Les services financiers restent exclus des négociations transatlantiques
EurActiv | 17/06/2014
Les services financiers restent exclus des négociations transatlantiques
Les services financiers ne seront pas abordés lors du prochain cycle de négociation entre l’UE et les États-Unis sur le TTIP, selon un document confidentiel de la Commission.
Les services financiers restent un sujet très sensible de part et d’autre de l’Atlantique. Une note explicative confidentielle destinée aux États membres de l’Union européenne indique que « la proposition sur le TTIP ne contient aucun engagement sur les services financiers. Étant donné l’opposition des entreprises américaines à l’intégration d’une coopération réglementaire sur les services financiers dans le cadre du TTIP, il est jugé opportun de ne pas inclure d’accord sur les services financiers dans la proposition d’accès au marché européen à ce niveau [des négociations]. »
« La situation pourrait changer à l’avenir si les États-Unis expriment leur volonté de s’engager fermement dans une coopération réglementaire », peut-on lire.
Les États-Unis jaloux de leurs normes
Ce scénario semble toutefois improbable. L’intégration ou non de la question des services financiers dans le cadre des négociations sur l’accord de libre-échange est un point de désaccord majeur entre les États-Unis et l’UE. Alors que l’UE insiste sur l’absolue nécessité d’intégrer les services financiers dans tout accord, le Trésor américain s’est fermement opposé à une coopération avec les Européens visant à réglementer leur secteur financier.
La proposition indique en outre que l’UE se réserve le droit de vérifier la conformité d’une reprise d’entreprise ou de l’établissement d’une nouvelle entreprise sur le territoire d’un État membre pour des raisons de sécurité nationale. Cette exemption, comprise dans la législation actuelle, sera préservée dans le texte d’accord du TTIP, révèle ce document.
Le projet de proposition initial a circulé parmi les États membres pour qu’ils apportent des commentaires entre le cinquième et le sixième cycle des négociations d’ici la mi-juillet. Le document a été publié en ligne le 13 juin par la Fédération syndicale européenne des services publics, qui s’inquiète que des services publics tels que l’eau ou la santé n’aient pas été exclu du projet de proposition. Ceci pourrait inciter les filiales des multinationales établies aux États-Unis à s’engager sur ces marchés.
Cette position doit être endossée par le Conseil des ministres. L’UE indique dans ce document qu’elle se réserve le droit de modifier sa position en la matière durant tout le processus de négociation avec les États-Unis.
Les services d’audit et de comptabilité
Les services d’audit et de comptabilité feront partie intégrante des négociations. La proposition de l’UE consiste en la suppression des limitations relatives à l’accès au marché de ces deux services, avec cependant des conditions nationales pour certains des États membres.
L’Autriche, la Bulgarie, Chypre, le Danemark, le Portugal, la République tchèque et la Suède garderont par exemple leur législation nationale en matière de services d’audit. L’Autriche, la France, Chypre, le Danemark ont demandé des exemptions similaires dans le domaine des services de comptabilité.
Les services financiers sont jusqu’à présent exclus des négociations. À l’inverse, la santé, l’eau, le tourisme, les transports maritimes, ferroviaires et routiers, ainsi que l’immobilier et l’enseignement, font partie du cadre de négociations.
Le projet européen dresse une liste de toutes les limitations de l’accès au marché aux niveaux national et européen. Selon ce document, l’UE espère que les Américains appliquent les mêmes engagements en matière de transparence sur la réglementation étatique dans leur projet de propositions. Des projets initiaux circulent actuellement de part et d’autre de l’Atlantique avant le début des prochaines négociations.
Selon ses défenseurs, le TTIP est le premier accord de libre-échange du XXIe siècle, qui fixera toute une série de normes pour les futurs accords à venir. Mais les organisations de la société civile et de certains hommes politiques critiquent vivement les négociations pour leur opacité. Le président sortant du Parlement européen, Martin Schulz a notamment plaidé en faveur de plus de transparence dans les négociations.
>> Lire : Martin Schulz veut plus de transparence sur le partenariat transatlantique
Les négociations, tout comme le document qui a fuité, sont en effet tenues secrètes.
La Commission européenne affirme de son côté que ces négociations sont les plus ouvertes et transparentes de l’histoire en matière d’accords commerciaux au niveau international et cite à l’appui ses nombreux points presse et ses mises au point quant aux avancées en matière de négociations.
Bâle III
Même si les industries des deux côtés de l’Atlantique souhaitent intégrer les services financiers dans le TTIP, l’UE et les États-Unis sont à couteaux tirés sur la question. L’ambassadeur américain auprès de l’UE, Anthony Gardner, et le commissaire Karel de Gucht ont exprimé leur profond désaccord dans ce domaine lors du dernier sommet européen.
Karel De Gucht avait à l’époque ajouté qu’un accord sur les principes généraux dans l’accord de libre-échange pour les services financiers garantirait que les règles européennes et américaines soient finalisées de manière cohérente.
« Nous estimons que les services financiers devraient faire partie du TTIP. Les Américains sont évidemment très réticents à le faire, ils estiment que les discussions au sein du Comité de Bâle suffisent », avait-il alors souligné.
« Le Trésor américain a été très clair à ce sujet : à franchement parler, je ne pense pas qu’ils changeront leur position, » selon lui.
Sur la question bancaire, par exemple, les États-Unis considèrent que le Dodd-Frank Act suffit. Le Dodd-Frank Act est le principal volet de la réforme américaine sur les normes bancaires énoncées par les Accords de Bâle III. Les États-Unis affirment ainsi que ce volet législatif est mis en œuvre plus rapidement que la directive européenne sur l’adéquation des fonds propres.
Bâle III est une série de réformes qui cherche à renforcer la réglementation, la supervision et la gestion du risque du secteur bancaire. Le projet a été ratifié par le G20 en novembre 2010.