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UE-Mercosur : les agriculteurs espagnols tirent la sonnette d’alarme

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Euractiv | 9 décembre 2024

UE-Mercosur : les agriculteurs espagnols tirent la sonnette d’alarme

par Fernando Heller

Les principales organisations agricoles espagnoles ont tiré la sonnette d’alarme au cours du weekend du 7-8 décembre quant à l’extrême danger pour le secteur que représenterait l’entrée en vigueur de l’accord commercial UE-Mercosur.

Au cours du week-end, les principales organisations agricoles ont manifesté leur ferme opposition à la ratification et à l’entrée en vigueur de l’accord commercial entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur, le bloc latino-américain composé de l’Argentine, du Brésil, de l’Uruguay, du Paraguay et de la Bolivie.

Après la signature historique de l’accord vendredi 6 décembre à Montevideo, la réaction du secteur agricole en Espagne, comme chez d’autres partenaires de l’UE, a été globalement négative.

Selon Pedro Barato, président de l’Association des jeunes agriculteurs (Asaja), l’accord a été élaboré « à la hâte » et « sans tenir compte des intérêts des producteurs ».

Les agriculteurs espagnols ne peuvent « plus accepter d’accords (commerciaux) dans lesquels l’agriculture européenne est à la solde d’autres intérêts ; un accord oui, mais pas de cette manière », a-t-il réagi, selon les propos rapportés par EFE.

Miguel Padilla, président de la Coordination des organisations agricoles et d’élevage (COAG), a partagé le même point de vue.

L’accord est « absolument scandaleux », a-t-il déclaré samedi, tout en critiquant le gouvernement du Premier ministre espagnol Pedro Sánchez (PSOE/S&D) pour avoir été le principal promoteur de l’accord.

Le secteur agricole espagnol — et celui de l’UE — est « une fois de plus le principal perdant », car la ruralité est utilisée comme « monnaie d’échange » pour d’autres intérêts commerciaux, a expliqué Miguel Padilla, tout en avertissant que l’accord aurait un impact négatif sur des secteurs clés pour l’Europe du Sud, tels que les agrumes.

Les secteurs de la viande bovine, du porc et du riz menacés

Le secrétaire aux relations internationales de l’Union des petits agriculteurs (UPA), José Manuel Roche, s’est montré tout aussi pessimiste.

Selon lui, l’accord UE-Mercosur « pourrait nuire gravement à l’agriculture européenne et à l’élevage familial », en particulier dans des secteurs clés, tels que la viande bovine, la viande de porc et le riz.

Le pessimisme exprimé par les principales organisations agricoles et d’élevage du pays ibérique est partagé, à quelques exceptions près, par leurs homologues des autres États membres de l’UE.

Des sources du COPA (Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne), et de la COGECA (Confédération générale des coopératives agricoles) ont regretté vendredi que le chapitre agricole de l’accord avec le Mercosur soit « déséquilibré », tout en avertissant que si l’accord entre en vigueur, les secteurs de la viande bovine, la volaille, le sucre, l’éthanol et le riz, entre autres, seront particulièrement touchés.

Entre-temps, l’extrême gauche espagnole a également adopté une position très critique, en particulier l’Izquierda Unida (Gauche Unie, IU), une formation intégrée à la plateforme de gauche Sumar, membre mineur de la coalition de Pedro Sánchez.

Le député et coordinateur général de l’IU en Andalousie, Toni Valero, a demandé au gouvernement de « rejeter catégoriquement » l’accord avec le Mercosur, qui doit encore passer par un processus long et complexe de ratification parlementaire par les États membres.

La gauche espagnole contre les « règles néolibérales »

Selon Toni Valero, l’accord du Mercosur est une « menace de mort pour l’agriculture [du] pays », car il impose « des règles commerciales néolibérales qui ne profitent qu’à l’agrobusiness ».

Cependant, au sein du gouvernement de Pedro Sánchez — du moins dans la majorité représentant son parti, le PSOE — l’opinion est différente.

Le ministre espagnol de l’Agriculture, Luis Planas (PSOE), a défendu l’accord car, comme il l’a déclaré vendredi, « il s’agit d’une grande opportunité économique pour le secteur agricole. L’Espagne a tout à y gagner. Notre secteur agroalimentaire sera renforcé par cette ouverture sur un continent avec lequel nous avons des liens culturels et linguistiques ».

Selon la Commission européenne, l’accord serait très bénéfique pour l’Europe, créant le plus grand bloc commercial du monde avec une population combinée de plus de 700 millions d’habitants, tout en renforçant l’UE face à l’influence croissante de la Chine en Amérique latine et dans le monde.

Contrairement à l’optimisme de Bruxelles, le principal front de refus au sein de l’UE est mené par la France — qui a déjà annoncé qu’elle ne ratifierait pas le texte — et l’Italie.

Rome a prévenu qu’elle ne signerait pas l’accord s’il n’incluait pas davantage de garanties pour les agriculteurs européens. La Pologne et les Pays-Bas ont également des réserves.

La semaine dernière, le principal syndicat agricole français, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), a appelé le président Emmanuel Macron à s’engager à constituer une majorité de blocage au sein de l’UE afin d’annuler l’accord.

De l’autre côté, on retrouve les partisans de l’accord, dont l’Allemagne, l’Espagne et le Portugal.

Selon Pedro Sánchez, l’accord servira à construire un « pont économique » sans précédent entre l’Europe et l’Amérique latine. Pour le président portugais Marcelo Rebelo de Sousa, le texte « représente une opportunité unique pour les entreprises et l’économie des deux côtés de l’Atlantique ».


 source: Euractiv