Traité sur la Charte de l’énergie : le Parlement européen donne son feu vert au retrait de l’Union européenne
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CNCD 11.11.11 | 24 avril 2024
Traité sur la Charte de l’énergie : le Parlement européen donne son feu vert au retrait de l’Union européenne
- COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Ce 24 avril, les parlementaires européens ont approuvé en séance plénière (560 pour, 43 contre et 27 abstentions) la proposition de décision du Conseil visant à permettre à l’Union européenne de se retirer du Traité sur la Charte de l’énergie. Pour la Plateforme Commerce juste et durable coordonnée par le CNCD-11.11.11 et son homologue flamand 11.11.11*, la sortie de l’UE de cet accord anachronique est une première étape à saluer, mais la Belgique doit lui emboiter le pas.
Début 2024, sous la Présidence belge de l’UE, les discussions sur la sortie de l’Union européenne du Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) ont abouti à une proposition de compromis, à savoir autoriser les États membres à approuver la modernisation du TCE et à en rester parties prenantes s’ils le souhaitent, tout en permettant à l’UE en tant qu’organisation régionale et à Euratom de s’en retirer dès à présent. Après avoir reçu l’accord de principe du Conseil et le soutien massif des parlementaires des commissions INTA (Commerce international) et ITRE (Industrie, Recherche et Énergie), cette proposition de compromis vient à présent de recevoir le feu vert d’une large majorité du Parlement européen.
Un compromis nécessaire pour sortir de l’impasse
Pour les membres de la Plateforme belge pour un Commerce juste et durable*, « l’initiative de la Belgique, qui s’active pendant sa présidence de l’Union européenne pour concrétiser la sortie du TCE de l’UE en tant qu’organisation régionale, est une première étape à saluer. Toutefois, l’option la plus cohérente et la plus efficace aurait été un retrait coordonné du TCE de l’UE, d’Euratom et de l’ensemble des États membres, accompagné d’une politique de commerce extérieur et de coopération en matière énergétique conformément à la position de la Confédération européenne des syndicats (CES). »
Cette sortie devrait également s’accompagner de la conclusion d’un accord entre les États membres de l’UE pour désactiver la « clause de survie ». Cette clause, reprise à l’article 47§3 du TCE, prévoit que les investissements réalisés dans un pays avant son retrait continuent d’être protégés par le traité pendant vingt ans après sa sortie. Un tel accord permettrait ainsi de réduire le risque de poursuites devant des tribunaux d’arbitrage par des investisseurs de l’UE de vingt à un an.
La Belgique doit elle aussi se retirer du TCE
Le TCE est l’accord commercial qui génère aujourd’hui le plus de plaintes en arbitrage au niveau mondial. Face à ce risque, onze Etats européens (Italie, Allemagne, France, Luxembourg, Pologne, Pays-Bas, Slovénie, Danemark, Espagne, Irlande et Portugal) ainsi que le Royaume-Uni, ont déjà quitté ou annoncé officiellement leur intention de sortir de ce traité.
« Faute de consensus entre les gouvernements fédéral et régionaux, la Belgique n’a pas encore fait le choix de sortir du TCE, contrairement à tous ses pays voisins. Elle n’est pourtant pas à l’abri de plaintes en arbitrage, précise Sophie Wintgens, chargée de recherche sur le Commerce international au CNCD-11.11.11. Elle vient d’ailleurs d’être condamnée, sur la base d’un autre traité de commerce et d’investissement, à payer une amende dont le montant total n’a pas été rendu public (41,3 millions d’euros, plus les frais et intérêts) à l’entreprise DP World qui a son siège à Dubaï. La Belgique a donc tout intérêt à se retirer rapidement du TCE afin d’éviter de devoir payer des millions d’euros de dédommagement à une entreprise étrangère, du fait de sa seule mise en œuvre de directives européennes touchant au secteur de l’énergie. »
Mais la Belgique doit aussi activement œuvrer pour une politique étrangère qui assure sa sécurité d’approvisionnement énergétique vert
« En effet, l’UE et la Belgique consomment plus d’énergie primaire qu’elles n’en produisent, et continueront dans un avenir proche à importer de très grandes quantités de matières et de produits énergétiques. Pour la Confédération européenne des syndicats (CES), il est donc primordial d’accompagner la sortie du TCE d’une politique de commerce et de coopération au développement en vue d’un cadre juridique solide assurant une coopération à long terme avec une diversité de pays fournisseurs potentiels dont de nombreux pays signataires actuels du TCE ». Ce cadre doit maintenir et renforcer le niveau actuel de sécurité de transit, transport et approvisionnement énergétique offert par le TCE dans le but de réaliser l’objectif de réindustrialisation verte de l’Europe nécessaire à sa transition écologique et à l’emploi.
Eléments de contexte
- Le Traité sur la Charte de l’énergie est un accord de commerce signé en 1994 afin de protéger les investissements des entreprises européennes dans les États de l’ex-bloc soviétique, en leur donnant la possibilité de contourner les juridictions nationales pour attaquer directement ces États devant des tribunaux d’arbitrage privés. C’est pourquoi il contient une clause d’arbitrage investisseur-État de type « ISDS » (Investor-to-State Dispute Settlement).
- Ce mécanisme d’arbitrage, qui permet aux multinationales d’attaquer les Etats à chaque fois qu’ils prennent des mesures pour lutter contre le dérèglement climatique ou la précarité énergétique, est toutefois incompatible avec le droit européen. Une solution devait donc être trouvée pour permettre à l’UE de sortir de ce traité anachronique.
- Jusque début 2024 et la proposition de décision du Conseil, aucune des propositions sur la table n’avait obtenu de majorité qualifiée : ni la proposition de la Commission européenne de retrait coordonné de l’UE et de tous les États membres du TCE, ni celle d’un certain nombre d’Etats membres plaidant au sein du Conseil en faveur de leur maintien dans un TCE modernisé.
*La Plateforme pour un Commerce juste et durable est coordonnée par le CNCD-11.11.11 et son homologue flamand 11.11.11- Koepel van Internationale Solidariteit. Elle regroupe des acteurs belges issus de nombreux secteurs de la société civile, tels que les syndicats, les mutualités, des ONG de développement, une association de consommateurs, ainsi que des associations sociales et socio-culturelles.