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Lula gagne du temps sur l’accord UE-Mercosur avant de contrattaquer

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Euractiv | 30 juin 2023

Lula gagne du temps sur l’accord UE-Mercosur avant de contrattaquer

par Paul Messad

Des négociations devaient se tenir les jeudi et vendredi 29 et 30 juin à Buenos Aires entre l’UE et les pays du Mercosur concernant l’accord commercial entre les deux organisations. Le rendez-vous a finalement été annulé par les autorités sud-américaines.

Le sommet avait pour objectif de faire converger les positions de la Commission européenne et des pays du Mercosur, alors que les négociations s’enlisent depuis les années 1990.

En 2019, les pouvoirs publics brésiliens et européens avaient trouvé un terrain d’entente. Entre temps, les positions du président brésilien d’alors, Jaïr Bolsonaro, sur le respect de l’environnement et des peuples autochtones ont refroidit les ardeurs européennes.

Depuis, les positions se sont cristallisées. Pour répondre aux attentes environnementales et sociales des européens, la Commission a tenté de jeter des ponts en proposant d’accoler à l’accord trouvé en 2019 un acte additionnel (« side letter » en anglais) favorisant la prise de mesures en faveur de l’environnement et des droits de l’Homme.

Or, ce document joint n’est pas contraignant. Il ne remplit donc pas les nouveaux impératifs énumérés par les opposants au texte en l’état, comme l’introduction de clauses miroirs environnementales. Une position que le président de la République française, Emmanuel Macron, a dit défendre.

Pris au mot, les députés ont adopté le 13 juin dernier une résolution allant en ce sens. Aujourd’hui, les partisans d’un accord plus écologique et plus socialement juste attendent toujours des garanties que le gouvernement défendra la position des parlementaires auprès des institutions européennes.

En face, la Commission européenne a opposé à plusieurs reprises qu’il n’était pas envisageable de rouvrir l’accord.

De l’autre côté de l’Atlantique, les pays du Mercosur ne se satisfont pas non plus d’un acte additionnel. Selon le président brésilien, Luiz Inacio « Lula » da Silva, cette proposition représenterait plutôt une « menace » pour les bonnes relations entre les deux groupements d’États. Tant du point de vue de la confiance des pouvoirs publics européens sur sa capacité à arbitrer les problématiques sociales et environnementales de son pays, que sur la bonne entente commerciale.

Besoin de temps

En réponse à la proposition de la Commission européenne, les pays du Mercosur préparent depuis plusieurs semaines une contre-proposition. Selon la presse brésilienne, c’est parce qu’elle n’est pas encore prête que les négociations de jeudi et vendredi ont été annulées.

Pour le président brésilien, l’accord tel que concédé par son prédécesseur offre un accès des entreprises européennes à la commande publique brésilienne bien trop large.

Afin d’y remédier, Lula souhaite qu’un accès aux marchés publics brésiliens soit réservé aux petites et moyennes entreprises brésiliennes et que les entreprises européennes soient exclues des marchés publics en matière de santé. Il demande également qu’il n’y ait pas de date limite aux transferts de technologies et qu’il y ait un accès plus étendu des entreprises technologiques brésiliennes au marché européen.

Or, ces revendications obligeraient une réouverture du traité.

« Au risque de tuer les possibilités de développement pour les petites et moyennes entreprises brésiliennes », Lula ne devrait pas céder sur ce point, explique l’économiste Maxime Combes, dans une note pour l’association internationale des techniciens, experts et chercheurs (Aitec), co-animateur du collectif français Stop CETA-Mercosur

Pas d’avancées en juillet ?

Dans cette situation, « il est désormais très improbable que la Commission européenne puisse annoncer des avancées substantielles sur l’accord UE-Mercosur à l’occasion du sommet UE-CELAC », complète M. Combes dans sa note.

Le sommet entre l’UE et les pays d’Amérique latine prévu pour les 17 et 18 juillet prochain aurait pu être l’occasion, sous présidence espagnole du conseil de l’UE, de faire avancer les négociations pour une signature dans l’année. Comme la Commission européenne et le Portugal, l’Espagne est, en effet, un fervent défenseur d’une signature rapide du traité.

Et s’il souhaite rouvrir l’accord, le président brésilien veut également une signature rapide, a-t-il rappelé vendredi dernier (23 juin) à Paris, lors du sommet pour un nouveau pacte financier mondial.

Lula n’a pas encore confirmé s’il se rendrait à Bruxelles le mois prochain. « Un moyen de gagner du temps », analyse M. Combes pour EURACTIV France. Selon les informations du collectif CETA-Mercosur, le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, n’a pas non plus confirmé sa participation.

L’économiste en conclut que, si l’accord tel que signé en 2019 venait à être réouvert, « personne ne sait ce qu’il peut se passer », ni « qui imposera sa vue à l’autre ».


 source: Euractiv