L’Allemagne fait « pression » pour la conclusion d’un accord de libre-échange avec l’Inde
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Les Echos | 26 février 2023
L’Allemagne fait « pression » pour la conclusion d’un accord de libre-échange avec l’Inde
Par Nathalie Steiwer
Olaf Scholz allumant de l’encens dans un temple à Hanoï, Olaf Scholz dans la cellule de militants anti-apartheid en Afrique du Sud et, ce week-end, le chancelier accueilli par le Premier ministre indien Narendra Modi à New Delhi… Les clichés et les voyages du chef de gouvernement allemand se sont multipliés ses derniers mois, avec une constante : gagner de nouveaux partenaires commerciaux au plus vite.
L’impact économique de l’arrêt des livraisons de gaz russe a conduit l’Allemagne à prendre conscience qu’elle ne peut continuer à « mettre tous les oeufs dans le même panier » selon l’expression d’Olaf Scholz. Avec le regain de tension entre Pékin et Taïwan, le sentiment d’urgence s’est accru dans un pays dont 20 % du commerce extérieur dépend des échanges avec la Chine .
Dans ce contexte, le chancelier est resté discret à propos de l’abstention de l’Inde lors de l’adoption d’une résolution de l’ONU sur l’agression russe en Ukraine. « L’Europe doit abandonner l’idée que ses problèmes sont les problèmes du monde entier », a-t-il résumé en reprenant une expression formulée par le ministre indien des affaires étrangères.
« Mettre la pression » pour un accord avec l’UE
En revanche, le chancelier Olaf Scholz était prêt à « mettre la pression » pour que les négociations d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et l’Inde ne « pataugent pas encore pendant des années ».
A Berlin, les diplomates allemands reconnaissent que « les négociations sont difficiles ». Amorcés en 2007, les pourparlers ont été relancés l’année dernière dans l’espoir d’aboutir fin 2023 mais l’horizon semble s’être déjà déplacé en 2024. L’Inde souhaiterait « recueillir les fruits les plus mûrs, mais ça ne suffit pas pour un accord », remarque-t-on à la fédération allemande des entreprises : « L’union européenne ne peut pas faire ratifier un traité qui abaisserait ses normes environnementales et sociales ».
Avec 1,4 milliard d’habitants et une croissance annuelle de près de 7 %, l’Inde est un marché attractif en principe, résume Claudia Schmucker, de l’Institut allemand de politique extérieur (DGAP) à Berlin, mais « aussi très difficile : nationaliste, protectionniste et bureaucratique ».
5 milliards pour les sous-marins ThyssenKrupp
Entre la corruption endémique et la hausse des droits de douane, les entreprises allemandes « ne sont pas enthousiastes à l’idée d’y investir », constate Claudia Schmucker. Les investissements cumulés allemands depuis vingt ans n’atteignent pas 12 milliards d’euros en Inde alors qu’ils approchent 90 milliards en Chine.
Pour sa quatrième rencontre avec le chef de l’Etat Indien, Olaf Scholz semblait déterminé à inverser la tendance. Il pourrait lui aussi recueillir les « fruits mûrs », en commençant par un contrat de près de 5 milliards pour l’achat de six sous-marins ThyssenKrupp. « Nous avons discuté de projets concrets », a confirmé le chancelier devant la presse et « la qualité technique allemande jouit ici d’une grande reconnaissance ».
Cet optimisme vaut aussi pour les infrastructures ferroviaires, qui ont valu récemment à Siemens un contrat de 3 milliards d’euros. Berlin vise maintenant de nouvelles coopérations pour la production de panneaux solaires, d’hydrogène vert ou de biocarburant, a confirmé Olaf Scholz à New Delhi.