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Traité transatlantique : la fin de l’arbitrage ?

La Tribune | 30 septembre 2015

Traité transatlantique : la fin de l’arbitrage ?

par Hervé Guyader, Avocat au Barreau de Paris

La très contestée procédure d’arbitrage prévue dans la futur traité transatlantique ne verra donc pas le jour. Mais cela change-t-il vraiment quelque chose?

Bien consciente que cette question de l’arbitrage ISDS (Investor-State Dispute Settlement), opposant investisseurs et Etats dans le cadre du projet de traité transatlantique, continue de cristalliser l’acrimonie la plus vive d’une grande partie des ONG, la Commission européenne a décidé, mercredi 16 septembre, de présenter un nouveau mode de règlement des litiges.

Exit l’arbitrage

Exit donc l’arbitrage désigné comme manquant de transparence et jugé trop peu démocratique et place à un système institutionnalisé comprenant un tribunal de première instance et une chambre d’appel, le tout composé de magistrats professionnels.
Que cela va-t-il changer ? Rien !

Définir deux degrés de juridictions pour un arbitrage est tout à fait possible. Le droit français prévoit, par exemple, que les parties puissent en décider ainsi dans la convention d’arbitrage (article 1489 du Code de procédure civile).

Quant à la présence de magistrats professionnels, cela ne va pas changer grand-chose quand on prend la peine de regarder la composition actuelle des tribunaux arbitraux, tant internes qu’internationaux, qui ne comprennent que des professionnels du droit à la compétence et à l’expérience irréprochables. En cas d’instauration d’une justice institutionnelle, nul doute que ce sont ces mêmes professionnels qui seraient appelés à siéger !

Petits arrangements entre amis

De tout ceci ne reste que l’image de petits arrangements entre amis qui perdure au mépris le plus évident de la réalité et de la pratique des conflits internationaux qui sont bien davantage le lieu de luttes féroces que de conciliabules feutrés.
Quant au contrôle démocratique de la justice, dans un pays organisé autour de la séparation des pouvoirs, et prônant une justice indépendante (ce qu’elle est sans le moindre conteste), il est difficile de percevoir comment pourrait prendre corps ce contrôle.

Le pire est encore que si certains députés socialistes paraissent se satisfaire de cette proposition, d’autres, comme certains députés écologistes, n’y voient qu’une opération d’enfumage et semblent aller plus loin, vers l’abolition de cette justice internationale.
Ceci pose deux graves problèmes que nous avons déjà pu soulever :
 Comment organiser le règlement des différends commerciaux internationaux dans le cadre du TTIP ?
 Si la réponse à cette idée consiste à ce que le juge saisi soit celui du siège du défendeur, donc la France, comment fera-t-on quand les entreprises françaises auront à aller plaider un dossier dans un pays figurant dans les listes des justices les plus corrompues et inféodées au pouvoir (Russie, Chine...) ?

Le commerce international impose d’avoir une vision globale et à très long terme, éléments incompatibles avec les impératifs médiatiques des politiques dont les réélections se jouent en peu de temps et obligent à ces positions caricaturales.


 source: La Tribune