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Appel des peuples d’Afrique à l’opinion publique européenne et internationale

Coalition africaine contre les Accords de Partenariat Economique (APE) et pour l’ouverture d’un dialogue en vue de construire un partenariat pour la croissance et le développement | le 9/01/2008

Appel des peuples d’Afrique à l’opinion publique européenne et internationale

« Jusqu’à présent, nous avons eu une politique pour l’Afrique, il nous faut aujourd’hui une politique avec l’Afrique (...) l’Afrique est redevenue un enjeu géostratégique majeur sur la scène internationale. Le continent africain retrouve aujourd’hui une place en accord avec ses énormes potentialités dans les différents agendas politiques internationaux. »
— José Manuel Baroso, Président de la Commission Européenne

« Si l’Europe n’a plus que la camisole de force des APE à nous proposer, on peut se demander si l’imagination et la créativité ne sont pas en panne à Bruxelles »
— Abdoulaye WADE, Président de la République du Sénégal.

En Afrique, comme en Europe, les peuples et les dirigeants ont exprimé leur volonté de cheminer ensemble dans le respect et la solidarité, pour consolider des liens que ni, l’histoire, par moment douloureuse, ni les vicissitudes de l’évolution mondiale n’ont réussi jusqu’ici à défaire. Cet acquis doit être préservé.

L’Europe a bien compris la force et le potentiel de l’Afrique dans le contexte international actuel. L’Afrique est aussi parfaitement consciente de cette réalité et a décidé d’imprimer sa propre empreinte sur son évolution.

La construction d’un nouveau partenariat Europe-Afrique demande cependant à la fois du temps, de la cohérence et une prise en compte des déséquilibres de pouvoir économique et politique et des ambitions légitimes de chaque peuple. Pour être mutuellement avantageux, il doit être fondé sur des principes forts de respect, de solidarité et de confiance.

Or, en cherchant à imposer les Accords de partenariat économique (APE) comme seul modèle de partenariat avec l’Afrique, en ignorant les nombreuses alternatives qui laisseraient aux pays africains la liberté de mettre en œuvre leurs propres politiques de croissance et de développement, en accentuant les pressions sur les gouvernements africains pour la signature des APE et en sapant les fondements du processus d’intégration du continent africain si difficilement mis en œuvre, sur la base du principe « diviser pour mieux régner » de si triste mémoire, l’UE contredit par ses actes son propre discours en faveur de l’intégration et du développement de l’Afrique et se met en porte à faux par rapport aux principes définis en commun.

Oui l’Afrique rejette les Accords de partenariat économique. Ces accords portent en eux la désintégration des économies et institutions régionales et rendront impossible tout espoir d’intégration continentale. Ils rendront vaines les tentatives de construire des marchés régionaux ou continentaux. En instaurant une réciprocité commerciale faussement symétrique et inéquitable et en organisant l’invasion de nos marchés par les produits européens subventionnés, ils perpétueront la dépendance de nos économies aux seules matières premières et détruiront nos industries vulnérables, tout en tuant dans l’œuf tout espoir d’industrialisation future. Ils soumettront nos agricultures et porteront de façon irréversible atteinte à notre souveraineté alimentaire. Ils appauvriront nos Etats qui ne pourront plus répondre aux besoins les plus élémentaires de nos peuples et créeront les conditions à davantage de conflits et d’instabilité politique.

Appauvries, sans perspectives de progrès et plongées dans un profond désespoir, nos forces vives seront encore plus tentées par l’immigration. Il est même à craindre que le forcing de la Commission européenne, en dressant la jeunesse et l’intelligentsia africaine contre la coopération avec l’Europe, ne soit totalement contre productif. Cela n’est ni dans l’intérêt de l’Europe ni dans celui de l’Afrique.

La période transitoire mise en avant et les milliards promis par l’Europe ne seront à même de compenser les pertes commerciales, économiques et politiques que ces accords nous feront subir.

Ayant étudié les impacts potentiels de ces accords, l’élite et les masses africaines ont pris leurs responsabilités et exprimé leur refus d’y adhérer. L’accord ne peut hypothéquer le droit inaliénable de nos peuples au développement et au progrès. L’avenir ne dépendra pas de l’assistance mais de la possibilité qu’auront nos peuples de créer par eux mêmes de la richesse et de vivre ensemble sur leur terre dans la paix et la dignité.

Pour nous, l’alternative se situe dans une intégration africaine renforcée, dans la construction d’une agriculture qui nourrit les hommes, un système industriel diversifié, des services dynamiques, des Etats démocratiques qui jouent pleinement leur rôle pour faciliter l’accès au progrès à leurs populations et donner éducation et emploi à la jeunesse. Ces ambitions légitimes ne pourraient se réaliser si le système des échanges qui lie nos économies au reste du monde ne permet pas la création de richesses sur le sol africain et si nos économies sont soumises à une compétition déloyale.

Cet appel est une main tendue aux peuples d’Europe. L’Afrique ne s’oppose pas à l’Europe mais veut un partenariat compatible avec ses intérêts et ses aspirations. Nous avons la ferme conviction qu’africains et européens « devraient se forger un destin commun en lançant les fondements d’une alliance objective sur la base de leurs complémentarités. » Nous appelons nos frères et sœur d’Europe, les intellectuels, les organisations et associations, et toutes les personnes de bonne volonté, amis de l’Afrique et simples militants de la justice, de l’équité et du droit des peuples, à se joindre à nous pour que chaque continent jouisse de son droit le plus simple : le Droit à la croissance économique et au DEVELOPPEMENT.

L’Afrique et l’Europe, ensemble, devront redéfinir les termes d’un partenariat qui assurent développement et prospérité mutuelle et qui renforce la solidarité des deux continents face aux nombreux défis dans le monde. Ce partenariat, pour qu’il soit durable, devra nécessairement considérer les leçons de l’histoire ancienne et récente de manière que nul ne subisse à nouveau les affres de la dépendance et de la servitude.

Nous invitons tous les peuples d’Europe à cheminer avec nous pour faire du nouveau partenariat euro-africain en construction un partenariat stratégique orienté vers le développement économique et social et fondé sur la solidarité, la complémentarité, la paix et le respect des droits humains et des peuples en Europe comme en Afrique.

La Coalition africaine contre les Accords de Partenariat Economique (APE) et pour l’ouverture d’un dialogue en vue de construire un partenariat pour la croissance et le développement.


 source: Attac France