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TTIP : Pourquoi les éleveurs n’en veulent pas

Selon Interbev, les États-Unis exporteraient entre 300 000 et 600 000 tonnes de viande bovine en Europe sans droit de douane, contre 45 000 tonnes aujourd’hui Selon Interbev, les États-Unis exporteraient entre 300 000 et 600 000 tonnes de viande bovine en Europe sans droit de douane, contre 45 000 tonnes aujourd’hui | Reuters

Ouest France | 23.5.2014

Traité de libre-échange. Pourquoi les éleveurs n’en veulent pas

Par Mathieu Robert (Agra Presse)

Ce sont moins les viandes hormonées américaines qui inquiètent les éleveurs français que les viandes dites de qualité.

« L’agriculture, en particulier la viande, est la variable d’ajustement des services et de l’industrie », a dénoncé, ce mardi, le président de la Fédération nationale bovine (FNB) Jean-Pierre Fleury, alors que se déroule cette semaine le « cinquième tour » des négociations du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) à Arlington en Virginie.

Cet accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis vise à éliminer les barrières tarifaires et réglementaires entre ces deux gigantesques marchés (à l’exception des services audiovisuels). Ce sont moins les viandes hormonées qui posent problème que les viandes de qualité.

Explosion des exportations ?

L’interprofession de la viande (Interbev) pense savoir que les négociations s’orientent vers l’octroi aux USA d’un droit d’exporter entre 300 000 et 600 000 tonnes de viande bovine en Europe sans droit de douane, contre 45 000 tonnes aujourd’hui. « C’est colossal », estime la FNB. D’autant que les États-Unis exportent traditionnellement les morceaux les plus nobles, comme l’aloyau (bifteck, bavette), qui constituent une large partie de la production et du revenu des éleveurs de bovin allaitants européens.

En Europe, la production de morceaux de qualité issus du troupeau allaitant est estimée à 750 000 tonnes par l’Interprofession bovine. Elle représenterait un tiers de la valeur d’un animal pour seulement 9 % de son poids, estiment certains professionnels.

« Combat perdu d’avance »

Pour Interbev, un tel accord aurait des conséquences désastreuses sur les filières viande bovine en Europe, en premier lieu celle de la France, qui possède le premier troupeau allaitant de l’Union. « Le combat de la compétitivité est perdu d’avance », estime le président d’Interbev, Dominique Langlois.

L’Institut de l’élevage estime à 70 % l’écart entre les coûts de production des élevages allaitants français et ceux des feed-lots américains (parc d’engraissement intensif des bovins en plein air). « Nous ne sommes pas contre le libre-échange, mais nous voulons une réciprocité des normes sanitaires », demande Interbev.

Les éleveurs comptent sur les consommateurs

Pour éviter un raz-de-marée de steaks américains, les éleveurs comptent sur les consommateurs. Un sondage commandé par Interbev à Opinionway révèle que 74 % des Français sont opposés à la « possible introduction de viande américaine ne suivant pas les mêmes normes qu’en Europe en termes de bien-être animal, environnement et traçabilité ». De même, 81 % des consommateurs de viandes se disent « sensibles aux modes de production utilisés en matière de bientraitance animale, de protection de l’environnement et de traçabilité ».

Les États-Unis exportent déjà 20 000 tonnes de viande sans hormone, chaque année vers l’Europe, et l’Union européenne importait 330 000 tonnes équivalent carcasse de viande bovine en 2013. Selon Interbev, la Commission européenne n’a pas l’ambition d’enrayer le phénomène. « La Commission ne voit plus la production de viande bovine comme un secteur d’avenir, regrette Dominique Langlois. Elle considère que les importations doivent palier la baisse de production européenne. »


 source: Ouest France