP l’ont acceptée). Au fur et à mesure que les négociations avançaient, les gouvernements des pays ACP se sont retrouvés pris entre le marteau et l’enclume. Ils voulaient bénéficier de l’accès au marché offert par les APE, mais ils devaient payer un prix extrêmement élevé en termes de perte de recettes douanières, de déstabilisation de leurs économies par le flot attendu d’importations de l’UE, d’engagements d’aide financière peu clairs de la part de Bruxelles, d’autonomie politique réduite, etc. Des organisations de la société civile, des syndicats et des groupes d’entreprises des pays ACP ont étudié les implications et ont mené de vigoureuses campagnes pour empêcher la signature des APE.
La date butoir du 31 décembre 2007 pour la signature des APE a eu des allures de mélodrame. Seule la région des Caraïbes a conclu les négociations sur un APE complet avant la date limite. Un certain nombre d’autres États, dont la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Fidji, le Ghana et la Côte d’Ivoire, ont paraphé des APE intérimaires bilatéraux portant uniquement sur les marchandises, afin de garantir la poursuite de leurs exportations. D’autres, comme le Sénégal, ont juré qu’ils ne signeraient pas tant que les "préoccupations de développement" ne seraient pas sérieusement prises en compte. Les négociations se sont ensuite poursuivies pour réviser les APE intérimaires qui semblaient contenir de nombreuses dispositions qui posaient problème, et pour arriver à des accords régionaux. Afin de faire pression sur les négociations, l’UE a imposé un nouveau délai : les pays ACP (qui ne font pas partie des pays les moins avancés) qui ont paraphé ou signé des APE (intérimaires) mais n’ont pas ratifié ou commencé à mettre en œuvre ces accords avant le 1er janvier 2014 perdraient leur accès préférentiel au marché de l’UE. En raison de cette menace, des APE régionaux ont été paraphés au cours de l’été 2014 en Afrique de l’Ouest, de l’Est et du Sud. Toutefois, la Commission européenne a averti les trois régions qu’elle retirerait son accès préférentiel au marché si ces APE régionaux n’étaient pas ratifiés dans les deux ans. Au cours de l’été 2016, la Commission européenne a présenté les instruments juridiques permettant de donner effet à cette menace le 1er octobre 2016. Tous les pays visés (non PMA) (Ghana, Côte d’Ivoire, Botswana, Namibie, Swaziland et Kenya) se sont rendus et ont "ratifié".
Les pays d’Afrique de l’Ouest ont approuvé un APE régional le 10 juillet 2014, mais l’accord doit encore être signé par le Nigeria (où il fait face à une opposition soutenue). Sous la pression de l’ultimatum de la Commission européenne pour 2016, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont donc décidé en août 2016 de ratifier leur ancien accord de 2007, devenu obsolète. L’APE intérimaire de la Côte d’Ivoire est appliqué depuis le 8 septembre 2016, l’APE intérimaire du Ghana depuis le 15 décembre 2016.
L’APE de la Communauté d’Afrique de l’Est (ou CAE) devait être signé en juillet 2016, mais la Tanzanie a annoncé qu’elle n’était pas prête à le signer, car elle souhaitait examiner plus avant les effets de l’APE, notamment à la lumière d’un éventuel Brexit. Sous la pression de l’UE, le Kenya, le seul pays non PMA de la région, a décidé de signer et de ratifier l’APE de son propre chef. En échange, ses exportations vers l’UE ont continué à bénéficier d’un traitement préférentiel. Le Rwanda a également signé.
En Afrique australe, six pays membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), à savoir le Botswana, le Lesotho, le Mozambique, la Namibie, l’Afrique du Sud et le Swaziland, ont signé l’APE régional qu’ils avaient paraphé en 2014. Le Parlement européen l’a approuvé le 14 septembre 2016. La mise en œuvre provisoire a débuté le 10 octobre 2016.
Dans toutes les autres régions ACP (sauf les Caraïbes), les négociations des APE régionaux ont complètement échoué : en conséquence, un certain nombre de pays ont ratifié ou commencé à appliquer provisoirement les APE intérimaires distincts de 2007 (la plupart sous la pression de l’ultimatum de l’UE pour 2016) : Cameroun, Zimbabwe, Seychelles, Madagascar, Maurice, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Fidji.
Depuis lors, un certain nombre de pays ACP ont décidé de rejoindre les APE existants, comme Samoa, Tonga et les îles Salomon dans le Pacifique, et les Comores en Afrique orientale et australe. L’Angola envisage de rejoindre l’APE avec l’Afrique australe. Ces initiatives ont beaucoup à voir avec la sortie de ces pays de leur statut de PMA, et donc aussi du régime d’accès au marché en franchise de droits et de quotas de l’UE (appelé "Tout sauf les armes"). Ces pays adhèrent aux APE afin de maintenir leur accès préférentiel à l’UE.
Néanmoins, seuls treize pays africains mettent en œuvre un APE, et douze n’en ont pas du tout. Dans le Pacifique, seuls trois des quatorze pays ont conclu un APE.
Vous trouverez ci-dessous un aperçu de l’état d’avancement des APE en janvier 2020 (avec l’aimable contribution de Marc Maes) :
Sous-groupe UE-ACP | État de l’accord |
Caraïbes |
• APE complet paraphé en déc. 2007, signé en octobre 2008 (et en décembre 2009 par Haïti) et approuvé par le Parlement européen (mars 2009). La ratification se fait attendre dans la plupart des pays des Caraïbes et de l’UE. Les pays des Caraïbes ont de grandes difficultés à mettre l’APE en oeuvre. Haïti n’a pas mis en œuvre l’APE. |
Afrique centrale |
• APE intérimaire paraphé (déc. 2007) et signé seulement par le Cameroun (janvier 2009), approuvé par le Parlement Européen (juin 2013), ratifié par le Cameroun (août 2016) |
Afrique de l’Ouest |
• APE intérimaire paraphé par la Cote d’Ivoire et le Ghana seulement (décembre 2007) |
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• cet APE interimaire a été signé par la Cote d’Ivoire (novembre 2008) et ratifié par le Parlement européen (mars 2009) |
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• L’APE régional (qui remplacerait deux APE intérimaires) a été paraphé en juillet 2016. Quinze pays ont signé cet APE ; le Nigeria a refusé de signer. |
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• APE intérimaire ratifié par la Cote d’Ivoire en août 2016 et mis en œuvre depuis le 8 septembre 2016 |
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• APE intérimaire signé et ratifié par le Ghana (août 2016), et mis en œuvre depuis l 15 décembre 2016 |
Afrique orientale et australe (AOA) |
• Cette région comprenait originellement seize pays, mais a avorté fin 2007. L’Ethiopie, l’Érythrée, Djibouti et le Soudan ont abandonné le processus et la Communauté d’Afrique de l’Est a paraphé un APE intérimaire de son coté. Par conséquent, seuls les pays suivant ont demeuré : le Zimbabwe, les Seychelles, les Iles Maurice, les Comores, Madagascar et la Zambie. Ceux-ci ont paraphé le même texte d’APE (novembre-décembre 2007) et seuls le Zimbabwe, les Seychelles, les Iles Maurice et Madagascar l’ont ratifié. Le Parlement européen a approuvé cet APE intérimaire en janvier 2013. Les Comores ont signé en juillet 2017. Les cinq pays appliquent l’accord. En octobre 2017, ils ont lancé des négociations avec l’UE pour étendre et approfondir l’APE. Les premières négociations ont eu lieu les 14 et 15 janvier 2020 |
Afrique de l’Est |
• APE intérimaire paraphé par les membres de Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) : Burundi, Kenya, Rwanda, Tanzanie, Ouganda (novembre 2007) |
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• APE régional révisé et plus complet paraphé en octobre 2014 |
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• Le Kenya et le Rwanda ont signé cet APE en septembre 2016 ; le Kenya l’a aussi ratifié |
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• Aucun pays ne l’a mis en œuvre |
Afrique australe |
• APE intérimaire régional paraphé par Botswana, Lesotho, Namibie, Swaziland et Mozambique (novembre-décembre 2007) et signé par tous sauf la Namibie (juin 2009) |
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• APE régional révisé et plus complet paraphé le 15 juillet 2014 et signé par le Botswana, le Lesotho, la Namibie, le Swaziland, le Mozambique et l’Afrique du Sud le 10 juin 2016 puis ratifié par tous sauf le Mozambique. Ratifié par le Parlement européen le 14 septembre 2016. Appliqué provisoirement depuis le 10 octobre 2016 |
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• Le Mozambique a ratifié l’APE le 28 avril 2018 |
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• L’Angola s’est retiré du processus mais a l’option de se joindre à l’accord dans le futur |
Pacifique |
• APE intérimaire seulement paraphé par la Papouasie-Nouvelle Guinée et Fiji (novembre 2007). Signé (juillet 2009) et ratifié (février 2011) par la Papouasie-Nouvelle Guinée ; signé par Fiji en décembre 2009 et mis en application provisoire depuis juillet 2014. |
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• Samoa a adhéré à cet APE intérimaire en décembre 2018. Les îles Salomon et Tonga sont en voie d’adhésion en 2020 |
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• 10 pays n’ont encore rien paraphé |
dernière mise à jour : juillet 2020
photo : Coalition nationale Non aux APE/Facebook