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Relations commerciales UE-États-Unis : la tentative allemande de relance des négociations s’annonce difficile

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Euractiv | 17 novembre 2022

Relations commerciales UE-États-Unis : la tentative allemande de relance des négociations s’annonce difficile

Par Jonathan Packroff

Le gouvernement allemand a proposé de relancer les négociations d’un accord de libre-échange entre l’UE et les États-Unis. Il est toutefois peu probable qu’un tel accord soit conclu, les entreprises et la Commission européenne fondant davantage d’espoir sur une approche progressive visant à supprimer les barrières commerciales.

Dans le cadre d’un accord sur le futur programme de politique commerciale conclu vendredi dernier (11 novembre), la coalition allemande de « feux tricolores » a accepté de chercher à relancer les négociations commerciales en vue de la création d’une zone de libre-échange entre l’UE et les États-Unis.

La dernière tentative visant à conclure un tel accord, à savoir les négociations pour un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP), avait échoué après l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2017.

Pour sa part, la tentative allemande de relancer les négociations a de fortes chances d’échouer, les représentants des entreprises se montrant eux-mêmes sceptiques quant à ses chances de succès.

« Pour être honnête, je ne suis pas tout à fait sûr qu’il y ait l’élan politique nécessaire, de part et d’autre de l’Atlantique, pour se lancer dans une négociation commerciale de grande ampleur et approfondie », a confié à EURACTIV Thibaut L’Ortye, de la Chambre de commerce américaine auprès de l’UE, qui représente les entreprises américaines opérant dans l’UE.

Ce point de vue a été repris par la Commission européenne, qui a déclaré que les négociations pour un nouvel accord commercial de type TTIP n’étaient « pas à l’ordre du jour ».

En revanche, M. L’Ortye place ses espoirs dans le Conseil du commerce et des technologies (CCT), un forum créé entre le gouvernement américain et les institutions européennes afin de renforcer la coopération dans des domaines économiques stratégiques.

Ainsi, alors que le désir de mener des négociations commerciales longues et approfondies est plutôt faible, la coopération a évolué vers une approche à plus petite échelle.

« Le CCT est devenu notre principale plateforme de coopération où nous parlons à la fois de la facilitation du commerce bilatéral et des normes mondiales », a déclaré un porte-parole de la Commission à EURACTIV.

La prochaine réunion des ministres du gouvernement américain avec les commissaires européens devrait avoir lieu le 5 décembre prochain.

« Tout le monde est confiant dans le fait qu’il y aura une série d’annonces », a indiqué M. L’Ortye à EURACTIV. Il a notamment évoqué de multiples groupes de travail sur des sujets tels que l’intelligence artificielle, les semi-conducteurs, les risques associés à la chaîne d’approvisionnement et la cybersécurité.

La « loi sur la réduction de l’inflation » sous le feu des critiques

En Allemagne, les représentants de l’industrie s’accordent sur l’importance du forum.

Le CCT devrait être « davantage utilisé pour façonner conjointement les normes commerciales de demain au lieu de se les voir imposer par un monde dominé par la Chine », a indiqué Volker Treier, responsable de la politique de commerce extérieur des Chambres de commerce et d’industrie allemandes (DIHK), à EURACTIV.

L’association pointe toutefois du doigt de multiples obstacles auxquels se heurtent les entreprises européennes et qui mériteraient d’être abordés pour améliorer les relations commerciales.

Parmi ces obstacles, on retrouve notamment le projet phare de l’administration de Joe Biden : la loi sur la réduction de l’inflation (IRA), qui subventionne l’adoption de technologies vertes et vise à promouvoir des emplois de qualité aux États-Unis en favorisant la production nationale.

« L’expansion de la création de valeur aux États-Unis est actuellement fortement encouragée par des subventions — en partie aussi de manière discriminatoire », a expliqué M. Treier.

« De nombreuses entreprises allemandes sont préoccupées par ces incitations fiscales américaines dans les secteurs de l’automobile et de l’environnement, qui ne s’appliquent qu’à la production aux États-Unis et sont donc discriminatoires à l’égard des entreprises allemandes et qui, selon les experts, violent clairement les lois de l’OMC », a-t-il ajouté.

Afin de répondre à ces préoccupations, l’UE et les États-Unis ont créé une « équipe spéciale » (task force), qui pourra, la Commission européenne l’espère, prendre des décisions visant à supprimer les éléments discriminatoires de la loi sur la réduction de l’inflation.

« L’équipe spéciale constitue un engagement clair et de haut niveau de la part des États-Unis pour répondre aux graves préoccupations soulevées par l’UE concernant la loi sur la réduction de l’inflation, en particulier concernant la discrimination, les exigences en matière de contenu local et les subventions à la production », a déclaré un porte-parole de l’exécutif européen.

Pour M. L’Ortye, cela ne doit pas entraver les progrès des travaux techniques du Conseil du Commerce et des technologies.

« Notre sentiment est que [l’] équipe spéciale sera en mesure de trouver un moyen d’aborder le problème et d’aller de l’avant. Mais en même temps, comme il s’agit d’une équipe spéciale distincte, on peut continuer à faire avancer le programme du CCT », a-t-il dit.

Des réunions de l’équipe spéciale ont lieu chaque semaine, dans le but de trouver une solution avant la réunion ministérielle du CCT, a indiqué un fonctionnaire européen à EURACTIV. Les Européens attendent toutefois que les États-Unis proposent une solution, telle qu’une exemption des dispositions discriminatoires pour les fabricants européens, a poursuivi le responsable.

Un rapprochement sur fond de tensions géopolitiques croissantes

Les représentants des entreprises allemandes et américaines affirment que, face à l’invasion russe en Ukraine et à la concurrence systémique avec la Chine, le moment est propice à l’intensification des relations économiques transatlantiques.

« Dans un environnement commercial extérieur difficile, les États-Unis deviennent un partenaire commercial encore plus important pour les entreprises allemandes », a souligné M. Treier.

Le représentant des entreprises américaines fait le même constat. « Les arguments géopolitiques et économiques en faveur de la relation transatlantique n’ont probablement jamais été aussi forts », a déclaré M. L’Ortye.

Il estime même que le CCT a contribué à la réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie puisque, selon lui, « c’est grâce à certains des contacts qui ont été renforcés dans le cadre des groupes de travail sur le contrôle des exportations du CCT que la réponse a pu être facilitée ».


 source: Euractiv