La France se retire du Traité sur la charte de l’énergie
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Novethic | 21 octobre 2022
La France se retire du Traité sur la charte de l’énergie
par Concepcion Alvarez
En marge du Conseil européen, qui se tenait vendredi 21 octobre 2022 à Bruxelles, Emmanuel Macron, le Président de la République, a annoncé la décision de se retirer du Traité sur la charte de l’énergie (TCE), un accord signé au début des années 90 accusé de freiner la transition énergétique européenne. "La France a décidé de se retirer du Traité sur la charte de l’Énergie. C’était un point important demandé par beaucoup et que nos services ont pu instruire", a souligné le chef de l’État.
Signé en 1994, à la sortie de la guerre froide, par une cinquantaine de pays parmi lesquels tous les États de l’Union européenne (à l’exception de l’Italie, qui en est sorti en 2016), les pays de l’ancien bloc soviétique, le Japon, le Yémen ou encore l’Afghanistan, le TCE visait à faciliter les relations énergétiques dans l’ensemble du continent eurasien. Mais le traité est régulièrement contesté car il donne la possibilité aux multinationales et aux investisseurs d’attaquer en justice les gouvernements dès lors que ces derniers modifient leurs politiques énergétiques dans un sens contraire à leurs intérêts. La France a ainsi été poursuivie pour la première fois par un investisseur allemand début septembre 2022.
L’Espagne, les Pays-Bas et la Pologne ont aussi annoncé leur retrait du TCE
La France était mise sous pression depuis plusieurs mois pour sortir de ce traité et une campagne d’interpellation venait d’être lancée auprès de plusieurs ministres du gouvernement par une trentaine d’organisations. Mercredi 19 octobre 2022, le Haut conseil pour le climat, dans un avis sur la modernisation de ce texte, actuellement en cours, a également appelé la France à se retirer. "Seul le retrait du TCE permet de lever l’incompatibilité du traité avec les calendriers de décarbonation à l’horizon 2030, et de restaurer la souveraineté des États membres dans leurs politiques climatiques et énergétiques en limitant les risques de contentieux", ont conclu les auteurs du rapport.
Avant la France, plusieurs États membres avaient déjà annoncé leur volonté de sortir du TCE. Le 18 octobre, le ministre néerlandais du Climat et de l’Énergie, Rob Jetten, a annoncé que les Pays-Bas, poursuivis par deux fois au titre du TCE pour leur décision de fermer leurs centrales à charbon, avaient décidé de se retirer. L’Espagne a aussi confirmé qu’elle était désormais "certaine" de se retirer de cet accord, n’y trouvant "pas d’améliorations" suffisantes. L’assemblée polonaise a également voté un projet de loi enclenchant également le retrait du pays. Et selon des informations transmises par le collectif Stop Ceta, l’Allemagne serait également sur la voie de la sortie.
Des dispositions qui s’appliquent encore 20 ans après le retrait...
Le texte est en cours de modernisation depuis 2018. Un accord doit être définitivement adopté fin novembre par tous les pays membres du TCE. La nouvelle version du traité prévoit d’étendre la protection des investissements à de nouvelles énergies (captage et stockage du carbone, biomasse, hydrogène, combustibles synthétiques, etc.) et d’exclure du champ du Traité la protection des investissements dans les énergies fossiles réalisés à partir d’août 2023 et ceux qui auront plus de dix ans à cette date. Mais pour les spécialistes, le TCE modernisé continuera de peser comme une épée de Damoclès sur la transition énergétique européenne.
Reste un point de vigilance : les dispositions du traité sont censées continuer à s’appliquer pendant une période de vingt ans à compter du moment où le retrait prend effet, soit au minimum jusqu’en 2043... Cette clause dite "de survie" va donc devoir être revue pour que le retrait du TCE ait bel et bien des résultats sur la transition énergétique. "Pour être effectif et restaurer la souveraineté des États dans leurs politiques énergétiques et climatiques, tout retrait doit être couplé à une neutralisation de la clause de survie prévue au TCE" indique le HCC dans son rapport.