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Bilan de la politique commerciale de l’UE

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Euractiv | 1 août 2022

Bilan de la politique commerciale de l’UE

par János Allenbach-Ammann

Après une année au ralenti, le calendrier de la politique de libre-échange de l’Union européenne s’accélère sous la présidence tchèque du Conseil de l’UE. Néanmoins, les mesures commerciales unilatérales qui font actuellement l’objet de négociations au sein du bloc semblent conserver leur élan.

Début 2021, la Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie commerciale préconisant une « politique commerciale ouverte, durable et volontariste ». Cependant, parmi ces trois objectifs, « le côté ouverture a été quelque peu négligé », a confié un haut diplomate européen à EURACTIV.

L’une des raisons de ce constat est structurelle. En effet, dans un contexte de tensions accrues sur le plan géopolitique, où les dépendances commerciales sont exploitées à des fins politiques, la volonté de s’affirmer semble plus importante que l’ouverture.

La seconde raison est le calendrier. Le gouvernement français ayant bloqué tout accord commercial majeur avant les élections présidentielles et parlementaires françaises au début de l’année.

C’est pourquoi les ministres du Commerce des États membres se sont attachés à renforcer la politique commerciale de l’Union sous la présidence française du Conseil. Ils ont conditionné l’accès aux marchés publics de l’UE à un accès réciproque, se sont mis d’accord sur un régime visant à limiter les distorsions causées par les subventions étrangères et ont commencé à discuter de la proposition d’un instrument anticoercitif.

Plus de durabilité

L’UE est également passée au pilier « durabilité » de sa stratégie commerciale. En juin, la Commission européenne a présenté une proposition visant à renforcer le rôle des chapitres sur le commerce et le développement durable (CDD) dans les accords de libre-échange (ALE).

La proposition a été accueillie favorablement par la commission du commerce international (INTA) du Parlement européen et ne fait pas l’objet de discussions entre les États membres. « Les conclusions du Conseil sur l’examen de la durabilité pourraient être rendues en novembre », a indiqué un diplomate européen de haut rang, qui a ajouté que, jusqu’à présent, les discussions n’avaient pas soulevé beaucoup de questions litigieuses.

Pour ce qui est du libre-échange, le mois de juin a été marqué par l’ouverture de négociations pour un ALE avec l’Inde et par la conclusion des négociations avec la Nouvelle-Zélande.

Et d’autres dossiers sont en cours. Par exemple, un accord de libre-échange avec le Chili, bloqué par la France l’année dernière, est maintenant prêt à être signé, mais on ignore encore si le nouveau gouvernement chilien souhaite y apporter quelques modifications.

Des avancées avec de petits partenaires commerciaux

En outre, un cycle de négociations essentiel avec l’Australie aura lieu après l’été. Un diplomate a affirmé qu’il y a « un bon élan » mais que les négociations pourraient ne se conclure qu’en 2023.

La mise à jour de l’accord commercial avec le Mexique est actuellement freinée par des inquiétudes concernant la structure de l’accord, à savoir si l’accord d’investissement doit être traité séparément ou non.

S’il est possible que les ALE avec la Nouvelle-Zélande, le Chili, l’Australie et le Mexique soient signés et ratifiés d’ici la fin de l’année prochaine, il s’agit de petits partenaires commerciaux de l’UE. En ce qui concerne les deux plus grands partenaires, il est peu probable que les États-Unis tendent vers davantage de libres-échanges, et l’accord d’investissement avec la Chine semble bloqué pour le moment.

« Les obstacles à la ratification d’accords commerciaux plus controversés comme celui du Mercosur ou l’accord d’investissement avec la Chine restent très importants, et il semble peu probable qu’ils puissent être surmontés de sitôt », a confié Niclas Poitiers, un expert en commerce du groupe de réflexion économique Bruegel, à EURACTIV.

Le sort du Mercosur — qui regroupe l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay — sera également déterminé par le résultat des élections présidentielles d’octobre prochain au Brésil.

En outre, les relations commerciales avec le troisième partenaire commercial de l’UE (le Royaume-Uni) et le quatrième (la Suisse) restent fragiles pour des raisons politiques. En l’absence de solution aux différends, les relations commerciales pourraient même se dégrader avec ces marchés pourtant relativement essentiels.

L’universalité, la solution de facilité

Ainsi, même si le libre-échange retrouve un peu de vigueur dans l’UE, cette ouverture est lente et dirigée vers des marchés relativement petits.

« La situation est plus réjouissante du côté des mesures commerciales unilatérales, où aucune concession n’est à faire à des tiers », a déclaré M. Poitiers, qui estime que les instruments au moyen desquels l’Union européenne impose unilatéralement ses critères de durabilité ou ceux qui lui permettent d’éviter la coercition économique continueront à jouer un rôle plus important dans les mois à venir.

Les gouvernements des États membres et le Parlement européen pourraient par exemple convenir d’une position de négociation cet automne concernant l’instrument anti-coercitif. Cela ouvrirait la voie aux premières discussions entre les gouvernements des États membres et le Parlement européen sur cet instrument dès cette année.

« Cette approche unilatérale permet à l’UE de poursuivre ses objectifs de manière plus musclée », a affirmé M. Poitiers. Il a toutefois ajouté que celle-ci « risque de fractionner le commerce mondial et de créer des conflits avec les partenaires commerciaux ».


 source: Euractiv