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Le Cameroun redoute déjà l’impact de l’APE sur ses recettes

Le Financier d’Afrique | 3 septembre 2020

Le Cameroun redoute déjà l’impact de l’APE sur ses recettes

by Boniface Tchuenkam

Le Cameroun a décidé de reporter la mise en oeuvre de la cinquième phase du démantèlement tarifaire qui devait débuter le 4 août 2020. « Cette décision est principalement motivée par l’impact de la pandémie de coronavirus sur les recettes publiques », explique-t-on au ministère de l’Économie, responsable de la mise en oeuvre et du suivi de l’Accord de partenariat économique (APE) entre le pays de Paul Biya et l’Union Européenne (UE). Cet accord consacre l’ouverture du marché camerounais aux importations de l’UE en trois étapes correspondant aux trois groupes de produits à libéraliser selon leur nature. En effet, la suppression des droits de douane sur les produits du troisième groupe devrait débuter le 4 août 2020 au rythme de 10% l’an jusqu’en 2029. Il s’agit notamment des carburants, ciments, véhicules de tourisme et de transport de personnes, motocycles etc. Pour reporter l’application du démantèlement tarifaire, le Cameroun se serait référé à l’article 31 de l’accord de partenariat qui prévoit des mesures de sauvegardes en cas de choc exogène. Cet article 31 de l’APE donne la possibilité au Cameroun « après avoir examiné les solutions alternatives », de faire une pause « d’une durée limitée » sur la suppression des droits de douane sur ses importations en provenance de l’UE. Mais ce pourvoir ne s’exerce que lorsqu’un produit est importé du marché européen « en quantités tellement accrues et à des conditions telles que ces importations causent ou menacent de causer » des problèmes précis. De manière pratique, il s’agit d’« un dommage grave à l’industrie domestique produisant des produits similaires ou directement concurrents sur le territoire de la partie importatrice » ; « des perturbations dans un secteur de l’économie, en particulier si ces perturbations engendrent des problèmes sociaux importants ou des difficultés qui pourraient provoquer une détérioration sérieuse de la situation économique de la partie importatrice » ou « des perturbations des marchés des produits agricoles similaires ou directement concurrents ou des mécanismes régulant ces marchés ». Est-ce le cas ? Une bataille juridico diplomatique entre le Cameroun et l’UE semble se dessiner à l’horizon.

En réalité, le Cameroun n’aurait jamais du signer cet APE parce que plusieurs études menées entre 2005 et 2013 tant par le ministère de l’Economie que celui des Finances, avaient indiqué que le pays allait perdant sur tous les plans dans ce partenariat. Nonobstant cela, et malgré les dispositions de la Cemac qui prévoyaient un accord intérimaire à l’échelle régionale, le président Paul Biya a pris sur lui de livrer l’économie du pays aux Européens en signant un accord intermédiaire de manière isolée le 28 juillet 2014. Le Gabon d’Ali Bongo Ondimba qui était aussi courtisé par les Occidentaux, avait rejeté cette option qui porte entorse à l’intégration de l’Afrique centrale.

L’étude du ministère camerounais des Finances menée en 2008 révélait que le manque à gagner sur les APE passerait de 4 milliards de Fcfa en 2010 à 129 milliards de Fcfa en 2023 soit un cumul de 895 milliards de Fcfa en 2023 et plus de 2156 milliards de Fcfa en 2030. Selon cette étude les pertes de recettes se situeraient à 168,2 milliards de Fcfa en 2023, pour un cumul de 1102 milliards de Fcfa sur l’ensemble de la période de démantèlement. Les gains de recettes à l’ouverture seront modestes et ne pourront pas compenser les pertes. Ils évaluent ces gains à 191,5 milliards de Fcfa de manière cumulative sur la période. La prise en compte de ces gains entrainera une perte nette cumulée estimée à 911,3 milliards de Fcfa. En l’absence de réformes notamment de fiscalité intérieure, de manière à atténuer ces pertes à la porte, la mise en oeuvre des différents programmes économiques sur financement public pourrait être affectée avec une incidence sur les performances macroéconomiques, conclut l’étude.


 source: Le Financier d’Afrique