Le rejet des accords de libre-échange et la lutte pour un revenu décent au cœur des mobilisations des agriculteur·rice·s en Europe
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La Via Campesina | 25 janvier 2024
Le rejet des accords de libre-échange et la lutte pour un revenu décent au cœur des mobilisations des agriculteur·rice·s en Europe
- COMMUNIQUE DE PRESSE | Coordination Européenne Via Campesina (ECVC)
En Allemagne, France, Pologne, Roumanie, Belgique et dans d’autres pays, les mobilisations agricoles se multiplient. Le manque de revenu et de perspective d’avenir pour une grande majorité des paysan·ne·s est à la source de ce malaise, largement lié aux politiques néo-libérales menées par l’Union Européenne depuis des décennies. ECVC appelle à prendre ces mobilisations au sérieux et à changer le cap des politiques agricoles et alimentaires européennes : il est temps d’en finir avec les accords de libre-échange et de prendre résolument le chemin de la souveraineté alimentaire.
Des manifestations massives de paysan·ne·s ont occupé les rues en Allemagne, en France et dans d’autres pays européens au cours des dernières semaines. De nombreux·se·s paysan·ne·s luttent sous la pression de politiques néolibérales qui empêchent d’avoir des prix justes. L’endettement et la surcharge de travail explosent, tandis que les revenus agricoles chutent.
Les paysan·ne·s européen·ne·s ont besoin de réelles réponses pour faire face aux difficultés, pas de miroirs aux alouettes. Nous demandons la fin immédiate des négociations sur l’accord de libre-échange avec le MERCOSUR ainsi qu’un moratoire sur tous les autres accords de libre-échange en cours de négociation. Nous demandons une mise en œuvre effective de la directive sur les pratiques commerciales déloyales et une interdiction au niveau européen de vendre sous les coûts de production, avec pour exemple ce qui a été développé par la loi sur les chaînes alimentaires par l’État espagnol. Les prix payés aux agriculteur·rice·s doivent couvrir les coûts de production et assurer un revenu décent. Nos revenus dépendent des prix agricoles et il est inacceptable que ceux-ci soient soumis à la spéculation financière.
Nous demandons donc une politique agricole fondée sur la régulation des marchés, via des prix qui couvrent les coûts de production et des stocks publics. Nous demandons un budget suffisant pour que les subventions de la PAC soient redistribuées pour soutenir la transition vers une agriculture capable de répondre aux défis des crises climatiques et de la biodiversité. Tou·te·s les paysan·ne·s déjà engagé·e·s dans des pratiques agricoles favorables à l’environnement et tou·te·s celles et ceux qui décident de s’engager dans un processus de transition plus durable et agroécologique doivent être soutenu·e·s et accompagné·e·s sur le long terme. Il est inacceptable que dans la PAC actuelle une minorité de très grosses exploitations monopolisent des centaines de milliers d’euros d’aides publiques, tandis que la majorité des paysan·ne·s européen·ne·s ne touchent aucune aide ou ne reçoivent que des miettes.
Nous voyons avec inquiétude l’extrême-droite tenter de récupérer et utiliser cette colère et les différentes mobilisations pour alimenter son agenda, y compris en niant la réalité du changement climatique, en appelant à l’abaissement des normes environnementales et en pointant du doigt les travailleurs migrants dans les zones rurales. Ce ne sont pas les vraies causes de la détresse des paysan·ne·s et les attaquer n’offrira aucune perspective d’avenir. Au contraire, nier la crise climatique risque d’enfermer les paysan·ne·s dans une succession d’épisodes de catastrophes de plus en plus intenses : canicules, inondations, tempêtes, etc. Il faut agir, et nous, paysan·ne·s, sommes prêt·e·s à adapter nos modes de production pour autant que nous ne soyons plus obligé·e·s à produire au plus bas prix possible. De la même façon, les travailleur·euse·s migrant·e·s jouent aujourd’hui un rôle fondamental tant dans la production agricole que dans l’industrie agro-alimentaire : sans ces travailleuses et travailleurs, nous manquerions de bras en Europe pour produire et transformer la nourriture. Les droits des travailleur·euse·s agricoles doivent être pleinement respectés.
ECVC appelle les responsables politiques européen·ne·s à agir rapidement pour répondre à la colère et aux inquiétudes des paysan·ne·s. Il convient d’opérer un véritable changement de politique agricole, qui place les paysan·ne·s au cœur de l’élaboration des politiques et nous donne des perspectives d’avenir. ECVC propose de véritables solutions pour faire face à cette crise, décrites dans notre Manifeste pour une transition agricole qui réponde aux crises climatiques systémiques.