Charest en croisade pour sauver l’ALENA
Cyberpresse | 5 juin 2008
Charest en croisade pour sauver l’ALENA
Malorie Beauchemin
La Presse
Guanajuato, Mexique
Inquiet de constater un changement de discours chez plusieurs politiciens américains, Jean Charest part en croisade pour sauver l’ALENA. De passage au Mexique pour assister au Sommet des leaders et à la conférence NASCO, le premier ministre du Québec a souligné qu’il se battrait bec et ongles pour éviter la réouverture de l’Accord de libre-échange nord-américain.
« Il n’y a personne qui pense qu’en rouvrant l’ALENA, on peut vraiment l’améliorer par rapport à ce qui existe déjà », a-t-il indiqué, hier, en marge de l’ouverture de la Conférence NASCO 2008, qui réunit des leaders politiques et économiques canadiens, américains et mexicains, pendant trois jours, à Guanajuato, en plein coeur du Mexique.
M. Charest craint que le prochain président américain, qui sera élu en novembre 2008, ne mette en pratique un discours réfractaire à l’ALENA qui est, selon lui, de plus en plus présent aux États-Unis.
Le candidat démocrate, Barack Obama, a déjà largement signifié son intention de renégocier l’ALENA, une entente qu’il qualifie d’« injuste » et qu’il voudrait voir plus contraignante.
« On sent une progression dans le discours américain, qui n’est pas uniquement un discours de campagne électorale », s’est inquiété M. Charest. Les gouverneurs de la Pennsylvanie et de l’Ohio, notamment, ont critiqué l’accord entre les trois pays d’Amérique du Nord, en vigueur depuis 1994.
« Il faut, après l’élection du prochain président, rapidement prendre le ballon au vol pour défendre l’ALENA et s’assurer qu’on puisse la renforcer et non pas la diminuer, a-t-il souligné. Il faut donner la réplique aux Américains. N’oublions pas que l’ALENA donne un accès garanti aux ressources énergétiques du Canada ; du pétrole et du gaz pour les Américains. Ça c’est un enjeu qu’ils ont tendance à ignorer. »
L’ALENA représente 25% de l’économie mondiale et un marché de 450 millions d’habitants, a ajouté le premier ministre, pour qui c’est avant tout un fort vent de protectionnisme, aux États-Unis, qui menace l’ALENA.
Le gouverneur de l’État de Nuevo León, dans le nord du Mexique, José Natividad González Parás, lui aussi présent à la conférence NASCO, abonde dans son sens, mais espère qu’il s’agit davantage d’un « discours de campagne » des candidats démocrates.
« L’ALENA a bénéficié aux trois pays et nous allons travailler à fortifier cet accord », a confié, dans un français impeccable, M. Parás aux journalistes québécois.
L’enjeu est d’autant plus important que c’est le Québec qui accueillera le sommet des leaders et la conférence NASCO, en 2009, quelques mois à peine après l’élection présidentielle américaine.
« Le forum actuel est un des seuls forums dans l’ALENA qui rassemblent des élus au niveau local, national et des États, a estimé M. Charest, qui profite de son séjour au Mexique pour préparer la Conférence de Québec. Politiquement, ce sera surtout l’occasion de prendre la température sur la question de l’ALENA, après une élection (américaine) où on verra si l’ALENA va être beaucoup remis en question. »
Construit autour du thème du transport, NASCO (pour North America’s SuperCorridor Coalition) est un organisme à but non lucratif qui vise à développer les infrastructures intermodales, dans le but de faciliter le transport de marchandises entre les trois pays, le long d’un couloir de commerce qui traverse le continent du nord au sud. Les questions de sécurité à la frontière, d’environnement et bien sûr de compétitivité seront aussi discutées jusqu’à demain soir.
ALENA et Europe
Fier promoteur d’un éventuel traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, M. Charest a estimé que le renforcement, ou du moins le maintien de l’ALENA, constitue un argument supplémentaire pour convaincre les Européens, vu l’ampleur du marché offert.
« Peu importe ce qui arrivera, il faut à la fois défendre l’ALENA et diversifier nos marchés, a dit le premier ministre. Parce qu’au Québec, comme au Canada, on est beaucoup concentrés sur le marché américain. Quand il y a un ralentissement économique, ça nous rappelle à quel point nous sommes très dépendants du marché américain. »
Les deux partenariats ne sont pas incompatibles, au contraire, estime-t-il.
« Je pense que l’ALENA va fortifier les rapports avec l’Europe étant donné qu’en Asie, il y a une économie qui émerge et c’est l’adversaire le plus important de l’Amérique du Nord », a pour sa part conclu le gouverneur de Nuevo León, M. Parás.
Du Canada, seuls le Québec et le Manitoba participent au sommet des leaders et à la conférence NASCO, où le premier ministre Charest prononcera le discours de clôture, demain. Il est accompagné, pour l’occasion, d’une délégation de gens d’affaires québécois.