El Salvador - La carotte, le bâton et les semences : la politique d’aide au développement des États-Unis rencontre de la résistance
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AlterInfos | 8 avril 2016
El Salvador - La carotte, le bâton et les semences : la politique d’aide au développement des États-Unis rencontre de la résistance
by Martha Pskowski
Ce texte croise deux thématiques souvent évoquées par DIAL ces dernières années, celle de l’agriculture autour, ici, de la question des semences, et celle du développement et de « l’aide au développement ». Le gouvernement d’El Salvador (FMLN) qui souhaite favoriser l’achat de semences destinées à l’approvisionnement des petits agriculteurs auprès de coopératives salvadoriennes, se heurte ainsi aux pressions des États-Unis qui conditionnent leur aide au développement à l’inclusion des multinationales états-uniennes parmi les producteurs de semences auprès desquels le ministère de l’agriculture salvadorien s’approvisionne… Martha Pskowski, originaire de Washington, vit à Mexico. Texte publié sur le site du Programme des Amériques le 15 août 2014.
Lorsque je visitais cette année la région du Bajo Lempa, dans l’est d’El Salvador, mes nouvelles connaissances m’ont raconté une blague : « Pourquoi n’y-a-t-il pas de coups d’État aux États-Unis ? », me demandèrent-ils. « Je ne sais pas. Pourquoi ? » « Parce qu’il n’y a pas d’ambassade des États-Unis. »
Nous avons beaucoup ri, et cela m’a rappelé que, en El Salvador, le souvenir de l’intervention états-unienne avant et pendant la guerre civile est encore vivace. Aujourd’hui, l’interventionnisme prend de nouvelles formes et, en parallèle, la résistance change elle aussi.
Au mois de mai 2014, l’ambassade des États-Unis en El Salvador a fait pression sur le gouvernement salvadorien afin qu’il modifie son processus d’approvisionnement en semences des petits agriculteurs. Le gouvernement se fournissait presque exclusivement auprès de coopératives salvadoriennes. L’ambassade se plaint de la préférence accordée aux producteurs de semences locaux, au détriment des multinationales, préférence qu’elle ne trouvait « pas juste ni transparente ». Auparavant, le secteur était dominé par des multinationales agroindustrielles comme Monsanto, et les États-Unis ont jugé la nouvelle situation suffisamment déplaisante pour suspendre l’aide de 277 millions de dollars consentie à El Salvador dans le cadre du programme Millennium Challenge.
L’ironie du moment, qui a concerné les États-Unis comme El Salvador, a voulu qu’un nombre sans précédent d’enfants et d’adolescents migrants qui fuyaient l’Amérique centrale soient justement en train d’arriver à la frontière des États-Unis. Les fonds du programme Millennium Challenge, destinés à encourager le développement d’El Salvador, ne semblaient pas vraiment le bon moyen pour faire avancer le dossier des semences.
Des organisations et des syndicats d’agriculteurs et des groupes écologistes d’El Salvador, plus divers groupes aux États-Unis, ont protesté contre l’insertion d’une « clause Monsanto » dans le programme d’aide de base. Le 3 juillet, l’ambassade des États-Unis en El Salvador a confirmé que le différend avait été « réglé » et que le versement des 277 millions de dollars par la Millennium Challenge Corporation (MCC) ne serait pas suspendu.
Cependant, le gouvernement états-unien a lié le versement des fonds Millenium à une refonte plus poussée du droit salvadorien et le gouvernement salvadorien commence à se lasser de ces revirements incessants. De leur côté, certains groupes sociaux d’El Salvador ne veulent même pas de l’argent de la MCC, voyant en lui un cheval de Troie destiné à faire entrer des multinationales sur le marché du développement du tourisme le long des côtes d’El Salvador.
Un animateur social de la région a déclaré : « On ne sait pas si ces mégaprojets vont tenir les communautés à l’écart ou leur apporter une forme ou une autre d’avantage direct. » Ainsi que l’a indiqué un travailleur d’un organisme de solidarité défenseur du programme de semences, la MCC pourrait s’avérer « une nouvelle arme pour imposer une politique économique néolibérale ».
Quand les rebelles gouvernent : aide au développement et FMLN
La première campagne de financement de la MCC, créée sous l’administration Bush pour répondre aux Objectifs du millénaire pour le développement, s’est traduite par le déblocage d’une somme de 461 millions de dollars pour la région du nord d’El Salvador située à la frontière du Honduras, somme notamment destinée à la construction de l’Autoroute transnationale du nord. Les États-Unis ont mis plusieurs conditions au versement de la seconde enveloppe de la MCC, d’une valeur de 277 millions. Les propositions de la MCC sont élaborées en partenariat avec des corporations et même si les dotations ne seront pas annoncées tant que les crédits n’auront pas été approuvés, on sait que plusieurs propositions sont centrées sur le développement du tourisme dans la région de la baie de Jiquilisco.
Le 1er juin 2014 avait lieu la prise de fonction de Salvador Sánchez Cerén, deuxième président à représenter le Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) et le premier à avoir combattu en tant que militant du FMLN durant la guerre civile. Sánchez Cerén s’est engagé à conclure un accord pour le déblocage des fonds de la MCC dans les cent jours suivant son accession à la présidence.
El Salvador incarne les choix complexes auxquels font face les gouvernements progressistes de l’Amérique latine, l’ancien guérillero devenu président faisant pression pour que l’on accepte l’aide des États-Unis, pays qui a financé les partis de droite pendant la guerre civile des années 1980. Sachant qu’un Salvadorien sur cinq vit aux États-Unis et que les envois d’argent au pays dépassaient 3,6 milliards de dollars en 2010, le gouvernement du FMLN encourage le développement intérieur tout en comptant sur l’aide états-unienne et les Salvadoriens de l’étranger.
C’est là un renversement de situation complet après les deux décennies ou presque de gouvernement ARENA [1] qui ont suivi la guerre civile, lorsque la gauche et le FMLN, intimement liés, voire indifférenciables, résistaient au programme économique libéral imposé par les États-Unis, notamment un plan établi en 2003 par le FMI pour privatiser l’approvisionnement en eau. L’Accord de libre-échange d’Amérique centrale (ALÉAC, CAFTA pour son sigle anglais) a rencontré une très vive opposition en El Salvador, avant d’être ratifié en décembre 2004.
Lorsque le FMLN, allié des gouvernements socialistes installés au Nicaragua, à Cuba et au Venezuela, a pris le pouvoir en 2009, le gouvernement états-unien n’a pas choisi d’isoler économiquement El Salvador. Au lieu de cela, les États-Unis ont encore intensifié leur politique de libre-échange et le FMLN a essayé de mettre à profit l’aide économique à sa disposition. Les membres du parti et les mouvements sociaux sont de plus en plus partagés quant à savoir si cette situation représente une concession nécessaire ou un abandon des valeurs du parti.
Agriculture familiale contre ALÉAC
En 2011, le premier gouvernement FMLN a commencé à acheter 88 000 quintaux par an de semences de maïs à 18 coopératives salvadoriennes pour les distribuer à 400 000 campesinos au titre du Plan pour l’agriculture familiale. Avant 2011, Semillas Crisitani Burkard, filiale du géant de la biotechnologie Monsanto, contrôlait 70 % du marché, au sein du programme créé par le président de l’ARENA, Tony Saca.
L’achat de semences en décembre 2012 a été décidé par voie d’ordonnance, laissant à l’écart les semenciers états-uniens. Par la suite, l’ambassadrice des États-Unis, Mari Carmen Aponte, a exigé une procédure d’approvisionnement transparente et ouverte aux sociétés transnationales. Mais une fois de plus, au printemps 2014, les achats ont eu lieu sans appel d’offres préalable, faute de temps selon le ministre de l’agriculture, qui s’est procuré la quasi la totalité des semences auprès des producteurs nationaux. Ces derniers ont plusieurs avantages en leur faveur, notamment un prix du quintal à environ 123 dollars, contre 155 dollars pour les semences produites par les sociétés transnationales. Mais le principal avantage est que le gouvernement soutient ses propres producteurs.
Plusieurs indicateurs de développement témoignent déjà du succès des programmes d’aide aux petits agriculteurs institués par le FMLN. Les prix des céréales de base se sont stabilisés et le marché agricole local a été en mesure de satisfaire la demande nationale de haricots et de sorgho.
L’ambassadrice Aponte et le représentant des États-Unis pour le commerce n’ont cessé de contester le programme d’approvisionnement, au motif qu’il contrevenait à la section 9.2 de l’ALÉAC parce que, même s’il incluait des entreprises étrangères, il ne constituait pas un terrain de jeu « concurrentiel, objectif et transparent », selon les mots du site internet de l’ambassade. Le différend sur les semences s’aggravait.
Agriculteurs, syndicats et écologistes organisent un front en faveur des semences locales
En El Salvador comme aux États-Unis, des rassemblements se sont produits pour défendre le programme de semences. Le 6 juin, dans la capitale, San Salvador, des groupes de petits agriculteurs, de syndicalistes et de citoyens, dont l’Église protestante, la Table ronde sur la souveraineté alimentaire, le Mouvement pour un nouveau pays et El Salvador activiste, ont organisé une marche vers l’ambassade dans le but de dénoncer les pressions faites par les États-Unis pour ouvrir la concurrence entre sociétés transnationales et producteurs de semences locaux. Des organisations de soutien, comme le Comité de solidarité avec le peuple d’El Salvador (CISPES) et la Share Foundation, ont déposé une pétition avec plus de 1 000 signatures dans laquelle elles revendiquaient le droit d’El Salvador de se doter d’une politique nationale en matière d’agriculture et de développement.
Aux États-Unis, le CISPES et Food and Water Watch ont fait circuler parmi des groupes progressistes une lettre destinée au Secrétaire d’État John Kerry où ils défendaient le programme de semences et qui a recueilli cinquante signatures. Sur la colline du Capitole, une seconde lettre signée par soixante membres du Congrès a été adressée à Kerry.
Des groupes progressistes se sont concentrés sur le rôle joué par l’industrie des biotechnologies et des entreprises comme Monsanto, et des pétitions en ligne ont circulé entre les opposants aux OGM. Le directeur des affaires internationales de Food and Water Watch a déclaré : « Je soupçonne qu’il s’agit là d’une “politique de développement” par Monsanto. »
La pression en hausse a conduit à des échanges épistolaires entre le représentant des États-Unis pour le commerce et le Secrétaire technique du Président Sánchez-Cerén. Finalement, le représentant pour le commerce s’est dit satisfait des engagements pris par El Salvador et a annoncé que l’affaire était « réglée ».
Le directeur général du CISPES, Alexis Stoumbelis, a indiqué dans un entretien que le gouvernement restait « décidé à acheter aux producteurs locaux… mais il faudra attendre le mois de février ou mars prochain pour savoir comment fonctionne la nouvelle procédure d’approvisionnement. » D’autres sont moins optimistes car le gouvernement n’a pris aucun engagement ferme dans un sens ou dans l’autre. Les résultants des mobilisations, qui ont eu quelques premiers effets, restent à vérifier.
La MCC pousse à la privatisation et au lancement du « Cancún de l’Amérique centrale »
Ce n’était pas la première condition imposée par les États-Unis à El Salvador pour le versement des fonds de la MCC. En 2012, le président du FMLN, Mauricio Funes, avec le soutien du Trésor des États-Unis, a présenté le projet de loi de partenariat public-privé (PPP). Il proposait dans ce texte de charger un comité directeur d’autoriser des entreprises privées à gérer des marchés publics dans des secteurs comme les transports, les services municipaux, la santé et l’éducation. L’ambassadrice a menacé de bloquer les fonds de la MCC si le projet de loi n’était pas adopté et a exigé que, sur ces fonds, 50 millions USD soient réservés aux PPP.
Les syndicats salvadoriens et d’autres mouvements de gauche ont fait front contre le projet de loi, dans lequel ils voyaient une répétition des politiques de privatisation dévastatrices des années 1990. Dans un entretien, le dirigeant syndical Jamie Lopez a décrit le projet de loi comme « un prolongement du mensonge auquel croyaient les pays d’Amérique latine et selon lequel les politiques néolibérales nous sortiraient de la crise ». Le FMLN a négocié quelques concessions qui excluaient l’eau, l’éducation et les soins de santé du cadre du projet de loi, et le texte sur les PPP a fini par être adopté en mai 2013, mettant au grand jour les tensions latentes entre le président Funes et les militants du FMLN.
Devant le tour que prenaient les choses, le directeur du Conseil pour la défense du consommateur d’El Salvador a également demandé que l’on reconsidère les fonds de la MCC du fait des conditions apparemment sans fin que les États-Unis imposaient. La Loi sur le blanchiment d’argent, déjà révisée deux fois pour satisfaire aux exigences des États-Unis, a peut-être été la goutte qui a fait déborder le vase. Le 21 juillet, le Secrétaire technique, qui apparaît exaspéré sur plusieurs photos, a déclaré qu’ils ne tiendrait plus compte des plaintes futures de l’ambassade. « Nous ne pouvons pas nous permettre de les laisser légiférer à notre place et attenter ainsi à la souveraineté de notre pays. »
Les concessions imposées avec la MCC ne sont pas la seule cause d’inquiétude. Des communautés de la baie de Jiquilisco dans le département d’Usulután se sont élevées contre l’impact de la MCC. José Roberto Acosta, directeur local de l’organisation Voices on the Border, a déclaré dans un entretien : « Nous craignons fortement que les fonds aillent principalement à des mégaprojets de développement touristique. » Les promoteurs veulent donner à la région, connue sous le nom de Bajo Lempa, un titre de leur invention : « le Cancún de l’Amérique centrale ». Les forêts de mangrove de la région, qui sont fragiles, seraient menacées, tout comme les terres agricoles des communautés locales et les tortues de mer, déjà en danger.
En février dernier, je me suis rendue dans le Bajo Lempa. Après la signature des accords de paix en 1992, les combattants du FMLN démobilisés et les réfugiés incapables de retourner chez eux à cause de la poursuite des violences ont été installés dans la région, où certains campesinos vivent depuis des générations.
Après les accords de paix, le parti de droite ARENA, composé de membres des escadrons de la mort en activité durant la guerre civile, est resté au pouvoir. Acosta explique : « Pendant vingt ans, nous n’avons rien reçu du gouvernement, il ne nous a pas manifesté le moindre intérêt… Ce que nous avons, nous le devons à la solidarité internationale et au fait que la population s’est organisée pour pourvoir à ses besoins. »
Aujourd’hui, même après l’accession à la présidence du FMLN, ces communautés continuent de se battre. J’ai rendu visite à la communauté d’Amador López, qui occupe une étroite bande de terre coincée entre des plantations de canne à sucre d’un côté, et la rivière Lempa de l’autre. Les effets de l’agro-industrie et des transformations de l’environnement, qui se manifestent par la hausse du niveau de la mer et par des inondations, sont palpables.
J’ai séjourné chez un homme et une femme originaires du département de Morazán, qui ont combattu côte à côte durant la guerre civile et qui se sont établis là en 1992. Le couple habite dans une maison simple de trois pièces avec ses deux enfants et un petit-fils. La mère était en train de préparer une soupe de légumes et des tortillas de maïs à mon arrivée. Le soir, les parents m’ont raconté des histoires de la guerre ; une photo du Che est accrochée au mur, à côté d’un portrait du couple pris pendant la guerre en uniforme de guérilleros vert foncé.
Dans le Bajo Lempa, le programme de semences du gouvernement profite aux consommateurs comme aux producteurs, le département abritant cinq des dix-huit coopératives qui fournissent des semences. « Depuis cinq ans, les plus pauvres du pays reçoivent davantage d’aide grâce aux programmes sociaux », a indiqué Acosta. En revanche, le projet de développement touristique serait une catastrophe pour les communautés qui pratiquent l’agriculture familiale à cause de la consommation d’eau, de la construction de routes et des concessions foncières qu’il entraînerait.
Lors d’une conférence de presse donnée le 21 juin 2014, des habitants du Bajo Lempa ont expliqué que le projet « écotouristique » constituerait une menace pour les personnes « qui résident ici depuis de nombreuses années. Elles sont la preuve que l’on peut vivre d’une façon qui n’altère pas les ressources naturelles. » Acosta précise qu’ils ne sont pas opposés au tourisme sous toutes ces formes mais que celui-ci ne sera localement intéressant que si « les populations sont maîtresses de la situation et empochent les bénéfices. Ce n’est malheureusement pas ce que l’on observe actuellement. »
La spéculation foncière existe déjà dans des communautés situées tout près d’Amador López, comme la communauté appelée « El Chile » qui se voit soudainement doté de « biens immobiliers parmi les plus précieux d’El Salvador ». El Chile n’a jamais reçu de titres de propriété pour le territoire qu’elle occupe malgré des décennies d’efforts pour les obtenir, et de puissants hommes d’affaires commencent à investir dans le secteur, ce qui fait peser sur la communauté le risque d’être déplacée. Acosta note que, dans l’année qui a suivi l’adoption de la loi sur les partenariats public-privé, ils ont remarqué que les promoteurs touristiques se montraient plus « envahissants ».
Voices on the Border collabore avec plusieurs autres organisations de la région, notamment l’Association des communautés unies pour le développement économique et social du Bajo Lempa (ACUDESBAL) et CESTA Amis de la terre El Salvador pour s’organiser face aux mégaprojets.
Les communautés du Bajo Lempa en arrivent à la conclusion que la source du problème ne réside pas dans les semences ni dans les exigences de l’ambassade, mais dans la rigidité de l’ALÉAC, qui continue de faire loi même lorsque la gauche est au pouvoir. Selon Acosta, le FMLN « continue sur le même chemin politique néolibéral ».
« En fin de compte, le développement n’est pas une question d’argent »
Face aux obligations dont l’octroi de l’aide au développement est assortie, les mouvements sociaux d’El Salvador apportent la preuve que d’autres mondes sont possibles. Alors que, depuis toujours, les hommes politiques se montrent prompts à accepter l’argent qu’on leur offre et à accepter les conditions qui vont avec, des organisations populaires ont résisté aux conditions de la MCC et défendu le programme de semences. Beaucoup de gens du Bajo Lempa, encore plus critiques, rejettent en entier le modèle de développement états-unien qui favorise les entreprises transnationales, et recherchent à la place une nouvelle forme de développement.
La résistance des populations locales produit un impact sur les politiques de commerce international, et Stoumbelis, du CISPES, observe qu’« il devient plus difficile pour les États-Unis d’encourager ces politiques ». Néanmoins, à un moment où des accords commerciaux internationaux comme le Partenariat transpacifique (TPP), dont El Salvador ne fait actuellement pas partie, menacent de remplacer les législations locales et nationales sur l’environnement et le travail, cette résistance ne saurait se disperser dans les détails de telle ou telle clause ou condition. Si le différend concernant les semences s’est révélé un bon élément fédérateur, il n’en reste pas moins que les mouvements sociaux se trouvent avec une grosse épine dans le pied – l’ALÉAC. Que le programme de semences continue ou non sous sa forme actuelle, tant que l’ALÉAC fonctionnera, il demeurera un support important de la politique de libre-échange des États-Unis.
Acosta se veut optimiste et pense que le Bajo Lempa trouvera ses propres outils de développement. « Il faut un déclencheur à la créativité des gens, à leur capacité de s’organiser. À partir de là, ils sauront bâtir les solutions qui amélioreront leur qualité de vie. »
Un vrai développement en El Salvador va nécessiter de regarder au-delà de l’argent des États-Unis et des conditions dont son versement s’accompagne toujours. Le partenariat que le pays a passé avec l’ALBA et la banque récemment créée par les BRICS [2] indique que de possibles alternatives. Cependant, ainsi que l’a dit Acosta, « en fin de compte, le développement n’est pas une question d’argent. Oui, vous aurez besoin de fonds et de matériaux, mais ce n’est pas ce qui constitue les fondations. »
S’appuyant sur des organisations communautaires et des mouvements sociaux forts, un vrai développement est le produit « d’un processus endogène qui prend pour point de départ les conditions de la population ». Ce sont ces processus qui pousseront le FMLN à tenir ses engagements envers les personnes les plus marginalisées du pays, qui luttent jour après jour pour un développement hors du cadre du Millenium Challenge.
Footnotes:
[1] L’Alliance républicaine nationaliste (ARENA) est un parti conservateur salvadorien – note DIAL.
[2] Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – note DIAL.