Les députés renoncent à enterrer le CETA
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EurActiv | 6 octobre 2016
Les députés renoncent à enterrer le CETA
par Cécile Barbière
La commission affaires européennes de l’Assemblée nationale a rejeté une résolution appelant la France à s’opposer à l’application anticipée de l’accord, à quelques jours d’une visite de Manuel Valls au Canada.
Le premier ministre Manuel Valls a évité de justesse une situation délicate lors de sa visite au Canada programmée pour les 13 et 14 octobre.
Alors que la ratification du traité de libre-échange entre Ottawa et l’Union européenne approche à grands pas, des élus de l’Assemblée nationale ont tenté de faire adopter une résolution appelant le gouvernement français à refuser l’application provisoire de l’accord CETA.
Incertitude juridique
« Il me semble qu’il y a une série de sujets sur lesquels une incertitude juridique demeure, comme sur les tribunaux arbitraux ou encore sur la défense des indications géographiques protégées » a expliqué à EurActiv la présidente de la commission, Danielle Auroi.
Le traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne doit être ratifié par les États membres et le Parlement européen, avant d’entrer provisoirement en vigueur. Sa signature est prévue fin octobre, lors de la venue du premier ministre canadien, Justin Trudeau.
L’entrée en vigueur de l’accord se fera donc sans attendre le vote des parlements nationaux, prévu par le processus. Un processus risqué. « Il n’y aurait rien de pire que de prévoir un accord qui s’applique pendant 2 ou 3 ans suivi d’un vote négatif d’un des Parlements nationaux : cela mettrait en péril l’UE » a pointé du doigt le député Jean-Noël Carpentier.
La résolution des députés demandait au gouvernement de s’opposer « à toute mise en œuvre provisoire » du CETA. Pour les parlementaires français, l’entrée en vigueur de l’accord devrait donc intervenir seulement après que les ratifications nationales soient clôturées.
Une mixité bancale
« Si certains parlements nationaux venaient à ne pas ratifier le CETA, personne ne peut dire si ce rejet s’appliquerait à l’ensemble du traité ou uniquement aux compétences relevant du domaine national » pointait également la résolution.
La résolution a été soutenue par une partie de la gauche et les Verts , tandis que les socialistes et les Républicains s’y sont opposés.
« Vous ne savez même quelles seraient les conséquences d’un vote défavorable d’un parlement national » a regretté la socialiste Seybah Dagoma. Autre frein mentionné par un des élus socialistes, il serait « délicat » d’adopter cette résolution, et ensuite « pour le premier ministre d’aller au Canada » rencontre son homologue.
« Il y a aussi une manière de voir le verre à moitié vide ou à moitié plein » a pointé du doigt le député socialiste Gilles Savary. Ce dernier a rappelé que concernant les IGP, l’accord CETA était destiné à entériner leur protection au niveau international. « Pour la première fois, on inscrit le respect des IGP dans un accord ! » s’est-il exclamé.
L’accord CETA prévoit en effet la protection d’un certain nombre d’IGP, un des sujets chers à la France. Mais cette protection ne porte pas sur l’ensemble des IGP reconnues au niveau européen, ce que certains voient comme une menace, comme l’eurodéputé Vert José Bové. D’autres avancent que la plupart des fromages ont peu de chance d’être copié, ce qui limite l’intérêt de protéger leur IGP. En revanche, le camembert ou le comté, qui peuvent aujourd’hui être fabriqués n’importe où, seront protégés dès la mise en oeuvre de l’accord.
« On a pas tiré les leçons de ce qu’il s’est passé en Grande Bretagne avec le Brexit, que les humeurs d’un seul Etat membre puisse dynamiter le projet européen » a-t-il prévenu.
Il ne s’agit pas de la première tentative parlementaire contre le CETA en France. Le 21 septembre, près de 100 députés avaient signé un courrier adressé au Président Hollande appelant également à ne pas appliquer provisoirement l’accord CETA, et à consulter la Cour de justice.