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Bruxelles ambitionne de conclure l’accord avec le Mercosur d’ici au 7 décembre

Les Echos | 1 décembre 2023

Bruxelles ambitionne de conclure l’accord avec le Mercosur d’ici au 7 décembre

Par Karl De Meyer, Richard Hiault

La Commission estime qu’elle a une fenêtre d’opportunité pour enfin conclure l’accord Mercosur. La France doute toutefois qu’elle ait jusqu’ici obtenu des garanties environnementales suffisantes. Le dossier pourrait devenir très inflammable dans la campagne des européennes.

Les équipes de Valdis Dombrovskis sont prêtes à prendre l’avion pour le Sommet du Mercosur de Rio de Janeiro du 7 décembre, si elles parviennent à finaliser au cours des prochains jours l’accord commercial entre l’Union européenne (UE) et les quatre pays d’Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay).

Si une première ébauche de l’accord avait été établie en 2019, après vingt ans de négociations, l’UE avait ensuite exigé de la compléter car elle ne présentait pas de garanties suffisantes sur le climat, la protection de l’environnement et les normes sanitaires dans l’agriculture. La France réclame en particulier deux garanties. L’assurance d’un développement durable des pays via le respect de l’accord de Paris et la réciprocité en matière de normes de production - pour établir une égalité de concurrence entre les deux rives de l’Atlantique. Cela passerait par l’instauration de « clauses miroirs ».

Au dernier Conseil des ministres du Commerce, lundi dernier à Bruxelles, Valdis Dombrovskis a fait état d’une avancée significative des discussions sur le plan du respect de l’accord de Paris, la non-déforestation, la taxe carbone aux frontières de l’UE et l’accès aux marchés publics.

Campagne des européennes

Bruxelles aurait ainsi facilité un peu plus l’accès des Sud-Américains aux marchés publics européens, mais sans arracher le principe de sanctions en cas de violation des engagements environnementaux et sociaux (comme il y en a dans le récent accord noué avec la Nouvelle-Zélande). L’UE, de son côté, aurait obtenu une égalité de traitement avec d’autres pays tiers en cas de non-ouverture de certains marchés publics sud-américains, à l’instar de la santé.

« D’après ce que nous savons aujourd’hui, les conditions de ce nouvel accord ne semblent pas acceptables car elles contreviennent aux objectifs que nous nous sommes fixés avec le Pacte vert européen depuis quatre ans. Compte tenu de la sensibilité de la question commerciale en France, un mauvais accord aurait en outre un effet désastreux sur la campagne des européennes de juin 2024 », argumente Marie-Pierre Vedrenne, vice-présidente de la commission du Commerce du Parlement européen.

Contrer l’influence chinoise

Jérémy Decerle, eurodéputé centriste et éleveur bovin, renchérit : « il est malhonnête de la part de la Commission d’imposer aux agriculteurs européens des règles strictes et de signer en même temps des accords qui laissent entrer dans l’Union des denrées produites sans respecter ces mêmes règles ».

Bruxelles est toutefois pressé d’agir, non seulement pour diversifier les approvisionnements européens en matières premières critiques (une grande préoccupation de l’Allemagne), mais aussi pour contrer l’influence chinoise. « La Chine a activement renforcé ses positions dans la région, en investissant beaucoup dans les mines et le secteur énergétique et maintenant en diversifiant ses investissements. La place que ne prennent pas les Européens, c’est la Chine qui la prend », résume Elvire Fabry, experte de l’Institut Jacques Delors.

Contexte mondial tendu

Politiquement le temps presse. Après l’élection à la présidence de l’Argentine de Javier Milei , qui s’était prononcé pendant sa campagne contre le Mercosur en général, Bruxelles estime préférable d’aboutir avant son investiture. Il se dit que le nouveau président préférerait lui aussi ne pas avoir à endosser la paternité d’un accord commercial mais aimerait profiter de ses effets économiques.

Alors que son mandat arrive à son terme, la Commission, de manière plus prosaïque, aimerait étoffer son bilan en matière d’accords commerciaux , jusqu’ici maigre dans un contexte mondial tendu où la grande vague de globalisation du début du siècle est remodelée.

Ratification
Surtout, les Européens semblent avoir le couteau sous la gorge. Le président du Paraguay, Santiago Pena, qui s’apprête à succéder au Brésilien Lula à la présidence du Mercosur à l’issue du sommet de Rio, a assuré qu’il cesserait toutes négociations si aucun accord n’intervenait ce mois-ci.

La publication d’un texte final ne signifie pas pour autant la mise en oeuvre de l’accord. Le texte devra passer l’examen des ministres du Commerce de l’UE et le vote du Parlement européen. D’ici là, les opposants vont fourbir leurs armes.

Sujet clivant

Aux côtés de la France, d’autres Etats membres se montrent vigilants, principalement la Pologne, l’Autriche, la Belgique et les Pays-Bas, où un mouvement politique agriculteur-citoyen a émergé cette année, exprimant le malaise du monde agricole. Parmi les pays les plus favorables à un accord figurent, aux côtés de l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, qui assure jusqu’à la fin de l’année la présidence de l’UE.

Le sujet, toujours aussi polémique et épineux, est remonté jusqu’aux niveaux des leaders politiques, qui devraient saisir l’opportunité de la COP28 de Dubaï pour échanger dans les tout prochains jours.


 source: Les Echos