« La Côte d’Ivoire et le Ghana n’ont pas signé »
SUD QUOTIDIEN (Dakar) | lundi 24 décembre 2007
« La Côte d’Ivoire et le Ghana n’ont pas signé »
Par SOMBEL FAYE
Les organisations de la société civile regroupées au sein de Enda/Africa Trade Network, se sont retrouvées dans les déclarations des leaders africains sur les Accords de partenariat (Ape). De retour du sommet Europe-Afrique qui vient de s’achever à Lisbonne, au Portugal, elles ont conforté leur position et précisé certaines choses.
Paraphé et non pas signé. La sémantique apparaît importante aux yeux de Babacar Ndao du Roppa qui, lors de la conférence de presse que Enda/Africa Trade Network a donnée le mercredi 19 décembre dernier à Dakar, a tenu à expliquer la position de la Côte d’ivoire par rapport à l’accord intérimaire que ce pays a obtenu avec l’Union européenne en vue d’un Ape (Accord de partenariat économique).
Pour M. Ndao, parapher un document « c’est accepter un principe tout en se réservant, dans un délai imparti, le droit d’en amender le contenu », argue-t-il. Le seul hic, selon lui, c’est que la Côte d’ivoire devait tout de même requérir auparavant et obtenir un avis de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Uemoa) selon les directives de l’Union. Néanmoins, dans la déclaration de Enda/Africa Trade Network, il apparaît nettement que cette « paraphe » « crée un précédent dangereux pour l’intégration régionale. »
Cependant, M. Ndao est d’avis qu’il n’y a pas péril en la demeure par rapport aux risques qui pèserait sur l’intégration régionale puisque, dit-il, la Côte d’Ivoire comme le Ghana ont accepté de reverser tous les textes paraphés au niveau de la Cedeao « pour qu’ensemble, nous puissions avoir un document commun. » Qu’à cela ne tienne, Taoufik Ben Abdallah, économiste-chercheur à l’ONG Enda-Tiers-Monde, s’est auparavant appesanti sur les Ape et les questions de développement laissées en rade, entre autres montants financiers des coûts d’ajustements, ainsi que sur les incohérences et autres tentatives d’instrumentalisation des tensions africaines, avec l’affaire Mugabé.
Aussi, dans leur déclaration commune, les organisations Enda/ Africa Trade Network, jugeant le sommet de Lisbonne qui, selon elles, était placé sous le sceau d’un nouveau partenariat gagnant-gagnant entre l’Europe et l’Afrique, estiment que « les leaders africains ne se sont nullement laissés berner par les intentions affichées par l’Europe, qui cachaient mal les desseins politiques, économiques et stratégiques de Bruxelles sur le continent africain ».
Sous ce rapport, les organisations de la société civile ayant pris part au sommet « se félicitent de ce nouvel état d’esprit et apportent leur soutien à tous les Etats africains qui, en dépit des pressions explicites ou diffuses exercées par l’UE, ont eu l’intelligence et le courage de remettre en question un partenariat qui n’a pour vocation que de consolider la mainmise européenne sur le continent ». Plus loin dans leur déclaration, Enda/Africa Trade Network fait remarquer que l’Omc ne constitue en rien une contrainte insurmontable dans la recherche d’une alternative à l’Ape, « l’Europe ne pouvant s’ériger en défenseur des « règles » de l’Omc relatives à l’organisation des Accords commerciaux régionaux, alors que dans d’autres domaines, ces mêmes règles sont allègrement violées, y compris par elle-même. »
Ne pas franchir le rubicond
Par ailleurs, comme le martèle Taoufik Ben Abdallah, l’UE n’a jamais admis la possibilité d’alternatives à l ‘Ape et dieu sait qu’il y en a. Surtout, rappelle-t-il, l’article 37.6 de l’Accord de Cotonou appelle l’Ue à étudier toutes les alternatives possibles pour les ACP non PMA non signataires d’Ape, « afin de les pourvoir d’un nouveau cadre commercial qui soit équivalent à leur situation existante et conforme aux règles de l’Omc. »
En définitive, Enda/Africa Trade Network pense que le véritable objectif qui doit justifier le refus de signer l’Ape que l’Europe propose aux africains, « c’est de reconquérir, sinon de rester maître des leviers et mécanismes de la décision sur les politiques commerciales, économiques et de développement. »
Aussi, pour la suite des négociations, les organisations de la société civile, conscientes qu’avant de s’ouvrir il faut se construire et se consolider à l’image de la Chine, « sinon on est construit conformément à la volonté des autres », réclament, entre autres, un rythme et des modalités qui respectent les principes démocratiques et que les questions de développement soient prioritaires. Des orientations qui serviront sans doute de viatique à Didier Awadi, le célèbre rappeur sénégalais engagé qui a pris part à la conférence de presse, pour sensibiliser à travers sa voix et son action, sur la question.