Commerce : Londres entame des négociations cruciales avec Tokyo
Todas las versiones de este artículo: [English] [français]
Les Echos | 9 juin 2020
Commerce : Londres entame des négociations cruciales avec Tokyo
Par Alexandre Counis
Après avoir pris langue avec l’Union européenne et les Etats-Unis , Londres a ouvert ce mardi des négociations commerciales avec le Japon . L’objectif du Royaume-Uni est de conclure un accord de libre-échange qui puisse, après l’entrée en vigueur du Brexit, prendre le relais de celui signé au niveau de l’Union européenne. Les deux parties souhaitent aboutir d’ici à la fin de l’année.
Si le gouvernement de Boris Johnson a fait de cet accord l’une de ses trois principales priorités, c’est parce qu’il représente pour lui un enjeu crucial. Non seulement le Japon est l’une des premières économies du monde, loin devant des pays du Commonwealth comme la Nouvelle-Zélande ou l’Australie. Mais Tokyo a jusque-là résisté à la pression de Londres qui veut, pour aller vite, procéder à des copier-coller des accords conclus par l’UE afin d’en reprendre les termes dans ses futurs accords bilatéraux.
« Les Japonais furieux du Brexit »
« Cela rend un accord avec le Japon encore plus urgent qu’avec des pays qui n’ont pas d’accord commercial avec l’UE, comme par exemple les Etats-Unis », estime Jill Rutter, chargée de recherche pour le think tank UK in a Changing Europe. Sans accord, le Royaume-Uni risque en effet de perdre gros par rapport aux conditions actuelles. « Il s’agit plus de préserver ce que nous avons, que d’aller encore plus loin », confirme Anand Menon, le directeur du même think-tank. De son côté, Tokyo est persuadé qu’il peut obtenir bien mieux qu’avec l’UE.
« Politiquement, il est aussi important pour le Royaume-Uni de montrer au Japon combien il est l’une de ses premières priorités en matière de relations commerciales, soulignait il y a quelques mois Sam Lowe, du think tank Centrer for European Reform, dans les colonnes du « Financial Times ». Les Japonais sont furieux du Brexit et le voient comme une trahison de leur confiance après des décennies d’investissements japonais dans l’économie britannique. »
Le quatrième partenaire non européen du Royaume-Uni
Signe du volontarisme de Londres, les discussions lancées ce mardi par la secrétaire d’Etat au Commerce international, Liz Truss, et le ministre japonais des Affaires étrangères, Motegi Toshimitsu, impliqueront une centaine de personnes côté britannique, soit autant qu’avec les Etats-Unis ou avec l’UE. Les pourparlers, qui se tiendront à distance, seront structurés en six groupes de travail, couvrant les 23 chapitres et annexes du futur accord.
Le Japon est le quatrième partenaire non européen du Royaume-Uni (le onzième au total), avec des échanges qui atteignaient 32 milliards de livres l’an dernier. C’est aussi son sixième partenaire en termes d’investissements directs à l’étranger, et le Royaume-Uni est pour le Japon le cinquième. En 2018, quelque 9.500 entreprises britanniques ont exporté 6 milliards de livres de marchandises vers le Japon, et 6.700 ont importé pour 10 milliards de livres de produits venant de cette destination.
Espérant des avancées dans des domaines comme le commerce en ligne, le gouvernement britannique mise sur un accord pour accroître de 15 milliards de livres, à terme, les échanges entre les deux pays. Mais le Japon pourrait aussi profiter des discussions pour mieux protéger certains pans de son économie, comme par exemple son agriculture. Autre enjeu : l’automobile. Le Japon est le quatrième marché à l’export des constructeurs installés outre-Manche, derrière l’UE, les Etats-Unis et la Chine.