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Dernière ligne droite pour les négociations sur un accord entre le Mercosur et l’Union européenne

Le Figaro | 28 novembre 2023

Dernière ligne droite pour les négociations sur un accord entre le Mercosur et l’Union européenne

par Collomp, Florentin

COMMERCE Après plus de vingt ans de tractations, l’aboutissement d’un accord de libre-échange entre l’Europe et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay) est « plus près que jamais »et pourrait survenir « dans les deux semaines » , selon la présidence espagnole de l’Union européenne.

Le sujet controversé a fait l’objet de discussions entre les Vingt-Sept, lundi, à Bruxelles. « Les discussions techniques sont mûres pour un soutien politique » , a estimé Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission, en charge du commerce. Pourtant, un consensus semble encore très incertain à ce stade.

Dans le camp des réfractaires, la France traîne toujours les pieds et cherche à gagner du temps en réclamant des garanties sur les mesures accompagnant la mise en oeuvre d’un tel accord, en particulier sur le respect de l’environnement. « D’après les informations que nous avons, nous en sommes loin » , confiait au Figarole ministre délégué au Commerce extérieur Olivier Becht, à l’issue de la réunion. « Pour la France, il n’est pas question de conclure à n’importe quel prix avant la fin de l’année , poursuivait-il. Ça semble difficile. Je ne veux pas insulter l’avenir, mais la France ne soutiendra une conclusion que si nous avons un bon accord. »

Les Européens sont divisés. Certains, comme l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie ou les Scandinaves, sont pressés de conclure. C’est le cas aussi de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui en a fait l’une de ses priorités. D’autres se rangent derrière la France, dont la Belgique, l’Autriche, ou l’Irlande, inquiètes notamment pour leur secteur agricole.

En réalité, un accord avait été conclu en 2019 au bout de laborieuses négociations, mais gelé en raison des incendies géants en Amazonie sous la présidence de Jair Bolsonaro au Brésil. Depuis le retour de Luiz Inacio Lula da Silva, il y a un an, le dialogue a repris sur de nouvelles bases. Non sans nouvelles frictions, toutefois, tant il semble « difficile de réchauffer un texte congelé » , selon Elvire Fabry, spécialiste du commerce à l’Institut Jacques Delors.

Le facteur argentin Milei

Il s’agit désormais d’y intégrer des garde-fous sur le respect des accords de Paris sur le climat ou des mesures « miroirs » pour garantir des normes de production similaires à celles en vigueur en Europe - avec sanctions à la clé. Les services de la Commission négocient de façon intensive depuis des semaines ces textes additionnels.

Ce n’est pas forcément du goût des pays du Mercosur, également divisés sur le sujet. Si Lula pousse lui aussi pour aboutir avant la fin de la présidence brésilienne du Mercosur, le 7 décembre, ce n’est pas le cas de tous ses partenaires. Certains dénoncent une approche impérialiste des Européens dans leurs exigences. Et l’élection de Javier Milei en Argentine, qui doit entrer en fonction le 10 décembre, pourrait rebattre les cartes. Le populiste d’extrême droite avait déclaré durant la campagne vouloir faire sortir son pays du Mercosur, même si sa future ministre des Affaires étrangères semble faire machine arrière. « Cela ne se présente pas bien, et c’est très triste » , commentait récemment le président paraguayen Santiago Pena, dans le Financial Times. À l’en croire, « plus le Mercosur pousse, moins il y a d’intérêt du côté de l’Union européenne » .

Les discussions vont entrer dans une phase politique. Lula doit rencontrer Ursula von der Leyen à la Cop 28 à Dubaï, et être reçu par Olaf Scholz à Berlin lundi prochain.

Pour l’Europe, pourtant, l’aboutissement ou non de cet accord revêt une dimension existentielle. L’absence de traité de libre-échange avec les États-Unis - avec qui on cherche à l’inverse à réduire les tensions commerciales notamment sur l’acier et l’aluminium -, et l’impossibilité de négocier avec la Chine à l’heure de la « réduction du risque » rendent des partenariats stratégiques plus nécessaires que jamais si l’Europe veut accomplir sa mission de s’imposer comme acteur géopolitique. Or la rupture à la dernière minute des pourparlers avec l’Australie, l’été dernier, a été un échec cinglant. « Notre porte reste ouverte » ,assurent les Européens.

« Le contexte géopolitique »

Ils peuvent néanmoins mettre en avant la ratification du texte signé avec la Nouvelle-Zélande, qui doit servir de modèle à ces traités de libre-échange de nouvelle génération, intégrant des engagements contraignants sur le climat. Autre consolation, les négociations avec le Chili devraient aboutir à une signature en décembre. Cela permettra notamment de sécuriser des approvisionnements cruciaux en lithium. Mais le Chili comme la Nouvelle-Zélande restent de petits partenaires.

« On ne peut pas débattre du Mercosur selon les mêmes termes qu’il y a quatre ans, sans intégrer le contexte géopolitique » , plaide Elvire Fabry. Un traité de libre-échange avec cette zone de 270 millions habitants qui pèse la moitié du produit intérieur brut de l’Amérique latine serait le plus ambitieux en termes de réduction des droits de douane pour l’UE. Il permettrait de sécuriser des approvisionnements de matières critiques, comme le cobalt, le lithium ou le graphite. Et surtout, si l’Europe n’est pas le partenaire que l’Amérique latine attend, la Chine, très offensive dans la région, ne se fera pas prier pour prendre la place.


 source: Le Figaro