Accord d’Agadir : le Maroc commence à cueillir les fruits
Il y a six ans, pratiquement jour pour jour (25 février 2004), le Maroc signait avec l’Egypte, la Tunisie et la Jordanie l’accord dit d’Agadir pour la création d’une zone de libre-échange arabe. Cette initiative a-t-elle pu doper les échanges du Maroc avec ces pays ? Les chiffres indiquent qu’on est loin des objectifs. En 2009, le volume des échanges globaux entre le Royaume et ces trois pays arabes s’est élevé à 6,84 milliards de DH, soit une augmentation d’un peu plus de 350 millions en un an. Les exportations de notre Logan y ont contribué pour beaucoup puisque les ventes réalisées de cette voiture, au cours de l’année dernière sur le marché égyptien, ont totalisé 361,5 MDH.
Mais la question que se posent les observateurs est de savoir si cet accord, comme d’ailleurs tous les autres que le Maroc a effectués avec les pays arabes, lui a été bénéfique. Entre 2008 et 2009, les chiffres laissent supposer que le Maroc commence à en tirer profit. Car ses importations, en provenance de ces trois pays, ont en général baissé de 3% et ses exportations ont augmenté de 36% en un an. Il faut reconnaître que les efforts déployés par les départements ministériels chargés de la promotion commerciale à l’étranger ont donné quelques résultats positifs. Mais cela n’a pas empêché le solde commercial de rester toujours déficitaire. Il est de 3,16 milliards de DH en 2009. Certes, il est en régression par rapport à l’année précédente. Mais il a quasiment doublé par rapport à 2004, puisqu’il était seulement de 1,75 milliard de DH.
Un accord largement bénéficiaire à la Tunisie
En dehors de la Jordanie avec laquelle le Maroc réalise un excédent de 193,3 MDH, les deux autres pays de l’accord quadra ont renforcé leur position sur le marché marocain. Le cas de la Tunisie est, à ce propos, remarquable. En 2000, le solde commercial du Maroc était excédentaire de 254 MDH vis-à-vis de ce partenaire. Mais, depuis, la situation s’est renversée de manière spectaculaire. Alors que les exportations tunisiennes vers le Maroc ne dépassaient pas les 358 MDH, elles sont passées, en 2008, à près de 2 milliards de DH. Dans le même moment, les exportations marocaines vers ce pays ont presque stagné tout au long de cette période : 614 MDH en 2000 et 694 millions en 2008. La Tunisie n’est pas l’unique gagnant de cette évolution des échanges commerciaux entre les partenaires de cette zone. L’Egypte en a également tiré profit puisque ses exportations vers le Maroc qui lui rapportaient 453 MDH en 2000 se sont chiffrées à un peu plus de 3 milliards de DH en 2009, générant au passage un excédent de 2,2 milliards de DH vis-à-vis du Maroc.
A quoi donc sert un accord s’il ne profite pas au pays ? La réponse n’est pas simple, car des accords pareils sont stratégiques. « De toutes façon, accord ou pas les barrières douanières vont tôt ou tard disparaître », comme le souligne un haut responsable du ministère du commerce extérieur, faisant allusion aux engagements du Maroc dans le cadre de l’OMC. D’autres formes de protection subsisteront (comme les règles d’origine ou les normes), mais généralement tous les Etats membres de l’OMC sont obligés de se conformer un jour à la règle d’ouverture des marchés. « L’enjeu réside dans la capacité des pouvoirs publics et des opérateurs économiques du pays de bien s’armer pour affronter cette situation », souligne le même responsable.
Une bonne plate-forme pour le Maroc
C’est d’ailleurs pour cette raison que les représentants des pouvoirs publics multiplient les accords de libre-échange pour trouver la meilleure formule qui stimulera leurs exportations. L’accord d’Agadir s’inscrit dans cette perspective. Auparavant, les accords bilatéraux avec les pays arabes ainsi que l’accord de la grande zone de libre-échange arabe se sont révélés défavorables pour le Maroc.
D’abord, parce que, souvent, leur application posait problème. La plupart des pays membres ne jouaient pas le jeu et ne respectaient pas les dispositions contenues dans les conventions. « A maintes reprises, on interceptait des importations qui ne répondaient pas aux conditions exigées comme celle de la règle de l’origine, les 40% de valeur ajoutée de la production nationale qu’on impose pour tout produit exporté ; alors que nous, on est sévère vis-à-vis des exportateurs marocains en matière de respect de ces conditions », indique un responsable de la douane. D’un autre côté, plusieurs pays signataires de ces accords recouraient fréquemment à des formes de blocage vis-à-vis des produits en provenance d’autres membres. En définitive, ces accords ne donnaient pas aux exportateurs marocains accès aux marchés comme cela aurait dû se faire. Pour faire face à cette situation, le Maroc était donc obligé d’appliquer à la plupart des importations de ces pays, la déclaration de franchise douanière (DFD). Une procédure qui, en dépit de l’accord de libre-échange, contraint toute importation à se conformer au préalable à certaines dispositions administratives. Si cette formalité répond officiellement « à des fins statistiques », selon un responsable du ministère du commerce extérieur, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’une restriction déguisée mais, somme toute, légitime en raison de la réticence des autres pays membres. Malgré tout, cela n’a pas pu endiguer la déferlante : le déficit commercial du Maroc vis-à-vis des pays arabes est passé de 10 milliards de DH en 2004 à 23 milliards de DH en 2008.
Aujourd’hui, au vu des chiffres de 2009, tout porte à croire que pour l’accord d’Agadir les erreurs du passé ont été évitées. Certes, durant les premières années d’application, la Tunisie et l’Egypte ont tenté de mettre en place des barrières non tarifaires sur certains produits. Mais au final, les mécanismes de concertation de l’accord semblent avoir bien fonctionné, ce qui n’est pas le cas des accords avec les autres pays arabes.
FOCUS :Le Liban n’est pas encore membre de l’ALE d’Agadir
Contrairement à ce qui a été avancé récemment, le Liban n’a pas adhéré à l’accord d’Agadir.
L’information a été largement relayée auprès des opérateurs économiques en raison de l’importance de ce partenaire. Mais selon le ministère du commerce extérieur, aucune demande officielle pour une adhésion d’un pays quelconque n’a été déposée au secrétariat du l’accord d’Agadir dont le siège est situé au Maroc. « On a été approché par le Liban et la Palestine, mais il semble que leur démarche s’inscrit jusqu’à présent dans le cadre de l’étude des opportunités qu’offre la possibilité d’adhésion à ce groupement », souligne un responsable du ministère.