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Burundi: Des accords source de désaccords

22 novembre 2007

Burundi: Des Accords source de désaccords

par Jean Bosco Nzosaba

(Syfia Grands Lacs/Burundi) Des organisations de la société civile burundaise demandent à leur gouvernement de ne pas signer, à la fin de l’année, les Accords de partenariat économique avec l’Union européenne. Soupçonnés de favoriser l’entrée des produits européens sur leur marché et de priver le pays de ses rentrées fiscales, les APE font peur. Au Burundi et dans la plupart des pays africains.

"Ne vendez pas notre avenir". Fin octobre, le Forum pour le renforcement de la société civile (Forsc) au Burundi qui regroupe des dizaines d’organisations, a adressé un mémorandum au président de la République, pour lui demander de ne pas signer à la date prévue, le 31 décembre prochain, les Accords de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne (UE).

"Nous avons suivi "un meilleur traitement" de libération économique à travers le Programme d’ajustement structurel, nous ne voulons plus supporter ce lourd fardeau (...) Oui, nous voulons du commerce, mais pas un accord qui permet à la production européenne d’inonder nos marchés et qui nous met dans l’incapacité de vendre nos produits", ont écrit au chef de l’État différents leaders d’associations. "Les APE impliquent la levée de toutes les préférences commerciales existant entre l’UE et le groupe des ACP depuis 1975, et, pour se conformer au critère de non-discrimination en matière commerciale comme le recommande l’OMC, ils sont ouverts à tous les pays en voie de développement, enlevant ainsi au groupe des ACP son statut de partenaire privilégié de l’Union européenne", précise un responsable d’une association de développement.

Depuis plus de deux mois, plusieurs organisations de la société civile, déterminées à retarder l’application des APE entre l’UE et les pays ACP (Afrique Caraïbes Pacifique), multiplient séminaires et ateliers pour analyser les enjeux et insister sur les pertes économiques et les risques encourus par les pays du Sud.

Déséquilibre et pertes économiques

Le temps presse. Signé en 2000, l’Accord de Cotonou prévoit en effet que les pays ACP, regroupés en six blocs régionaux, et l’UE signent d’ici la fin de l’année ces fameux APE. Le chapitre commercial de ces derniers envisage la mise en place d’une zone de libre-échange dès 2008. Les négociations sont en cours depuis 2002, mais le débat est resté, jusque-là, confiné aux experts et, dans bien des pays africains, le citoyen moyen ignore tout du sujet. C’est le cas au Burundi, où seules les organisations de la société civile mènent campagne contre la signature des APE.

Des associations qui insistent sur le déséquilibre et les pertes économiques qu’occasionnerait une ouverture totale des échanges commerciaux entre le Burundi et l’Union européenne. Mis à part quelques cultures de rente (café, thé, coton) et, dans une moindre mesure, ses fleurs, ses fruits et ses légumes, le pays n’a en effet quasiment rien à vendre à l’UE. Dans l’autre sens, par contre, cette libéralisation risque de priver le pays de près de 40 % de ses recettes douanières jusqu’ici prélevées sur les produits de l’UE qui entrent chaque année sur le marché burundais. "Le point d’ancrage de la Commission européenne est la libéralisation totale, alors que celui des pays ACP est le développement. Les deux volets restent les grandes articulations des APE", résume Pie Niyongere, cadre au ministère burundais du Commerce.

Le gouvernement indécis

Entre l’Union européenne et les ACP, les négociations sont rudes, en particulier, sur des exceptions provisoires pour certains produits jugés "sensibles", et sur l’ampleur des compensations financières à verser par l’UE.

Pour le moment, le gouvernement burundais évite de prendre publiquement position sur ces questions. "Nous avons pris bonne note de l’alerte des associations, qui est par ailleurs bien fondée, mais nous ne sommes pas en mesure de vous dire si le Burundi va signer ou pas ces APE", déclarait dernièrement Gabriel Ntisezerana, 2e vice-président du Burundi. "La position de notre pays, précise Estella Nicayenzi, ex ministre du Commerce, par rapport à ces Accords sera celle de son groupe à savoir la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) et rien n’a encore été décidé. "

De son côté, l’Union européenne, convaincue que ces Accords représentent la seule solution pour assurer la croissance économique des pays ACP et soucieuse de respecter les recommandations et les échéances de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tient mordicus à la date butoir du 31 décembre prochain pour la signature des Accords. "Notre jeune industrie a encore besoin de protection. Tous les pays qui se sont développés ont bénéficié d’une protection de leurs économies", lance un député burundais, convaincu des risques de signer à la date et dans les conditions initialement prévues les APE. D’autres États ACP, d’Afrique de l’Ouest en particulier, mettent aussi en avant le refus des pays du Nord de supprimer les subventions à leurs producteurs qui leur permettent de vendre moins cher leurs produits sur le marché international. Les voix des contestataires seront-elles entendues ?


 source: Syfia